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2023,Vol. 37, No. 2, 07-23

Revue Française de Gestion Industrielle

article en open accès sur www.rfgi.fr

https://doi.org/10.53102/2023.37.02.932

 

 

Les artefacts digitaux de la supply chain : lecture du cas L’Oréal au prisme de l’acteur réseau

Elizabeth Couzineau-Zegwaard 1, Olivier Meier 2

1GReMOG, PPA Business School, France, ecouzineau@ppa.fr

2LIPHA, Paris Est, France, olivier.meier@iutsf.org

Résumé :

La crise de la COVID-19 a accéléré la digitalisation, en particulier des entreprises des produits de consommation, avec le développement du e-commerce et les restrictions du monde physique. La digitalisation apparait parfois comme « allant de soi », alors que la mise en œuvre de l’innovation est souvent très complexe et a fait l’objet de différents modèles en sciences de gestion, notamment sur la question de la gestion des connaissances et des capacités d’innovation. Au-delà de la complexité de la gestion technologique et des acteurs, une autre approche, issue de la sociologie des sciences permet de comprendre le rôle qui doit être tenu par les acteurs humains et techniques pour garantir le succès de l’innovation. Dans cet article nous mobilisons le modèle de l’acteur-réseau pour analyser la mise en œuvre de la digitalisation de la Supply Chain de L’Oréal.

Mots clés : Digitalisation ; L’Oréal ; Organisation de projets innovants ; Supply Chain ; Théorie acteur réseau

Digital artefacts in supply chain: L’Oréal case trough Actor Network Theory

Abstract :

The COVID-19 crisis has accelerated digitalization, especially in consumer products companies, with the development of e-commerce and the restrictions of the physical world. Digitization sometimes appears to be "self-evident", whereas the implementation of innovation is often very complex and has been the subject of various models in management science. Beyond the complexity of technological management and actors, another approach, from the sociology of science, allows us to understand the role that must be played by human and technical actors to guarantee the success of innovation. In this article, we use the Actor-network theory model to analyze the implementation of the digitalization of the L'Oréal Supply Chain.

Keywords : Digitization; L’Oréal; Innovative project management; Supply chain; Actor network theory


1.   INTRODUCTION

Le terme digitalisation est utilisé pour décrire l'utilisation accrue des technologies numériques et la façon dont elles s'infiltrent dans les produits et les activités de l'entreprise (Björkdahl, 2020). La numérisation est autre chose : il s’agit du processus par lequel l'information est encodée dans une représentation numérique qui permet l'analyse et les manipulations algorithmiques (Adner et al., 2019). Bien que ces deux processus aient ouvert la voie au fonctionnement actuel des entreprises industrielles, ils sont à l'origine de défis distincts.

La numérisation s’est traduite avec l'impact perturbateur des nouveaux entrants dans des secteurs tels que la musique (par exemple, Spotify) et le divertissement (par exemple, Netflix). Ces nouveaux entrants ont non seulement accru la rivalité mais aussi accéléré la transition vers la production et la consommation numériques de produits musicaux et de divertissement. Cependant, dans le contexte de la fabrication industrielle, c'est la digitalisation, plus que la numérisation, qui est au cœur des réflexions (Björkdahl, 2020). Ces dernières années, les industriels ont expérimenté l'intégration de technologies numériques telles que les enchères inversées (Benzidia, 2014), l'IoT, les algorithmes d'automatisation, le cloud computing, ou le software-as-a-service (SaaS) dans leurs processus de production internes, leurs produits et/ou leurs services (Benzidia, 2012, 2015; Danuso et al., 2021; Eger et al., 2021).

Jusqu'à présent, les enseignements tirés montrent que la digitalisation dans le contexte industriel est synonyme de perturbation des modèles d'entreprise existants, de nouveaux défis de gestion et d'une myriade de changements internes et structurels complexes, qui affectent l'ensemble de l'organisation et de ses activités (Danuso et al., 2021).

Alors que la digitalisation apparait parfois comme « allant de soi », la mise en œuvre de l’innovation est souvent très complexe et a fait l’objet de différents modèles en sciences de gestion. Les développements technologiques ont permis l’émergence de possibilités quasi infinies d'interconnecter êtres humains et machines dans un contexte de système cyber-physique en utilisant des informations obtenues à partir de différentes sources et des communications directes entre machines. Cette mise en œuvre dans l'environnement production/exploitation est appelée Industrie 4.0. Les solutions digitales couvrent un spectre assez large de solutions qui permettent d’améliorer les capacités de l’entreprise pour prédire la demande (Ilić & Tešić, 2016) ; modéliser et simuler ses différents processus (Lavastre et al., 2014) ; collaborer au sein de l’entreprise et avec les parties prenantes ; automatiser traitements industriels et logistiques, les traitements liés à la circulation de l’information administrative ou opérationnelle (Wamba et al., 2020). Au sein de l’entreprise, les impacts de la digitalisation ne se limitent pas à la configuration de la Supply Chain, mais concernent également les métiers et savoir-faire (Ageron et al., 2020). Des formes d’organisation se mettent en place avec la présence nécessaire de nouveaux acteurs, entraînant des changements au sein du réseau d’acteurs : au-delà des acteurs traditionnels du réseau, les différents éléments techniques ont un rôle qu’ils doivent remplir, au risque de mettre en péril le fonctionnement du système (Intelligence artificielle, blockchain, IoT, Control Towers etc) (Benzidia et al., 2021; Couzineau-Zegwaard, 2020).

