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2023,Vol. 37, No. 2, 39-53

Revue Française de Gestion Industrielle

article en open accès sur www.rfgi.fr

https://doi.org/10.53102/2023.37.02.952

 

 

Chaîne logistique des PMEs de la sous-traitance électronique : comment améliorer les process logistiques grâce aux technologies digitales ?

Jérôme VERNY   1, Ouail OULMAKKI1, Marc DURAND2

1NEOMA Business School, jerome.verny@neoma-bs.fr, ouail.oulmakki@neoma-bs.fr          

2KAPALT, marc@kapalt.com

Résumé :

L’industrie 4.0 ne cesse pas de se développer au sein de l’industrie mondiale alors que les petites et moyennes entreprise (PMEs) de sous-traitance électronique (EMS) françaises ont accumulé du retard sur la digitalisation de leurs processus supply chain. Souffrant d’une demande client très volatile et d’une importante valorisation de stock, elles n’avaient pas les ressources nécessaires pour mettre en place des outils facilitant la gestion de leur chaîne logistique. Quel sont les outils permettant de gérer au mieux la visibilité de la chaîne logistique des EMS ? L’arrivée des outils de pilotage intelligent, plus flexibles et moins coûteux est une opportunité pour ces PMEs de rattraper le retard accumulé. Disposant pour la plupart, de machines de production récentes, elles ont, grâce à l’internet des objets (IoT), la possibilité de lier leurs machines à de nouveaux systèmes d’informations pour pouvoir cartographier les flux et remonter de l’information dans le but d’optimiser la visibilité de leur chaîne logistique. De plus, les possibilités apportées par une récupération fiable de leurs données leur permettraient d’évoluer dans un environnement de collaboration horizontale et verticale dans le but de renforcer la place des PMEs dans cette industrie nouvelle. Dans cet article, nous tentons d’identifier l’apport des nouvelles technologies digitales à la chaine logistique des EMS, puis, de démontrer comment la collaboration-digitalisation-big-data constituent aujourd’hui les nouveaux paradigmes de la logistique et de l’industrie 4.0 à l’ère du digital.

Mots clés : Industrie 4.0 ; PMEs ; sous-traitance électronique ; maximisation de la visibilité ; gestion de stock ; Internet des Objets ; Big Data

Supply chain of SMEs in electronic subcontracting: how to improve logistics processes with digital technologies?

Abstract :

Industry 4.0 continues to develop within the global industry while French small and medium-sized electronic subcontracting companies (EMS) have been lagging in the digitalization of their supply chain processes. Suffering from highly volatile customer demand and high inventory valuation, they did not have the resources to implement tools to facilitate their supply chain management. What are the tools to best manage the visibility of the EMS supply chain? The arrival of intelligent, more flexible, and less expensive management tools is an opportunity for these SMEs to catch up. Most of them have recent production machines, and thanks to the Internet of Things (IoT), they have the possibility to link their machines to new information systems to map the flows and to get information in order to optimize the visibility of their supply chain. Moreover, the possibilities brought by a reliable retrieval of their data would allow them to evolve in an environment of horizontal and vertical collaboration to reinforce the place of SMEs in this new industry. In this article, we try to identify the contribution of new digital technologies to the supply chain of EMS, and then, to demonstrate how collaboration-digitization-big-data constitute today the new paradigms of logistics and industry 4.0 in the digital era.

Keywords : Industry 4.0 ; SMEs ; electronic outsourcing ; maximizing visibility ; inventory management ; Internet of Things ; Big Data


1.   Introduction

Aujourd’hui, il existe généralement deux façons de produire au sein du secteur de l’industrie électronique. D’une part, les productions discrètes, « high mix, low volume » qui sont supportées par des usines de petite taille (moins de 300 employés) à proximité des clients pour pouvoir les fidéliser. D’autre part, les productions de masse, « low mix, high volume » destinées à de grosses séries. Les nomenclatures utilisées pour les productions d’assemblage de circuits imprimés (PCBAs) sont majoritairement composées de plus de 90% de composants dits « non spécifiques », c’est-à-dire que ces composants sont standardisés et utilisés dans de nombreux produits. C’est la raison pour laquelle ils sont faciles à trouver sur le marché mondial et leurs délais d’approvisionnement sont "relativement" courts. Les quelques pourcentages restants sont dits « spécifiques » et suggèrent un suivi différent qui peut parfois nécessiter de diffuser des prévisionnels aux fournisseurs.

L’industrie électronique française est majoritairement tournée vers des productions discrètes avec des acteurs de tailles différentes. Il y a au sein de la chaîne logistique de l’industrie électronique, cinq acteurs principaux qui travaillent pour répondre aux besoins des clients/donneurs d’ordre : les fournisseurs de matières premières, les fabricants de composants électroniques, les distributeurs, ainsi que les EMS qui assemblent les composants électroniques. Ces acteurs sont dans "la plupart des cas" situés dans des zones géographiques différentes. La production de cartes électroniques est conditionnée par la disponibilité de l’ensemble de la nomenclature sur site lors du lancement en production. Tout manque d’information sur un composant tel qu’un retard de livraison, un stock erroné, un lot non-conforme, peut donc avoir un impact direct sur la date de mise à disposition pour le client, la qualité des produits et sur la marge faite par les entreprises de sous-traitance électroniques (EMS).

Les EMS sont au cœur du problème de disponibilité. En 2019, on compte en France 488 EMS et la grande majorité d’entre eux sont des petites et moyennes entreprises (PMEs). Ils doivent réunir toutes les informations et composants nécessaires à la réalisation d'un PCBA. La densité des nomenclatures rend la tâche complexe et chaque contretemps a un impact direct sur la livraison des produits aux donneurs d'ordre. Pour répondre à la demande des clients en termes de qualité, de coût et de délai, les EMS sont confrontés à des processus de fabrication nécessitant une vue claire sur la disponibilité et la non-disponibilité des composants chez l’ensemble des acteurs. La question de la disponibilité des composants est primordiale et se décompose en réalité en deux grands axes : Le premier qui s’articule autour des informations de disponibilité mises à disposition par les acteurs extérieurs à l’entreprise. Le second, basé sur la fiabilité des stocks internes à l’entreprise.