Les entreprises doivent mettre en place un environnement dans lequel elles peuvent gérer simultanément les informations et les processus tout au long de la chaîne d'approvisionnement étendue, en évoluant vers des réseaux dont les nœuds uniques sont des usines intelligentes connectées : cette évolution de la chaîne d'approvisionnement est plus intégrée, intelligente, réactive et prédictive (Zangiacomi et al., 2019).

Callon (1979) écrivait un article fondateur, s'appuyant sur l'histoire du véhicule électrique : « le véhicule électrique ne peut réussir que s'il est capable de constituer un monde sociotechnique alternatif. ». La Supply Chain digitale doit construire son propre monde sociotechnique alternatif. La chaîne d'approvisionnement digitale est un processus intelligent, efficace et axé sur la valeur, qui permet de générer de nouvelles formes de revenus et de valeur commerciale pour les organisations et de tirer parti de nouvelles approches grâce à des méthodes technologiques et analytiques novatrices (Büyüközkan & Göçer, 2018). Au-delà de la complexité de la gestion technologique et des acteurs, l’approche, issue de la sociologie des sciences, permet de comprendre le rôle qui doit être tenu par les acteurs humains et techniques pour garantir le succès de l’innovation. Cet article présente le décryptage de la mise en œuvre de la digitalisation du cas L’Oréal, au prisme du modèle d’intéressement développé par Akrich, Callon et Latour (1988). Notre recherche a pour objectif d’identifier et de comprendre comment la prise en compte des différents types d’acteurs permet de comprendre leur contribution dans le développement réussi du processus innovant de digitalisation. Notre travail s’inscrit en prolongement du gap identifié par Büyüközkan et Göçer (2018) portant sur le manque de développement d’un cadre de référence pour l’adoption d’une supply chain digitale, le recours à la théorie de l’acteur-réseau fournissant également un cadre stratégique pour la mise en œuvre de la digitalisation.

Après avoir présenté le modèle d’intéressement comme cadre théorique de nos travaux, nous présenterons la méthodologie de notre recherche, le terrain puis nous exposerons les résultats du décryptage.

2.   CADRE theorique

Le modèle de l'intéressement permet de comprendre comment est adoptée une innovation, comment elle se déplace, comment elle se répand progressivement pour se transformer en succès (Akrich et al., 1988). La théorie de l'acteur-réseau se trouve au sein de ce modèle et vient compléter les approches des réseaux par la prise en considération de tous les éléments matériels qui manquent à la théorie des réseaux sociaux (Couzineau-Zegwaard & Meier, 2018). Les objets techniques, les théories, les hypothèses scientifiques peuvent faciliter la construction des liens entre les acteurs et autoriser des compromis. Les réseaux d'acteurs créent simultanément la société et la technique.

L’approche proposée postule que l’on ne peut comprendre le succès ou l’échec d’un projet innovant à partir de ses caractéristiques intrinsèques, parce que l’issue dépend de l’existence et de l’entretien d’un réseau capable de lier ensemble des activités hétérogènes, des énoncés et des enjeux a priori incommensurables (Kœnig, 2012).

Or, selon Akrich et al. (1988), le futur de l’innovation va dépendre de l’intérêt qu’elle suscite au sein de « toute une série de groupes sociaux qui vont décider de son avenir » (p. 20). Il existe un ensemble de liens qui unit l’objet à ceux qui le manipulent, qu’ils se l’approprient ou qu’ils le rejettent. Le modèle de diffusion place l’innovation au sein d’une société, plus ou moins réceptive à cette nouveauté. Autrement dit, le succès d’une innovation dépend donc de « l’agrégation d’intérêts » (p. 22) suscités et « de la participation de tous ceux qui sont décidés à la faire avancer » (Akrich et al. 1988, p. 1). L’enjeu de cet intéressement réside dans la participation des acteurs concernés et plus particulièrement dans leur volonté et dans leur capacité à adapter l’innovation à son marché. En effet, cet intéressement nécessite une mobilisation nécessaire à la diffusion de l’innovation et un travail collectif qui suppose un soutien actif de tous les acteurs impliqués. Adopter une innovation c’est l’adapter (Akrich et al., 1988).

Il semble nécessaire de faire évoluer conjointement l’objet et sa société, c'est-à-dire la technique et son public dans un travail d’adaptation mutuelle qui commande l’adoption. Le travail conjoint de ce collectif intéressé et de l’organisation implique l’adaptation de l’innovation à travers « des expérimentations tous azimuts et par des itérations successives » (p. 6) qui sont autant d’aller-retours entre les acteurs qui négocient les caractéristiques que doit prendre l’innovation. Ainsi « à chaque boucle, l’innovation se transforme redéfinissant ses propriétés et son public » (p. 8) afin de tenir compte des attentes de son public mais aussi des évolutions du marché potentiel. La digitalisation repose sur des orientations stratégiques qui décident ce sur quoi on innove et les problèmes qu’il va falloir résoudre ».

La constitution de l’acteur réseau se déroule ainsi en 4 phases : la problématisation, qui définit des points de passage obligés et décrit un système d'association entre entités ; la mise en œuvre du dispositif d’intéressement qui est un ensemble d'actions par lesquelles une entité s'efforce d’imposer et de stabiliser l'identité des autres acteurs qu'elle a définie par sa problématisation, les actions prenant corps dans des dispositifs. La filière, les aspects techniques constituent un archétype du dispositif d'intéressement ; La traduction : « traduire, c'est exprimer dans son propre langage ce que les autres disent ou veulent » (Callon, 1986a). Et qui aboutit « à un seul et ultime porte-parole ». La boîte noire : « une fois le consensus atteint, on aboutit à un réseau de liens contraignants ; il s'agit là d'une traduction réussie, un réseau qui devient irréversible fonctionnant comme une boîte noire » (Callon & Ferrary, 2006). qui est une forme de certification explicite (Yiu, 2008). Le décryptage de ce processus permet d’identifier la formation du réseau, en y intégrant l’objet innovant et permet, au-delà de la qualité du produit, de considérer si le succès ou l’échec relève de la réussite ou non de la constitution du réseau (Meier et al., 2012).

La théorie de l'acteur-réseau fournit une manière systématique de considérer l'infrastructure entourant les réalisations technologiques qui traite les relations sociales comme des effets de réseau (Law, 1992). Cette théorie soutient que les événements ne doivent pas être considérés dans le vide, mais qu'ils sont plutôt influencés par les facteurs environnants (Hazen et al., 2016).

MacIntosh et MacLean (2001) suggèrent que cette théorie est viable pour une application en Supply Chain Management (Gammelgaard, 2004). Les réseaux sont construits sur la base de relations et d'associations entre des entités humaines et non humaines, ce qui signifie que le réseau est influencé par des ressources humaines et matérielles. Du point de vue de la chaîne d'approvisionnement, l'ANT peut aider à expliquer l'interaction et les flux d'informations, de finances et de produits physiques (Kinder, 2003).

 

3.   Méthodologie

3.1    L’étude de cas unique et le choix de L’Oréal

Du point de vue empirique, nous avons choisi d’étudier un cas unique, l’entreprise L’Oréal dans le développement de la digitalisation. Les cas uniques sont retenus car ils sont généralement soit des exemples révélateurs ou des exemples extrêmes ou parce qu’ils offrent des opportunités spécifiques d’accès à l’information (De Massis & Kotlar, 2014). L’histoire de ce groupe français, ainsi que le succès de sa digitalisation, offrent un terrain extraordinaire pour étudier le rapport entre entreprise familiale et innovation au sein d’un contexte industriel.

Selon Yin (2014), l’étude de cas est une démarche pertinente pour tester, affiner ou étendre des théories, y compris lorsqu’il s’agit de l’étude d’un seul cas ou cas unique.

3.2    Collecte des données

Nous avons collecté des données de premier et de second ordre sur le groupe L’Oréal.

Notre collecte de données prenant trois étapes d’entretiens et d’observations.

Tableau 1- Etapes des entretiens et observations

 

Première étape

Deuxième étape

Troisième étape

Type

Analyse des rapports, archives et observations

Entretiens individuels non directifs et semi-directifs dans les domaines de la Supply Chain et de la Beauty Tech.

Entretiens individuels non directifs et semi-directifs dans « l’écosystème L’Oréal »

Nombre

6 mois

10 entretiens

5 entretiens

Objectifs

Collecte de données secondaires et identifications des acteurs de l’écosystème

vision de la Supply Chain de l’Oréal et de son innovation

Collecte des données primaires

 

3.2.1  Analyse des rapports

Nous avons mobilisé des données secondaires, issues de quatre sources : rapports d’activités du groupe ; ouvrages ; articles de la presse écrite de référence, de la presse écrite économique et financière, française et américaine, articles de magazine d’information générale ; interviews publiques.

3.2.2  Entretiens individuels non directifs et semi-directifs dans le domaine de la Supply Chain et de la Beauty Tech.

Ces entretiens se déroulaient de la façon suivante : l’auteure précisait le contexte de la recherche, garantissait l’anonymat et s’assurait de l’autorisation pour procéder à l’enregistrement. Chaque personne a été interrogée plusieurs fois, parfois dans des cadres plus ou moins formels pour s’assurer de la signification de ses propos, voire pour les compléter au fur et à mesure de la recherche. Nous avons mené des entretiens auprès de 5 Directeurs de Supply Chain, 2 fondateurs de start-up de Beauty Tech et 3 spécialistes de la transformation digitale industrielle. Les durées varient entre 20 minutes et 2h30.

3.2.3  Entretiens individuels non directifs et semi-directifs dans « l’écosystème L’Oréal ».

5 entretiens formels, semi-dirigés, avec des collaborateurs du Groupe L’Oréal en (2 en Allemagne, 2 en Espagne et 1 en France). Chaque entretien formel a été d’une durée comprise entre 30 et 90 minutes, puis retranscrit.

3.3    Elaboration de la grille d’analyse

La seconde étape porte sur l’élaboration d’une grille d’analyse théorique, adaptée à la Supply Chain, issue des travaux sur l’acteur-réseau. Nous identifions les acteurs « classiques » de la digitalisation, mais également les acteurs « hybrides », l’artefact ou objet technique (considéré comme un hybride dans la mesure où il est à la fois réel, social et discursif), résultat de la confrontation d’intérêts, de contraintes, de représentations et de métiers différents, l’ensemble relevant autant de la (re)définition de la technique que de celle de la société, ou encore, de la définition de la nature comme de celle de l’identité des acteurs.

3.3.1  Application de la grille

La troisième étape est l’application de cette grille au contexte de la digitalisation menée chez l’Oréal, sur la base des premiers résultats issue d’une étude de cas (Yin 2014) en cours sur cette entreprise.