Les chaînes logistiques modernes sont devenues de plus en plus complexes, une visibilité élevée sur la disponibilité des composants aiderait les EMS à fluidifier les processus opérationnels et à réduire la complexité. Le concept de visibilité de la chaîne logistique fait référence à la capacité d'une entreprise à suivre un produit depuis sa fabrication jusqu'à sa consommation (Somapa et al., 2018). La mise en œuvre réelle de la visibilité de la chaîne logistique commence par la digitalisation. Il existe un courant de recherche portant sur l’application des technologies digitales dans la chaîne logistique (Guan et al., 2023 ; Ageron et al., 2020 ; Ivanov et al., 2019 ; Büyüközkan & Göçer, 2018 ; Benzidia et al., 2014, 2012). La majorité des études se focalisent sur l’impact des technologies digitales sur différents domaines, tels que le développement durable, la structure organisationnelle, la production lean, le développement de produits et la gestion stratégique. Cependant, les travaux étudiant le rôle des technologies digitales dans l’amélioration de la visibilité de la chaîne logistique sont encore émergents (Moshood et al., 2021 ; Rogerson & Parry, 2020).

Dans cet article nous questionnons l'application intégrée des technologies numériques et digitales et leur impact sur la chaine logistique des PME de la sous-traitance électronique. Pour répondre à notre questionnement, nous allons étudier le rôle des technologies digitales dans l’amélioration de la visibilité des EMS sur la disponibilité des composants électroniques de leur chaîne logistique. Pour ce faire, nous synthétisons un large éventail de sources au cours des dernières années provenant des entreprises qui dirigent les efforts de digitalisation dans l'industrie électronique françaises (e.g. ALL Circuits, Yageo, Coilcraft, Arrow, Avnet), de sociétés de conseil en chaîne logistique, de magazines spécialisés et d'articles académiques.

Cet article contribue à la littérature de la digitalisation de la chaîne logistique en indiquant les apports possibles des différentes technologies digitales sur l’amélioration de la visibilité des chaînes logistiques d’EMS. En étudiant comment un panorama des solutions technologiques permet de répondre aux problèmes de manque de transparence dans les chaînes logistiques d’EMS, notre article peut être utile aux chercheurs et aux praticiens qui cherchent à comprendre l'impact de la digitalisation sur la visibilité de la chaîne logistique.

La structure de l’article est organisée comme suit : dans la section 2, nous présentons le marché de l’industrie électronique et plus particulièrement de la place des EMS dans cette industrie, Ce qui servira de base à notre étude. Dans la section 3, nous nous pencherons sur les technologies digitales permettant de maximiser la visibilité de la chaîne logistique des EMS, cherchant à approfondir des termes plus concrets. Dans la section 4, nous présentons une série de proposition de recherche, ce qui conduira à de futures pistes de recherche. Enfin, la conclusion sera présentée dans la section 5.

2.   LE MARCHE DES EMS

Le marché des EMS en France est très disparate. Comme le montre la figure 1 ci-dessous, 62.7% des EMS ont moins de 10 salariés. Mais le chiffre d’affaires fait par ces très petites entreprises (TPEs) est très faible (moins de 5%, d’après l’INSEE en 2017). Ce sont les entreprises de plus de 200 salariés qui représentent la plus grosse part du chiffre d’affaires du secteur avec plus de 80% de chiffre d’affaires réalisé. Les principaux EMS en France sont ALL Circuits, ASTEELFLASH, EOLANE et LACROIX Électronique.

Figure 1 : Répartition des entreprises par nombres d’employés chez les EMS. Source : Insee, 2017.

Le nombre important de TPE dans le secteur pose un réel problème quant au développement des nouvelles technologies qui nécessitent des investissements importants, accessibles essentiellement aux EMS de taille moyenne. La gestion de la Supply Chain semble être très peu, voir absente de la digitalisation ce qui renforce les disparités entre les entreprises qui peinent souvent à avoir des logistiques efficaces et fiables.

En France, les EMS sont majoritairement situés en Ile-De-France et en Auvergne Rhône Alpes. Ce sont des régions faciles d’accès où les compétences dans le domaine sont nombreuses. (INSEE, 2019).

Comme nous avons pu le voir, la population des EMS est majoritairement constituée par des PMEs et des TPEs puisqu’elles représentent 97,8% des entreprises. Pour rappel, en France les appellations « PME et « TPE » regroupent les entreprises de 0 à 250 salariés d’après la loi de modernisation de l’économie (Décret d’application n°2008-1354, article 51).

Au niveau mondial, le marché de l’électronique est en constante croissance. Avec l’arrivée de toutes les nouvelles technologies portant autour de l’IoT, de l’intelligence artificielle et avec le développement permanent des réseaux, cette croissance tend à perdurer. Concernant le marché en France, il peine à se développer du fait de la demande très volatile et spécifique, qui, par conséquent, impose aux EMS la mise en place une stratégie logistique compliquée pour des marchés de niche. Enfin, il est important d’évoquer la part du chiffre d’affaires français des EMS comparé au marché asiatique. Ce dernier est très faible malgré la place de leader européen détenu par les entreprises françaises. En effet, une étude du cabinet Roland Berger en 2017 montre que le CA réalisé par les EMS asiatiques est 200 fois supérieur à celui réalisé par les EMS français.

2.1    Les différents acteurs de l’industrie électronique

Nous distinguons au sein du secteur une multitude d’acteurs. Ces derniers ont tous un rôle à jouer dans cette nouvelle ère de transformation digitale. En France, « la filière industrie électronique compte environ 200000 emplois directs et 150000 emplois indirects » (Conseil National de l’Industrie, 2019). Nous allons donc détailler les différents acteurs présents au sein de l’industrie électronique (voir figure 2) :

Les fournisseurs de matières premières issues du monde entier fournissent des matières indispensables pour débuter un processus de fabrication.

Les fabricants tels que Yageo, Coilcraft, Mini-circuit, sont spécialisés dans la création de composants électroniques. Depuis le début du 21ème siècle, beaucoup de filiales ont été racheté par les groupes distributeurs.

Figure 2 : Acteurs de l’industrie électronique. Source : auteurs.

 


Le panel des distributeurs est très largement dominé par des sociétés américaines. Les distributeurs sont spécialisés dans le négoce de composants. Ils achètent de grosses quantités auprès des fabricants pour les revendre et de dégager ensuite de la marge. D’après une étude Xerfi (2019), les distributeurs sont constitués de 66,9% d’entreprises comprenant entre 0 et 9 salariés réalisant chiffre d’affaires total de 9,5% alors que plus que 55% du chiffre d’affaires est généré par des sociétés de plus de 100 salariés qui ne représentent que 3,9 % des sociétés. Les distributeurs jouent un rôle important dans la transformation qui permettra d’optimiser la visibilité de disponibilité des composants. Les leaders du secteur en France en 2019 sont Arrow, Avnet, EBV elektronick et RS components (source : Xerfi 2019)

Les EMS spécialisés dans l’assemblage de cartes électroniques et parfois même dans la conception de celles-ci, sont au cœur de la problématique de disponibilité. Ils doivent disposer de l’ensemble des informations et des composants nécessaires à la production d’un PCBA. La densité des nomenclatures rend la tâche complexe et chaque contretemps à un impact direct sur la livraison des produits aux donneurs d’ordres.

Les donneurs d’ordres sont ceux qui, dans la plupart des cas s’occupent du design des produits et font appel aux EMS pour passer sur des productions industrielles. On les retrouve principalement dans le secteur de l’automobile représentes par des acteurs tels que Renault, du secteur de la défense par Thales & Safran ou du secteur des réseaux.

2.2    Évolution du chiffre d’affaires des EMS

En France et en Europe, le secteur de la sous-traitance électronique est un domaine qui peine à se développer. D’après l’INSEE (2019), le secteur à une croissance moyenne annuelle de 5 % sur les 10 dernières années. L’année 2020 ponctuée par des ruptures non anticipées et un secteur aérien fortement touché par la crise dû au Covid-19 devrait pénaliser d’une croissance négative pour l’activité des EMS Européens.

Durant les vingt dernières années, l’Europe était parmi les leaders du secteur de l’industrie électronique. Au cours des années, les productions ont été délocalisé.  En 2019, 20% des équipements électriques et électroniques ont été produit sur le continent. La France a gardé une place importante puisqu’elle est le leader européen sur la production de PCBA.

La production européenne a été modifiée pour répondre aux besoins de ses clients. En 2020, le chiffre d’affaires est réalisé en majorité, par une large gamme de produits avec des productions en faible quantité. Cette approche de production est connue sous le nom « high mix / low volume ». Le phénomène a été accru par un nombre de client grandissant ces dernières années et l’apparition de produits de plus en plus complexes et miniaturisés.

De plus, la demande très volatile pousse les TPEs et PMEs à accepter de réduire leur marge et à accumuler des stocks à long terme sans avoir la certitude de pouvoir transformer cette matière stockée.

Les OEM français et Européens se sont battus pour pouvoir maintenir des productions en France et ainsi avoir un contact rapproché et régulier avec les EMS.

Les productions de masse furent déplacées vers le continent asiatique et dans la région du Maghreb. Ces usines ont généralement plus de 1000 employés et disposent d’investissements importants. Cela leur permet de mettre en place plusieurs lignes CMS. Le temps de mise en place d’un nouveau produit dans ces usines est assez long, de 6 mois à 1 an, mais dès lors que la production est lancée, la Supply Chain rodée et avec de nombreux indicateurs d’alerte, permet de maintenir des productions importantes. Les risques de ces productions reposent surtout sur la capacité des fournisseurs à pouvoir suivre les cadences de production et sur l’anticipation des obsolescences sur la nomenclature (BOM) des produits. Sur ces productions, la part matière et la part main d’œuvre est en général très faible. C’est la quantité qui permet de générer du chiffre d’affaires.

2.3    Composants et conditionnements

La situation actuelle de pénurie mondiale n’est pas qu’une problématique conjoncturelle, mais révèle des problèmes structurels de la supply chain, mis en lumière par le Bullwhip Effect, symbole de la désynchronisation de la Supply chain dans l’industrie des composants électroniques.

2.3.1  Rappel des différents composants électroniques

Les nomenclatures de produits présentent dans le secteur sont très différentes Alors que l’on peut voir des PCBA ne comprenant qu’un circuit imprimé et quelques composants, d’autres sont composés de centaine de références différentes. On distingue plusieurs catégories de composants :

• Les composants actifs (microprocesseur, composant analogique, composant discret, composant optoélectronique) nécessitent une source d’énergie extérieure. Ils sont présents en minorité sur les PCBA mais ils sont globalement les plus coûteux.

• Les composants passifs (résistances, inductances, condensateurs, filtres ECM, connecteurs) ne nécessitent pas de source énergétique extérieure. On les appelle aussi composants « cheap » et ils sont présents en majorité sur les PCBA. Leurs coûts sont dans la plupart des cas sont très faibles.

• Les câbles présents majoritairement lors de l’assemblage entre plusieurs PCBA ou lors de l’intégration en module.

• Les systèmes embarqués « désignent des systèmes informatisés conçus pour résoudre une tache spécifique au sein d’un système plus large. Ils combinent matériel et logiciel » (Xerfi, 2019). Ces systèmes ont dans la plupart des cas un approvisionnement mono-source et sont donc très suivis par les donneurs d’ordres.

• Les cartes électroniques peuvent aussi faire partie d’autres PCBA. Il n’est pas rare devoir assembler sur un circuit électronique ou dans un module, une carte étant produite par un autre sous-traitant.

Dans cette recherche, nous n’aborderons pas les consommables (pate à braser, étain, colle, …).

2.3.2  Rappel des conditionnements

Les conditionnements ont un aspect très important sur la disponibilité des composants. Il n’est pas rare de trouver sur le marché des composants qui ne sont pas adéquats aux futures productions. Voici une liste des conditionnements que nous pouvons trouver sur le marché :

• Le conditionnement en bobine est celui que l’on retrouve le plus communément sur le marché. Le concept est simple, une bande alvéolée est entourée autour d’une bobine pour pouvoir faciliter la préhension des machines. Il permet de préserver la conformité des pièces et de faciliter la pose automatique des composants pour les EMS disposant d’une ligne CMS.

• Le conditionnement en plateau permet lui aussi de faciliter la pose automatique des pièces, en revanche ce conditionnement est plus destiné aux composants de grande dimension et qui ne peuvent donc pas être contenus dans les bandes alvéolées

• Le conditionnement en bande, est assez courant chez les EMS de petite taille, qui ont des productions high mix/ low volume. La raison est simple, ils n’arrivent pas au MOQ imposé par les fabricants et décident donc de s’approvisionner par des distributeurs qui leur proposent des quantités plus faibles. Le prix à l’unité est dans ce cas beaucoup plus important et varie en fonction de la quantité demandée. C’est aussi une solution de dépannage pour certain EMS qui achètent en bande et recréent un conditionnement en bobine.