4.   Présentation du terrain

Fondé en 1909 à Clichy, en France, L'Oréal S.A. est le plus grand fabricant mondial de cosmétiques, occupant des positions de premier plan dans les principaux segments de la beauté, dans le monde entier. L'Oréal produit et vend des produits cosmétiques pour femmes et hommes et fournit des produits de soins de la peau, de maquillage, de soins capillaires, d'hygiène, ainsi que des parfums et d'autres produits sur des segments plus petits. Le portefeuille de produits de l'entreprise comprend, entre autres, certaines des marques les plus populaires comme Garnier, Maybelline ou Lancôme, pour un total de 36 marques différentes. L'Oréal distribue ses produits par le biais de divers canaux tels que la grande distribution, les pharmacies, les magasins de voyage, le commerce électronique et les salons de coiffure. L'Oréal est organisé en quatre divisions, qui ont généré un chiffre d'affaires de 23.2 milliards d'euros en 2021.

L'Oréal se concentre exclusivement sur l'industrie de la beauté et est donc appelé un pure player de la beauté. Même s'il existe quelques autres concurrents qui ont un modèle d'entreprise similaire, centré sur la beauté, comme E. Lauder, Coty ou Shiseido, aucun d'entre eux n'est aussi diversifié que L'Oréal en termes de portefeuille de produits et de couverture géographique. En termes de taille, il n'y a que quelques acteurs sur le marché qui peuvent rivaliser avec le fabricant français de cosmétiques. E. Lauder, l'acteur le plus proche dans le domaine de la beauté pure, réalise moins de 50% des ventes totales de L'Oréal. Unilever et Procter & Gamble sont des concurrents qui se rapprochent de L'Oréal en termes de chiffre d'affaires, mais ces sociétés ne sont pas des pure players et ont d'autres domaines d'activité dans le secteur de la consommation.

4.1    L’innovation au sein du groupe L’Oréal

4.1.1  Soutenir les technologies disruptives et durables

L'Oréal soutient les partenaires qui développent des technologies disruptives via son fonds d'investissement BOLD. Créé fin 2018, BOLD (Business Opportunities for L'Oréal Development), vise à acquérir des parts minoritaires dans des entreprises et des marques innovantes à fort potentiel de croissance, et à investir dans de nouveaux modèles économiques dans les domaines du marketing, de la recherche et de l'innovation, du numérique, de la distribution, de la communication, de la chaîne d'approvisionnement et de l'emballage, qui allient innovation et développement durable. Ainsi, le groupe a participé à l'augmentation de capital lancée par Carbios, pionnier dans le développement de procédés de biodégradation enzymatique et de biorecyclage du plastique. Cette initiative fait partie des engagements du groupe pour 2025 : 100 % des emballages L'Oréal seront rechargeables, réutilisables, recyclables ou compostables, et 50 % du plastique utilisé dans les emballages proviendront de sources non fossiles.

Via BOLD, L'Oréal soutient les startups en partageant son expertise et son réseau à travers un programme de mentorat. Le fonds stimule la stratégie d'innovation ouverte de L'Oréal, qui vise à établir des liens solides entre le groupe et un écosystème mondial de startups agiles et innovantes, en grande partie grâce à des partenariats avec des incubateurs tels que Founders Factory, Partech Africa, Fireside, Cathay Innovation et Station F.

Le fonds a réalisé son premier investissement fin 2018 en achetant une part minoritaire de Sillages Paris, une startup française qui utilise l'intelligence artificielle et l'apprentissage automatique pour créer des parfums personnalisés en ligne. L'Oréal a également réalisé plusieurs investissements en 2019, notamment dans le fonds de capital-risque Cathay Innovation, pour soutenir les startups Beauty Tech en Chine, et une part minoritaire dans le groupe Functionalab, leader des cliniques de médecine esthétique au Canada.

4.1.2  Innover en interne - MYT

Pour encourager davantage de collaborateurs des Opérations à jouer un rôle actif dans l'innovation, L'Oréal a également lancé Make Your Technology (MYT) en 2019. Il s'agit du tout premier incubateur interne de technologie 4.0 consacré aux défis industriels et à la logistique. Après la sélection par un jury d'experts, l'objectif est d'incuber les solutions les plus innovantes développées par les collaborateurs pour optimiser leur travail. Formés aux « méthodes agiles », ils disposent de tous les moyens nécessaires pour concevoir et réaliser des prototypes et concrétiser rapidement leurs projets. Ils sont également accompagnés par des startups, des universités et des experts qualifiés dans la création de ces nouvelles solutions, qui seront à terme déployées à l'international. L'incubateur, situé à Aulnay-sous-Bois (France), où il dispose d'un espace de 800 mètres carrés, a été déployé pour les employés de l'industrie et de la chaîne logistique de la région EMEA (Europe, Moyen-Orient, Afrique).

4.2    La stratégie digitale du groupe

L'Oréal a une forte présence en ligne avec près de 300 millions de followers sur les médias sociaux et 1.25 milliard de visites de sites web par an. En 2020, les ventes en ligne ont représenté 26,6% de l’ensemble des ventes. « Le commerce électronique est notre canal de distribution à la croissance la plus rapide » selon M., L’Oréalian et un spécialiste e-commerce. La stratégie de l'entreprise consiste principalement à tirer parti des sites et plateformes en ligne des détaillants afin de stimuler les ventes, mais aussi à pousser les ventes sur les sites de leurs propres marques (⅓ est Direct- to-customers, « D2C »). Tmall en Chine est un exemple de cette stratégie, où L'Oréal tire parti de la plateforme de commerce électronique d'Alibaba pour atteindre plus de 600 millions d'utilisateurs actifs.