Figure 3 : Ventes de composant par circuit. Source : ACSIEL, 2018.

La figure 3 montre que la part vendue aux distributeurs en France est de 33%, ce qui n’est pas négligeable et reflète le nombre important de PME/TPE dans le secteur.

Le conditionnement en sachet est utilisé par les petits EMS et en solution de secours car la qualité des composants est souvent plus altérée. Il n’est pas rare de voir des composants abîmés par ce type de conditionnement (par exemple les composants à pattes). Les EMS équipés d’outils de remise en bande peuvent reconditionner ces sachets et ainsi permettre la pose automatique, ce qui diminue le risque généré par les poses manuelles.

Il est important d’ajouter que certains composants doivent être stockés dans des milieux respectant un certain taux d’humidité. Ces composants sont stockés sous dry pack respectant des normes MSL[1]. La norme MSL est une norme désignant la sensibilité d’un composant à l’humidité. A sa création, le composant est identifié par un niveau pouvant aller de 1 à 6. Le niveau 1 étant le niveau minimal signifiant que le composant doit être conservé à température ambiante. Les niveaux les plus courants sont les niveaux 1, 2 & 3 (le niveau 1 n’ayant pas nécessairement besoin de conditionnement en sous vide lors de son stockage).

3.   LES TECHNOLOGIES DIGITALES PERMETTANT D’AMELIORER LA VISIBILITE DE LA CHAINE LOGISTIQUE DES EMS

Dans cette section, nous présentons les différentes solutions technologiques qui permettent de maximiser la visibilité de la chaîne logistique des EMS.

• Enterprise Resource Planning (ERP)

Cet outil est un atout majeur pour les EMS mais il n’est implanté que chez les EMS de plus de 100 salariés car les ERP d’aujourd’hui tel que SAP le leader mondial du marché, QAD, AS400, SEGID et SAGE sont très coûteux à mettre en place. De plus une étude d’Ahmad et Pinedo (2013) montre que le succès de la mise en place de ce type d’outil est conditionné par des facteurs organisationnels dont ne disposent pas les PME. Un effectif faible signifie une allocation des ressources plus complexe et des activités transversales pour l’ensemble des employés. Très peu de recherches ont été réalisées sur le développement des ERP dans les PME (Haddara & Zach, 2011), la principale raison est que les TPE n’ont pas les ressources financières de les utiliser. Les ERP traditionnels sont rigides dans leur fonctionnement, lorsqu’une entreprise décide de les intégrer, c’est elle qui doit s’adapter à l’outil (Cullinan et al., 2010), or les PME qui ont la particularité d’être très flexibles souhaiteraient donc un outil adapté à leurs besoins.

• Échange de données via SQL

Cette méthode est très polyvalente mais nécessite une gestion manuelle et c’est une activité chronophage. Si cette méthode est communément utilisée, c’est principalement grâce à un coût de mise en place très faible. En effet, la demande des petits EMS est très variable et la flexibilité est donc importante. Alors qu’il faut nécessairement modifier de nombreux paramètres en dur dans les SI et que cela peut prendre un temps considérable.  Quand on ne dispose pas de SI, la tâche est beaucoup plus aisée mais aussi plus risquée.

• Message EDI

Les messages EDI sont très largement utilisés par les acteurs du secteur. Cette méthode de transmission, qu’elle soit utilisée par des PME ou des grandes sociétés, permet de communiquer de manière efficace sans disposer des mêmes outils internes et externes.

• Web service & Interface de programmation applicative (API)

Les web services permettent de connecter entre eux différents acteurs. Des API sont généralement ajoutés pour que les entités n’utilisant pas les mêmes outils puissent échanger de manière automatisée. « Les API définissent les méthodes par lesquelles un programme peut interagir avec un autre et envoyer ensuite les données sur un réseau. » (Source : IDINFO)

• Gestion du backlog de commande fournisseur

Le backlog, ce terme est aussi utilisé pour parler du carnet de commande entier qui va lier le client à son fournisseur. Le backlog automatisé est largement répandu dans le secteur de l’industrie électronique. L’échange de données sur les commandes se pratique de manière automatique entre les systèmes via l’utilisation de messages EDI. Les actions réalisées par les acteurs sont donc essentiellement la passation et la validation de commande. Les limites de ce type de gestion sont généralement le manque de réactivité qu’il y a entre les acteurs. En effet, il n’est pas rare de voir une quantité importante de lignes de commandes en retard et la charge de relance vers les fournisseurs devient alors plus importante pour les approvisionneurs.

• Internet des objets (IoT)

L’IoT est le « catalyseur clé pour la prochaine génération de fabrication avancée, appelée Industrie 4.0 » (Trappey et al., 2017), en développement depuis plus de 20 ans, l’utilisation de cette technologie s’est accrue ces 5 dernières années. L’IoT offre un moyen pour obtenir une meilleure visibilité et un meilleur aperçu des opérations et des actifs de l’entreprise grâce à l’intégration de capteurs de machine, de middleware, de logiciels et de systèmes informatiques de calcul et de stockage back-end. Cette visibilité́ se traduit par des temps d'arrêt imprévus réduits, une efficacité́ optimisée et donc des bénéfices. L’IoT permet de récupérer un grand nombre de données de tout type qui sont alors exploitées pour améliorer les processus.

Une étude sur l’interprétation et optimisation du flux de matière (Dakana et al., 2014) démontre que les PME ne disposent pas de données fiables et exploitables sur leur flux de matière. Les auteurs proposent de faire appel à des technologie IoT pour pouvoir améliorer la qualité de leurs données. L’utilisation de l’IoT s’inscrit dans une démarche d’amélioration continue en permettant la cartographie globale de leur flux matière (VSM : Value Stream Mapping). L’IoT repose sur la connexion de tous les équipements vers un système global pour simplifier les flux de matières. En 2020, la part des informations récupérée à travers le monde par l’IoT devrait représenter 40% de la production de données (TOSHIBA France, 2018). Il est donc important pour les PME de considérer l’importance de ces outils dans le développement de leur chaîne logistique. Un grand nombre d’études porté sur IoT annonce un bond en termes d’objets connectés en 2020, GARTNER estime ce nombre à 26 milliards. Pour le secteur industriel, la progression se fait plus tranquillement car « la rétroaction et la commande à distance sont des phases plus complexes à mettre en œuvre ».

• Les technologies amplifiées par le Big Data / Data Lake

En termes de visibilité, le futur est porté par l’ensemble des outils portant sur la récupération, le traitement et la restitution des données. En 2020, on estime que le volume de données créées sera de 47 milliards de téraoctets (47 zettaoctet) et que cela devrait atteindre 612 milliards de téraoctets en 2030 (Statistica Digital Economy Compass. 2019) soit une multiplication par dix en 10 ans. Ces nouveaux outils portés par la donnée devront permettre au secteur de l’industrie électronique de devenir plus flexible et de pouvoir s’adapter plus rapidement aux problématiques qui l’entoure. La gestion et l’utilisation de ces données reposent sur quatre axes majeurs : volume, variété, véracité et vitesse (Microstratégie,2020). La collecte et l’analyse des données sont essentielles aux systèmes d’information et en raison du développement de nouveaux outils, la collecte de données devient récurrente (Bi et Cochran, 2014).

• Data mining

Le data mining se traduit par « exploration de données » consiste « à explorer et à analyser des données volumineuses afin de découvrir des règles et des modèles pertinents. » (Microstratégie, 2020). Le data mining tire sa force de l’explosion du nombre de quantité récupéré ces dernières années. Il est utilisé pour créer des modèles d’apprentissages automatiques qui renforcent les utilisations de l’IA. Le data mining permet d’identifier les données exploitables dans la masse de données présente dans l’univers Big Data (Bi et Cochran, 2014). Cependant un questionnaire réalisé par Moeuf (2019) montre que les experts du secteur estiment que les données récupérées par les PME ne sont pas encore suffisantes pour tirer pleinement partie de cette technologie et qu’il est nécessaire de digitaliser les outils avant de l’utiliser. Mais le questionnaire de Moeuf (2019) met aussi en avant que la flexibilité de cette entreprise est une caractéristique permettant de lever le frein de la digitalisation. 

D’après Microstratégy (2020), les avantages liés au data mining sont : la prise de décision automatisée, l’amélioration des prévisionnels, la réduction de coûts, la disponibilité des informations client. Mais il estime aussi que le développement plus rapide de cette technologie à deux freins. Le premier frein est la récupération des données car les données sont accessibles dans les bases sous de multiples formats. La tendance actuelle va vers une standardisation du langage (Microstratégy, 2020) qui permettra de rendre l’outil plus performant. Le second frein est la confidentialité et la sécurité des données. Les états et les PME sont réticents sur le partage d’informations qui pourrait nuire aux personnes et aux entreprises.

Le data mining offre la possibilité d'optimiser le commerce électronique de manière scientifique. Les jeux de données sont structurés puis analysés. Grâce à la « data visualisation », ces méthodes représentent un outil puissant dans l’analyse des processus et la prise de décision.

L’intelligence artificielle permet une analyse approfondie et optimisée de données disponibles. Cependant, le choix de la méthode de traitement et de modélisation des données doit être rigoureusement sélectionnée et fondée sur des hypothèses robustes afin de garantir des résultats prometteurs en termes de connaissance des tendances des marchés, de comportements de la demande, de détection de signaux fiable, d’anticipation des risques et des divers aléas de la chaine logistique.

• Plateforme de transaction communautaire

La plateforme de transaction communautaire est une forme unique de business to business marketplace. Il s'agit d'une plateforme qui rassemble des acheteurs et des vendeurs sur le marché des composants électroniques pour effectuer des transactions et également collaborer et partager des informations entre partenaires commerciaux (voir figure 4). Comme indiqué dans la section 2, le marché des composants électroniques est extrêmement volatil, incertain et complexe. Cela empêche souvent les EMS d’optimiser leur chaîne logistique. L’adoption de ce type de plateforme présente deux avantages principaux pour les EMS.

Premièrement, cette plateforme permet aux EMS de limiter l’impact financier de l’effet bullwhip (effet coup de fouet). Les EMS peuvent l’utiliser pour vendre des stocks à rotation lente, des articles en surstock ou des pièces obsolètes. Deuxièmement, cette plateforme peut aider les EMS à mieux prédire la demande. Les utilisateurs de cette plateforme peuvent obtenir des informations en temps réel sur les signaux de demande en tirant parti de leurs connexions sur la plateforme. Cela contribue à améliorer la collaboration et la précision en termes de prévision de la demande, permettant aux EMS d'évaluer en permanence les tendances des composants électroniques et de mieux anticiper leurs besoins d'approvisionnement.

L’adoption de ce type de plateforme s'est accélérée au cours des 12 derniers mois en raison de l’essor du commerce électronique boosté par la pandémie. La pénurie mondiale de semi-conducteurs a également servi de catalyseur à l'émergence de plateformes de transaction communautaires, car les entreprises cherchant d'autres moyens pour s'approvisionner en composants. Un de ces exemples est AIRENC, une plate-forme de transaction communautaire innovante pour l'achat et la vente directs de composants électroniques à des prix compétitifs. AIRENC a commencé en 2020 pour aider les EMS à stabiliser leur chaîne logistique en réduisant les coûts de transaction et l'impact financier de l'effet bullwhip.

Figure 4 : Illustration d’une plateforme de transaction communautaire. Source : AIRENC.

4.   PROPOSITIONS DE RECHERCHE

En se basant sur l’ensemble de solutions digitales présentées dans la section précédente, nous formulons plusieurs propositions de recherche en lien avec le sujet étudié. Les tremblements de terre peuvent être utilisés dans des recherches futures ou comme base pour d'autres travaux sur le terrain.

Proposition 1. La collaboration EMS-fournisseur doit permettre de maximiser la visibilité de la disponibilité des composants pour les productions des EMS.

La qualité de collaboration EMS-fournisseur se réfère à la mesure dans laquelle l'acheteur et le fournisseur exploitent en synergie les ressources partagées tout en minimisant les gaspillages grâce à l'interaction (Yan & Dooley, 2014). Cette collaboration permet d’actualiser la date de livraison en temps réel des composants et ainsi permettre à l’EMS de pouvoir adapter ses cadencements de production. Pour le fournisseur, cette collaboration permet, entre autres, d’avoir accès à des prévisionnels actualisés qui leur permet d’avoir un visuel sur les futures commandes. Le but est donc d’anticiper et de répondre de mieux en en mieux au besoin de leur client en réduisant les délais d’approvisionnement de certains composants. Par exemple, la diffusion d’un prévisionnel permet d’avoir des délais d’approvisionnement inférieurs à 7 jours dans le cas des composants à faible valeur.