Au cours des cinq dernières années, les principaux fabricants de cosmétiques se sont employés à acquérir des acteurs plus petits afin d'accéder à de nouveaux clients, canaux de distribution, marchés et innovations. Après des années de vente de leurs produits dans les grands magasins, les acteurs de la beauté, grands et matures, se tournent vers les start-ups pour permettre aux cosmétiques de devenir connectés et personnalisés. Pour se démarquer de leurs rivaux, L'Oréal utilise l'intelligence artificielle et les applications pour smartphones afin d'atteindre ses clients et d'améliorer leur expérience d'achat. L'Oréal racheté la société canadienne ModiFace, spécialisée dans les technologies de la beauté. Outre les techniques d'innovation plus avancées, les transactions se concentrent sur les marques de cosmétiques naturels, car les clients sont de plus en plus sensibles aux produits durables. L'Oréal a racheté IT Cosmetics et Atelier Cologne en 2016, Derma Skincare en 2017 et Korean Style. en 2018.

4.3    La digitalisation de la Supply Chain

En plus des canaux traditionnels BtoB, L'Oréal se concentre désormais sur le BtoC. Les clients d'aujourd'hui veulent que les produits soient disponibles "à tout moment et en tout lieu". Il est donc logique que le e-commerce soit un axe majeur pour le groupe et occupe une part croissante des ventes. La gestion des données, facilitée par l'intelligence artificielle, a eu une influence profonde sur la chaîne de valeur de L'Oréal. Les signaux ténus sur les médias sociaux et les données recueillies sur les points de vente constituent des informations précieuses qui peuvent être utilisées pour analyser les facteurs influençant les consommateurs, améliorer les produits, anticiper les tendances et optimiser les ventes. « Nous exploitons ce type d'informations pour cibler plus efficacement les consommateurs finaux et leur fournir les produits et services dont ils ont besoin, à tout moment et en tout lieu », selon M., L’Oréalian et un data manager.

4.3.1  Le consommateurs, catalyseur de la digitalisation

« Les changements des attentes des consommateurs nous poussent à repenser la structure de nos opérations, c'est-à-dire notre chaîne de valeur », explique S. Supply Chain Manager, qui insiste sur la nécessité de réduire les délais de commercialisation tout en offrant des gammes de produits plus larges et en maintenant des normes de qualité. L'agilité et les données sont les deux mots d'ordre de la transformation numérique. « Alors que dans les années 1980 et 1990, nos stratégies industrielles étaient essentiellement basées sur les économies d'échelle, elles sont aujourd'hui principalement axées sur la refonte de la chaîne de valeur, des fournisseurs aux consommateurs, avec la flexibilité comme thème récurrent », explique-t-il.

L'expérience client est utilisée comme critère pour la transformation numérique du groupe. Ainsi, L'Oréal a fixé cinq priorités, dont trois sont directement liées à la prise en compte de l’expérience client :; Flexibilité et agilité des lignes de production et des usines à travers la mise en œuvre des organisations efficaces et adaptées à la satisfaction de la versatilité des consommateurs, par l’utilisation de RFID stickers, d’AGVs, de cobots, de la Réalité augmentée, de stockeurs automatisés ; La personnalisation des solutions pour chaque consommateur à travers l’exploitation des données et expériences collectées et la réponse à son attente par la transformation au niveau de l’usine et des centres de distribution ; la structuration de la Supply Chain comme un centre d’affaires à travers les règles du « n’importe où, n’importe quand » à respecter pour satisfaire le client et la gestion de l’omnicanal, des services, et des données. La transformation digitale permet de passer du stade de prévision mono modèle (complexité limitée, évolution de tendance lente, gestion manuelle des exceptions) à une organisation exploitant le machine learning (multi-facteurs, évolution constante des modèles, prévisions par corrélation).

Avec l'essor du commerce électronique, de nouvelles méthodes de livraison voient le jour, ce qui incite à modifier la façon dont sont préparées et envoyées les commandes. « L'ensemble de la chaîne d'approvisionnement de L'Oréal se transforme pour gagner en agilité et rester en phase avec cette révolution » T. spécialiste digitalisation.

4.3.2  Les partis pris technologiques

Le groupe L’Oréal a étudié et mis en place pour ses usines et sa Supply Chain le programme Operations Digital Transformation (Operations 4.0). L’idée est l’exploitation des nouvelles technologies pour améliorer la performance globale des usines et de la Supply Chain. La plupart des nouvelles technologies sont testées par le groupe : Data Simulation, le machine learning, la gestion et le traitement des données (bigdata et big data analytics), 3D printing, IoT, Augmented & virtual reality, et les cobots, l’exploitation de l’expérience des consommateurs pour créer et favoriser de nouvelles opportunités de business et la satisfaction des consommateurs. Nous présentons quelques exemples des mises en œuvre et tests de solutions digitales proposées par L’Oréal.

Pour répondre aux variations des marchés et aux attentes des consommateurs, L'Oréal automatise et optimise les flux dans ses centres de distribution, situés dans plus de 50 pays. Grâce à des installations de l'industrie 4.0 qui simplifient la préparation des commandes, L'Oréal est en mesure de livrer une commande toutes les deux secondes, et d'approvisionner plus de 500 000 points de livraison sur toute la planète.

En 2018, par exemple, L'Oréal a testé l'utilisation d'un drone autonome pour compiler les inventaires dans ses centres de distribution. Un premier dispositif pilote a été déployé dans le centre de distribution International Active Cosmetics à Vichy, permettant une plus grande agilité et une meilleure gestion des stocks.

La technologie digitale accélère la relation avec le monde et change les attitudes des consommateurs. « Pour prospérer à l'ère de la ‘fast beauty’, nous réinventons constamment notre chaîne d'approvisionnement et notre mode de fonctionnement » P. cadre de la Supply Chain.

Les centres de conditionnement ont adopté l'impression 3D et la Réalité Virtuelle. Ces technologies permettent de modéliser rapidement les futurs produits en internalisant le processus de fabrication des prototypes et des outils de production indispensables. Auparavant considérée comme l'une des phases les plus longues, le prototypage rapide ne prend aujourd'hui que 24 heures (14 000 prototypes en 2018).

« Notre mission : être plus agile, plus efficace et avancer encore plus vite- notamment sur la réduction du temps de mise sur le marché de nos produits. » J., Ingénieur Qualité

Passer d'une production de masse à une production exclusive tout en jouant sur le format, la couleur ou l'étiquette du produit nécessite flexibilité et agilité. Les outils de production ont été numérisé. Des capteurs intelligents, des tablettes tactiles et même des cobots (robots collaboratifs) assistent et simplifient le travail quotidien des opérateurs du site à l’usine de Lassigny, site 4.0 pilote.

En parallèle, l’Oréal développe des produits connectés, pour améliorer la traçabilité des produits et créer de transparence pour les clients. Grâce à la RFID, qui permet de créer des expériences plus fluides pour les consommateurs, de simplifier le parcours d'achat et d'améliorer la gestion opérationnelle en magasin, la chaîne d'approvisionnement devient également de plus en plus agile. En septembre 2017, L'Oréal a ouvert un magasin NYX Professional Makeup en France où tous les produits sont équipés de puces RFID - une première dans le secteur des cosmétiques. La puce sert d'étiquette au produit et émet des ondes radio qui permettent de l'identifier et de le localiser. Elle facilite le travail des équipes - en permettant de fiabiliser les inventaires, d'optimiser les stocks et de protéger les produits - et augmente la satisfaction des consommateurs en limitant les temps d'attente en caisse et en offrant une traçabilité garantie.

5.   LES RESULTATS

Nous présentons ici les résultats de la mobilisation de la théorie de l’acteur-réseau en abordant la problématisation avec les acteurs traditionnels puis les artefacts techniques ; la mise en œuvre du dispositif d’intéressement ; la traduction et l’émergence du porte-parole et enfin la boîte noire, résultat d’une traduction réussie.

5.1    La problématisation ou la création du système d’association : les acteurs traditionnels

La problématisation, qui est un mouvement par lequel un acteur s'efforce de se rendre indispensable au sein d’un réseau de problèmes et d’entités. La problématisation définit des points de passage obligés et décrit un système d'association

En déclarant 2010 comme l’année digitale le groupe L’Oréal, par le biais de son PDG Jean-Paul Agon, s’est positionné comme le point d'appui de la problématisation de la digitalisation de la filière cosmétique et confère un rôle aux acteurs du secteur. Le rôle d’évangéliste a été important en interne et auprès des consommateurs et partenaires, tels que les distributeurs et les détaillants En interne, la transformation digitale devait touchée tous les secteurs et métiers du groupe de l’entreprise. L’Oréal procède non seulement à une évaluation formelle des compétences et à une planification stratégique des effectifs, mais également à des recrutements de spécialistes et à la formation et information de l’ensemble des salariés, jusqu’à Jean-Paul Agon. L'IA, le machine learning et l'analyse des big data sont les capacités les plus courantes, et la plupart recrutent et développent simultanément ces compétences dans leurs organisations. L’Oréal gère des programmes d’aisance digitale pour permettre aux employés de mieux comprendre et exploiter les opportunités commerciales numériques. Les nouvelles technologies digitales sont positionnées comme un moyen pour les employés de cesser de passer du temps sur des activités manuelles et sans valeur ajoutée, afin qu'ils puissent se concentrer sur la création de valeur pour leurs clients.

La montée est compétence digitale du groupe s’est faite également par l’acquisition de pépites. Sur la compétence digitale, on notera par exemple l’acquisition de NYX Cosmetics en 2014, marque américaine de cosmétique, permettant aussi le développement de la tendance « make-up » artiste, ou de Pulp Riot (2018), qui au-delà de l’expertise en digitalisation a permis de renforcer le réseau de salon de coiffure professionnel. L’acquisition de Urban Decay en 2012 facilitera l’acquisition de compétences de la vente en libre-service, mais surtout du e-commerce. En termes technologiques, on notera l’achat de la start-up canadienne Modiface, qui a développé des compétences en intelligence artificielle et réalité virtuelle.

5.1.1  Le consommateur

Qu'ils achètent en magasin ou en ligne, les consommateurs attendent de la simplicité et de la continuité dans leur expérience d'achat. Ils veulent décider où, quand et comment leur produit sera livré. Ils veulent également des offres complètes : des produits couplés à des services. Les premiers utilisateurs de ce nouveau mode de distribution sont les Millennials ultra digitaux, qui se tournent naturellement vers le e-commerce.

L'expérience client est utilisée comme critère pour la transformation numérique du groupe.

5.1.2  Les fournisseurs

Un des critères de sélection des fournisseurs est leur capacité d’innovation. Les équipes des Opérations de L’Oréal ont développé des communautés mondiales axées sur chacun des grands défis posés par l'accélération et les nouvelles attentes des consommateurs.