La coopération horizontale des EMS est aujourd’hui un concept car elle n’existe pas encore réellement. On peut tout de même penser, au regard des études portant sur le sujet, que cette coopération peut être un atout majeur dans le développement de l’industrie 4.0 pour le secteur de l’industrie électronique. Cette industrie, est pour le moment un secteur en retard par rapport aux autres secteurs, comme nous avons pu le voir précédemment. Ces retards sont dans le cadre de l’amélioration des processus industriels ou de la chaine logistique des EMS. Cette collaboration faite entre les EMS peut leur permettre d’avoir plus de visibilité et plus de solution sur leur approvisionnement. Cela peut donc permettre de réduire de façon importante leur stock, qui, comme nous avons pu le voir dans cette étude, représente des dépenses importantes ce qui engendrent une immobilisation de leur trésorerie. Cela signifie que le déstockage est parfois coûteux et peut limiter l’investissements des différentes entreprises. On peut penser que cette collaboration, appelée également « coopétition », faite par l’intermédiaire d’outils digitaux et de plateforme collaborative peut permettre au EMS PME de disposer de MOQ plus important. Ces commandes en quantité plus importante seront ensuite divisées pour alimenter plusieurs sites, français et européens. Ce principe est déjà appliqué par les cataloguistes, mais leurs marges élevées réduisent leur attractivité auprès des EMS.

D’un autre côté, cette collaboration va aussi permettre au EMS d’avoir accès à des solutions supplémentaires dans la recherche de disponibilité sur les composants stratégiques et les obsolètes. Ce fonctionnement permettra de rentrer dans des échanges gagnant-gagnant, l’un ayant trouvé une solution à ses besoins, l’autre ayant liquidé une partie de son stock mort pour augmenter sa trésorerie.

Les outils favorisants la collaboration verticale des acteurs sont de plus en plus répandus. Dans cette étude nous avons pu voir que les outils utilisés par les EMS sont très basiques. La passation et la gestion des commandes fournisseurs et clients se fait encore par une transmission mail ou EDI seulement pour l’envoi des commandes.  Chez AsteelFlash, moins de 20 % des commandes de références sont gérées en automatique avec la diffusion d’un prévisionnel aux distributeurs. La mise en place d’un ERP est maintenant accessible en cloud et la combinaison de cet outil avec des API connectées directement aux SI des distributeurs et/ou clients va renforcer et automatiser la communication entre les acteurs. En effet, elle va permettre de récupérer et de traiter des données afin de fournir un prévisionnel pertinent aux fournisseurs. Ces derniers seront alors plus aptes à répondre aux besoins des EMS. La solution AIRSUPPLY de l’entreprise SupplyOn, propose un outil web qui favorise la mise en relation dématérialisée des acteurs. Cette solution permet de lier le carnet de commande client-fournisseur sur une interface cloud dans le but d’avoir accès aux informations en temps réel. Elle offre aussi la possibilité de tracer des historiques de modification et de suivre de façon impartiale l’indicateur de performance OTD. Pour le moment plus de 90% des acteurs ayant fait appel à cette solution ne l’ont par interfacé avec leur ERP et pratiquent une mise en masse de manière hebdomadaire.  Nous pouvons supposer que le développement rapide de cette technologie couplée à la mise en place d’outils WMS et MES dans les entreprises permettra dans quelques années d’être alerté en temps réel d’un retard pris en production et de pouvoir adopter les solutions de planification et de priorisation permettant de répondre au mieux aux besoins des clients finaux.

Pour résumer, la collaboration entre les acteurs semble être un levier important aux développements des EMS car la variété importante de produits complexifie la chaine logistique. La collaboration verticale est déjà en place mais une automatisation la rendant plus réactive favorisera un prévisionnel de qualité, augmentant la fiabilité des livraisons à tout niveau de la chaine logistique. Pour ce qui est de la collaboration horizontale entre les différents EMS, cela semble encore difficilement atteignable car le manque de données récupérées par les PME empêche le partage d’information fiable. De plus, et malgré les plans d’accompagnement fait par plusieurs états européens, elles sont encore réticentes à l’utilisation de ce type d’outil collaboratif. Cependant, la collaboration entre les acteurs tend globalement à se renforcer grâce au développement des outils digitaux qui deviennent plus accessibles aux PMEs comme nous allons le voir dans la prochaine proposition.

Du point de vue théorique, l’analyse approfondie de l'impact des coûts logistiques sur la performance globale de la supply chain permet de comprendre la structure analytique, la typologie des facteurs internes et externes influençant la formation des coûts logistiques, ainsi que leur évolution dans le temps.           

Proposition 2. La transformation digitale des PME EMS doit permettre d’anticiper les ruptures de production et d’être plus réactif sur les correctifs et les prises de décision.

La transformation digitale est définie comme un changement dans la façon dont une entreprise utilise les technologies digitales pour développer un nouveau modèle économique numérique qui contribue à créer plus de valeur pour l'entreprise (Verhoef et al., 2021).

Cette transformation est le fondement pour une meilleure communication interfonctionnelle au sein de la PME EMS. Le service achat a pour mission de trouver les solutions les plus fiables, les moins coûteuses et celles qui permettent de répondre au délai souhaité par le client. On parle ici du délai d’achat. La suite de la chaine s’articule autour du service approvisionnement. Il est en charge de commander les références et de suivre les fournisseurs concernés régulièrement afin d’être alerté rapidement en cas de déviation. Grâce aux informations fournies par le service approvisionnement, le service ordonnancement, appelé également la planification de production décide de la stratégie à mettre en place et de choisir les solutions adaptées à celle-ci. Par la suite, lorsque le lancement de l’ordre de fabrication est lancé, c’est le service logistique interne qui pilote la sortie de la matière et qui peut prévenir des éventuels écarts. La production peut alors débuter et une remontée d’informations entre la production et les services supports est faite pour pouvoir suivre le déroulement de la production. Le but de cette communication entre les services permet d’annoncer au client les potentiels risques de dérive. Par ailleurs, Le service qualité a aussi un rôle à jouer dans le suivi en production car sur des produits complexes, l’analyse d’un expert est primordiale. Par exemple dans le cadre d’intégration de plusieurs PCBA en module destiné au secteur aéronautique ou la conformité des produits est très restrictive.