5.1.3  Les GAFAM et BATIX

Google est un partenaire technologique de L’Oréal. En revanche, la relation entre L'Oréal et Amazon est multidimensionnelle : chacun des deux acteurs est le client de l'autre, chacun fournissant une valeur unique aux clients de l'autre et partageant un contenu, des données, des connaissances et d'autres ressources précieuses. Les interactions devenant plus complexes et les rôles spécifiques des partenaires de l'alliance moins bien définis, l'ensemble des relations construites autour d'une entreprise ou d'une marque bouleverse la chaîne de valeur traditionnelle. En Chine, Tmall (filiale d’Alibaba) était un acteur nécessaire à la fois pour le développement, mais également pour la captation de données sur le consommateur chinois.

5.2    La problématisation ou la création du système d’association : les artefacts techniques

5.2.1  Un réseau physique optimisé

En raison de le nécessité de réduire les délais de livraison dans les canaux B2C et B2B, L'Oréal a intensifié ses investissements dans l'automatisation de ses centres logistiques et l'optimisation de la distribution des produits. « Ces transformations sont une source majeure d'agilité, permettant de réagir plus rapidement face à l'augmentation des volumes du groupe et d'assurer le succès d'événements de plus en plus populaires tels que le Black Friday ou la Journée des célibataires (11/11) en Chine », selon S, ingénieur logistique. Des centres logistiques temporaires ont monté pendant les périodes de très forte demande, parallèlement à d'autres solutions.

Aux États-Unis, les équipements installés dans les centres de distribution ont permis de réduire les distances que les employés doivent parcourir. À Singapour, les nouvelles infrastructures telles qu’une configuration de stockage à haute densité qui maximise les manœuvres et optimise l'espace, et un système de navettes automatiques entièrement centralisé ont été mises en œuvre.

5.2.2  Les modèles 3D

Pour gérer des cycles de vie de produits plus courts, de nouvelles technologies sont introduites à différentes étapes du processus de conception accélérée, comme par exemple, l'approbation des prototypes en phase de projet. Au lieu de construire des modèles et de tester les produits dans le monde réel, des modèles 3D sont développés en quelques heures et des outils de simulation virtuelle sont utilisés. Les tests de chute, de transport, de résistance, de merchandising virtuel et autres permettent gain de temps et de qualité.

Si le Groupe travaille avec des prestataires locaux dans chaque Zone géographique, il a également créé des laboratoires 3D en interne pour développer rapidement ses propres prototypes. L'Oréal utilise cette technologie pour produire rapidement certaines pièces et outils nécessaires aux processus de fabrication. Par exemple, l'usine de North Little Rock aux États-Unis produit 75 % des pièces nécessaires aux changements de sa propre ligne de production, ce qui lui permet de gagner beaucoup de temps.

L'Oréal utilise également depuis plusieurs années l'impression 3D pour créer des maquettes ou des modèles d'emballage. La tendance s'est accélérée en 2017, permettant au Groupe d'innover plus rapidement, et de co-développer les produits de beauté du futur avec les marques.

5.2.3  Les produits connectés

Les produits connectés rendent les marchandises plus traçables et offrent aux consommateurs finaux une plus grande transparence. Avec plus de sept milliards de produits par an, L'Oréal utilise la connectivité pour optimiser sa chaîne d'approvisionnement grâce à une vision globale des stocks et faciliter la gestion quotidienne des produits sur le lieu de vente (réception, collecte, inventaire). Les produits connectés sont également un moyen de tisser des liens plus étroits et d'améliorer le contact et l'interaction avec les consommateurs grâce à un dialogue direct entre le produit et le téléphone.

La technologie NFC est exploitée pour respecter les engagements client à travers l’information sur les produits, présenter et détailler les contenus de marques, et mettre à la disposition des consommateurs les tutoriels nécessaires pour une utilisation efficace des produits.

La technologie RFID est utilisée tout au long de la chaine logistique à travers le retail (automatisation, antivols) mais aussi l’optimisation de la Supply Chain (niveau de stock, réapprovisionnement, disponibilité produits, automatisation).

La RFID est également utilisée dans la relation client pour gérer les engagements vis-à-vis du client pour leur authentification, leur fidélisation, leur personnalisation mais aussi la régulation de traçabilité à travers le fichier d’identité produit (« Full FP »), la gestion de la durée de conservation, la gestion du « targeted Rapex », c’est-à-dire, le rappel de produits.

5.2.4  Des lignes de production plus flexibles et outils de production numériques

Les demandes des consommateurs étant de plus en plus changeantes, il est essentiel de pouvoir passer facilement d'une production à l'autre en fonction de l'évolution des tendances. Par exemple, la ligne agile de l'usine de Lassigny (France) facilite le changement de format des produits, aspect essentiel de la flexibilité. Les nouvelles lignes de production doivent également être en mesure de gérer la différenciation finale des produits (teinte, étiquetage, etc.) plus tard dans la chaîne de valeur.

Le groupe s'appuie fortement sur les outils de production numériques. Dans chaque usine, les équipes bénéficient de formations pour apprendre à piloter ces machines et les nouvelles technologies grâce aux outils numériques. Un autre virage important de l'industrie 4.0 est l'introduction de robots collaboratifs ou « cobots ». Ces robots mobiles aident les opérateurs dans certaines étapes du processus de production, afin que les employés puissent se concentrer sur des tâches à plus forte valeur ajoutée. Les machines produisent également des rapports automatiques, collectent des données et améliorent le traitement des données.