Dans cette étude nous avons observé un taux de digitalisation faible chez les PME EMS. Elles fonctionnent globalement sans système d’information. Les échanges par mails, téléphoniques et papiers sont très souvent utilisés pour communiquer en interne. Concernant la communication avec les acteurs externes à l’entreprise, comme par exemple, la relation entre les clients et les fournisseurs, ce sont également les échanges de mails qui sont favorisés.

Notre étude tend à penser que les systèmes d’informations PGI doivent être mis en place en priorité dans ces PME car ils permettent de rassembler les informations pour que tous les acteurs internes puissent disposer d’un niveau d’information équivalent. Les nouveaux outils en mode cloud sont, comme nous avons pu le voir, bien plus accessibles, plus pertinents et moins onéreux. Cela permet de favoriser les déploiements de ces solutions pour les PME, et ainsi, améliorer la gestion quotidienne de leur activité et répondre de manière plus efficace aux besoins de leurs clients. Les PGI ou ERP sont indispensables aux déploiements par la suite de nouveaux outils favorisant les performances de l’environnement des PME.

En conclusion, la remontée globale d’informations grâce aux outils ERP, WMS, MES et les outils de communication externe devrait permettre aux PME EMS de limiter au maximum les ruptures imprévues et de pouvoir, dans le cas échéant, être alerté et traiter la rupture rapidement grâce à la réduction du nombre d’intermédiaires. Cela va permettre de lisser la production et d’augmenter les marges faites par les EMS. Les délais des clients seront d’avantages respectés et les éventuels décalages lors de la fabrication pourront ainsi être communiqués plus rapidement et avec des données factuelles, permettant aux clients de s’adapter à ces aléas. Nous pensons que la méthode de lean manufacturing permettant d’établir une gestion au plus juste devra être mise en place dans les PME pour leur permettre dans un premier temps de faire adopter ces outils aux équipes et dans un deuxième temps de renforcer leurs performances. La performance de l’ensemble des outils devrait, par ailleurs être renforcée par les technologies qui tirent leurs forces de l’environnement big data.

Proposition 3. Les technologies basées sur le Big Data ou Data Lake doivent permettre d’optimiser la Supply Chain des EMS et ainsi anticiper au mieux l’environnement futur.

Les technologies basées sur le Big Data se réfèrent à une nouvelle génération de technologies et d'architectures conçues pour extraire de manière rentable la valeur de très grands volumes de données très variées en permettant la capture, la découverte et/ou l'analyse à grande vitesse (Lai et al., 2018).

L’univers big data créé par le nombre conséquent de données récupérables par l’ensemble de technologie et des systèmes d’informations permettent aux entreprises, en utilisant des solutions de data mining utilisant des algorithmes qui récupèrent les données pertinentes à l’activité et de machine Learning pour renforcer l’autonomie de cette solution, d’améliorer l’ensemble de leurs processus. Le Big data permet également, comme nous avons pu le voir dans l’étude, d’améliorer les prévisionnelles en étudiant le comportement des clients et les variations du marché et d’identifier les signes qui pourront avoir un impact positif ou négatif sur l’activité. Cette technologie permet d’améliorer la chaîne logistique en offrant de nouvelles solutions aux entreprises. Le big data est une étape importante pour arriver vers l’industrie 4.0, une tendance repose sur l’interconnectivité des outils permettant de supprimer les silos présents à chaque étape de la chaîne logistique.

Pour résumer, les technologies issues du Big data sont des leviers majeurs au développement de l’industrie électronique 4.0. Les PME grâce à leurs flexibilités, ont la possibilité de les adopter plus rapidement que les grosses entreprises. En revanche actuellement, le manque d’IoT dans leur structure ne leur permet pas de tirer pleinement partie de ces technologies. Il peut être facile pour elles de les utiliser afin d’améliorer leur politique d’approvisionnement et renforcer la gestion fournisseur et ainsi, identifier et solutionner rapidement les risques. Cette amélioration est réalisable car les PME possèdent pour la plupart une traçabilité sur leur chaîne d’approvisionnement nécessaire par exemple à la gestion des litiges. En revanche il sera difficile pour les PME d’utiliser ces technologies pour améliorer leur flux internes et optimiser leur processus de production car il faudra dans un premier temps se pencher sur les investissements économiques, puis sur la résistance des équipes à l’utilisation de nouvelle technologie.

5.   CONCLUSION ET PERSPECTIVES DE RECHERCHE

Il est difficile d’estimer précisément le niveau de digitalisation des PME européennes car peu d’études ont été réalisées autour de leurs problématiques logistiques. En cause, les difficultés autour d’une récupération fiable de leurs données car elles ont pris la décision d’allouer principalement leurs ressources à la production. Mais dans un premier temps, l’arrivée d’outil en solution déportée par le cloud donne la possibilité aux PME EMS d’avoir accès à des outils plus flexibles et plus performants que les solutions traditionnelles améliorant la visibilité de leur stock, de leur backlog et pouvant s’adapter et être mis en place plus facilement au sein de leur structure.  Dans un second temps la digitalisation des structures pourra permettre aux EMS d’implanter des solutions maximisant la récupération d’information basée sur les technologies IoT qui permettront par la suite de fiabiliser leur flux et leur processus. Cela devrait rapidement réduire les risques de ruptures imprévues en fiabilisant le processus d’inventaire permettant d’améliorer la fiabilité des stocks.

Dans le cadre des perspectives de recherche présentées, les propositions avancées nous amènent à formuler des propositions pour de futurs travaux de recherche, basées sur le fait que les auteurs envisagent analyser le rôle des technologies digitales et notamment des plateformes collaboratives dans l'amélioration de la supply chain des semi-conducteurs en considérant comme cas d'étude l'initiative AIRENC.

À cet égard, des axes de recherche sont proposés, dont premièrement du point de vue théorique lisser et maitriser le bullwhip effect en supply chain, cas des semiconducteurs comme secteur sous tension à cause de la crise de la Covid.19 et ces enjeux dans l’incertitudes géopolitiques actuelles. Principalement, de la crise énergétique et des difficultés des industries chinoises à assurer un niveau de production répondant à la demande mondiale.

D’autre part, du point de vue conceptuel analyser les facteurs clés de la digitalisation de la supply chain dans l'industrie des semiconducteurs. À ce sujet, le cas des plateformes collaboratives comme les plateformes digitales, dont des nouvelles formes d’organisation des entreprises en s’appuyant sur des technologies de l’information (algorithme, numérique, artificielle, etc…). Leur principale valeur est cette capacité à organiser les relations entre les différents acteurs de la Supply Chain tout en développant un nouvel écosystème de travail. Le concept de plateforme était perçu comme un « facilitateur d’activités d’innovation bilatérales » à la fin des années 90. En 2010, les chercheurs en Systèmes d’Information ont étudié les plateformes au cœur de l’organisation de l’innovation technologique. Aujourd’hui, ce terme est omniprésent dans les Systèmes d’informations mais aussi dans la recherche en gestion. Les plateformes digitales représentent des architectures technologies modulaires en couche dans des réseaux d’entreprises. Selon Blaschke et al (2019), elles sont considérées comme des phénomènes sociotechniques et non purement techniques ; en effet, elles englobent un noyau technique mais aussi des réseaux d’entreprises qui sont gérés par ce noyau technique. Au sein de ces réseaux, les plateformes digitales facilitent donc les interactions entre acteurs et exploitent l’innovation.

Finalement, du point de vue empirique, lorsqu’une innovation technologique est introduite sur un marché, son adoption suit toujours la même courbe d’adoption parmi les clients. En effet, afin que les utilisateurs puissent s’approprier de la technologie le plus rapidement possible et qu’elle soit fonctionnelle, il faut qu’ils puissent rapidement et très simplement pouvoir effectuer une transaction, en un minimum de clic. Cette approche, nous conduira à analyser complètement l'ergonomie et l’expérience utilisateur des solutions technologiques dans la Supply Chain.

L’automatisation des processus amplifiés par le phénomène du Big data permettra aux entreprises d’être plus réactives, voir proactives sur leur prévisionnel et sur la communication de point critique pour pouvoir répondre plus facilement aux problématiques logistiques et industrielles du secteur. Notre étude montre que la collaboration rapprochée et automatisée entre des acteurs via l’utilisation d’outils permet d’interfacer les systèmes d’informations tels que les API. Ceci doit permettre aux PMEs EMS d’améliorer leur chaine logistique et en la rendant plus réactive avec comme objectif de renforcer leurs poids au sein de la filière électronique. De plus, la collaboration entre les différents EMS parfois concurrents peut aussi être un atout majeur surtout dans le cas des petites productions très fortement impactées par les MOQ imposés par les distributeurs. Dans des situations de crise comme celle que nous vivons actuellement depuis fin 2019 avec l’arrivée du virus de Covid-19, la chaîne d’approvisionnement mondiale est devenue incertaine. L’impact de cette situation sur les EMS serait le sujet d’une future recherche.

6.   Remerciements

AIRENC aide les industriels (OEM, EMS et ODM) à réduire les gaspillages et les pénuries de composants électroniques en s’appuyant sur la première supply chain collaborative du marché. Grâce à sa plateforme digitale et communautaire, AIRENC leur permet d'acheter et de vendre directement leurs composants électroniques au prix du marché, sans passer par un intermédiaire, pour fluidifier et renforcer leur supply chain.

AIRENC helps original equipment manufacturers (OEMs) and electronics manufacturers services (EMS) to drastically mitigates supply chain risks of fluctuating demand by taking out intermediaries with a groundbreaking peer-to-peer platform for buying and selling electronic components at competitive price, enabling them to build a seamless, redundant and sustainable supply chain.

Les auteurs remercient également HIGHFI pour son soutien ayant permis la finalisation de cet article.

7.   REFERENCES

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8.   BIOGRAPHIE

  Jérôme VERNY est professeur en supply chain management à NEOMA Business School. Titulaire d’un Doctorat en géographie économique de l’Université de Lille Nord de France. Diplômé de l’ENPC (Ponts et Chaussées). Diplômé de l’EUP (Ecole d’Urbanisme de Paris). Diplômé de l’EST (Ecole Supérieure des Transports, Paris). Jérôme a obtenu le prix du Chercheur International en transport décerné en 2009 par l’OCDE. Il publié ses travaux de recherche dans des revues internationales à comité de lecture. Il coordonne des projets de recherche et pilote une équipe de recherche pluridisciplinaire. Fondateur de l’institut de recherche MOBIS et fondateur & Director du Master SCTD Supply Chain & Transformation Digitale (part-time, Paris). Il est également Co-fondateur de NEOMA Mobility Accelerator.

  Ouail OULMAKKI est chercheur à NEOMA Business School au sein du laboratoire de recherché MOBIS - The international research institute for transport and innovative supply chain. Il est titulaire d’un doctorat en économie des transports de l’Université de Montpellier, d’un DEA en Economie industrielle (Université de Toulon) et d’un Master en Economie quantitative et management des transport (Université de Montpellier). Il est responsable pédagogique du Master (part-time) en Supply chain et transformation digitale (MSc SCTD) à NEOMA Business School. Il publie ses travaux dans des revues internationales. Ses travaux de recherché portent sur la supply chain, la transformation digitale, la robotisation, le comportement des acteurs (entreprises, consommateurs, usagers) ainsi que les enjeux environementaux associées aux activités logistiques et de transport.

  Marc DURAND est titulaire d’un doctorat en Mathématiques appliquées de l’université Pierre & Marie Curie. Ancien cadre dirigeant chez IBM. Il est intervenant à NEOMA Business School et membre des jurys de séléction. Il intervient régulièrement dans le Master Supply chain & transformation digitale ainsi que dans le master supply chain management. Il enseigne également à Polytech Sorbonne l’accompagnement de projets en management, méthodes agiles, Design Thinking pour les élèves ingénieur. Il Fondateur de Kapalt consulting spécialisé dans le développement de solutions blockchain pour les entreprises. Il est égalementTrésorier de l’Association France Blockchain.

 

1 Jérôme VERNY, NEOMA Business School, (Paris - Rouen - Reims), France, , jerome.verny@neoma-bs.fr ,

      https://orcid.org/0000-0001-8574-7776

 

2 Ouail OULMAKKI, NEOMA Business School, (Paris - Rouen - Reims), France,  ouail.oulmakki@neoma-bs.fr

 

3 Marc DURAND, KAPALT, 46 Rue Falguière, 75015 Paris, France, marc@kapalt.com