5.2.5  La réalité augmentée, l’intelligence artificielle et le jumeau numérique

Le recours à la réalité augmentée pour l’expérience client couplée à l’intelligence artificielle pour le traitement Big Data permet la structuration de la Supply Chain comme un centre d’affaires à travers les règles du « n’importe où, n’importe quant » à respecter pour satisfaire le client et la gestion de l’omnicanal, des services, et des données. La transformation digitale permet de passer du stade de prévision mono modèle (complexité limitée, évolution de tendance lente, gestion manuelle des exceptions) à une organisation exploitant le machine learning (multi-facteurs, évolution constante des modèles, prévisions par corrélation). La digitalisation passe aussi par l’interaction d’une série d'appareils connectés exploitant le big data et la réalité augmentée permettant de créer des relations significatives, personnalisées et directes avec les consommateurs. En B2B, le jumeau numérique permet une servitisation basée sur les résultats. Les technologies numériques sont donc plus que des technologies habilitantes : elles permettent la création de modèles commerciaux fondamentalement nouveaux et perturbateurs. La transformation numérique nécessite de petites équipes agiles, responsables de bout en bout de la réalisation du projet, dotées d'une mentalité de start-up et obsédées par le client.

5.2.6  Demand sensing beauty tech

Le programme de Beauty Tech « Demand Sensing », développé dans l’accélérateur Tech de L’Oréal, redéfinit le processus de prévision de la demande à l'ère du digital en tirant profit des données, des insights consommateurs et de l'apprentissage artificiel automatique (machine learning). Il constitue un moteur essentiel de la transformation digitale de la chaîne d'approvisionnement de L'Oréal. Par des accès à diverses sources de données (grâce à des plateformes), il s’agit d'accroître la compréhension et l'anticipation des ventes, de faciliter la planification mécanique sur l'ensemble du réseau de distribution et de veiller à ce que le bon stock soit automatiquement disponible au bon endroit, au bon moment.

5.2.7  Data management

Deux outils majeurs en matière de gestion partagée des données de référence ont été déployés à l’échelle mondiale d’Elixpedia et de Cosmo.

L’objectif d’Elixpedia, développé avec IBM, est d’améliorer les résultats opérationnels de L'Oréal en exploitant les informations sur les produits, permettant des économies significatives grâce à l'amélioration de la qualité des données ; l’alignement de l'information produit entre toutes les parties de la chaîne d'approvisionnement étendue.

COSMO est le projet permettant de repenser, simplifier et moderniser le processus historique de création des codes produits (identifiants uniques des produits de L’Oréal) pour simplifier l’expérience de 10 000 collaborateurs-utilisateurs travaillant pour le marketing, la chaîne logistique ou le packaging et ce, dans 50 pays. Ensemble, ils créent environ 400 000 codes produits par an. Les bénéfices de la solution COSMO portent sur la+ fiabilité des données rassemblées dans une source unique, optimisation du temps et nouvelle ergonomie.

Par ailleurs, une tour de contrôle, « Global Freight Cockpit », alimentée par les données sur le transport recueillies auprès des fournisseurs a été mise en place.

5.3    La mise en œuvre du dispositif d’intéressement

La mise en œuvre du dispositif d’intéressement revient à sceller les alliances, en interrompant d'éventuelles alliances parallèles ou concurrentes. C'est un ensemble d'actions par lesquelles une entité s'efforce d’imposer et de stabiliser l'identité des autres acteurs qu'elle a définie par sa problématisation, les actions prenant corps dans des dispositifs.

5.3.1  Avec les fournisseurs

En raison de son ancienneté, la présence de L'Oréal sur de nombreux marchés est établie de longue date, avec des relations avec les fournisseurs et les canaux de distribution qui remontent à plusieurs décennies. L'entreprise dispose donc d'un nombre de fournisseurs nettement supérieur à celui de ses pairs, ce qui réduit la pression potentielle sur les prix. L'immense réseau de l'entreprise permet de porter les marques acquises - développées à l'échelle locale ou régionale - à l'échelle mondiale en peu de temps et avec la même qualité.

Alors que précédemment, les alliances avaient tout à voir avec l'obtention du contrôle et de la stabilité, le contexte actuel exige que les partenariats abandonnent le contrôle et la stabilité au profit de la collaboration, de la complexité, de la rapidité et de la flexibilité. L’Oréal a développé cinq attributs clés : un objectif partagé entre les acteurs de l'écosystème ; l'accent mis sur les solutions pour les consommateurs ; des structures et des processus qui permettent le partage des capacités, y compris des données ; la capacité à passer rapidement à l'échelle supérieure ; la flexibilité et la résilience.

5.3.2  Avec les consommateurs

Yanyan Zhang, directeur de la chaîne d'approvisionnement de L'Oréal en Chine, a identifié comme un facteur clé de succès la nécessité pour les équipes opérationnelles d'accroître leur sensibilité et leur réactivité aux besoins commerciaux dictés par les attentes des clients. Pour ce faire, une communication facile et rapide était essentielle. Les managers de L'Oréal ont mis en place des canaux de communication alternatifs avec leurs partenaires pour assurer la continuité pendant la crise, en utilisant des outils tels que la messagerie WeChat. Les équipes de la chaîne d'approvisionnement étaient déterminées à livrer les produits aux clients, par tous les moyens possibles, quel que soit le canal.

5.3.3  Avec les partenaires industriels

En collaboration avec Google, L'Oréal a créé la Beauty Tech Data Platform.

En partenariat avec les fournisseurs, les Opérations de L'Oréal développent des prototypes et de nouvelles solutions technologiques pour réduire les délais tout au long de la chaîne de valeur, diminuer les coûts en fractionnant les commandes en lots plus petits, et répondre à la demande croissante de produits en édition limitée et personnalisés.

Aucun partenariat n'illustre mieux l'interdépendance entre les acteurs technologiques et les marques que celui forgé par L'Oréal et Amazon. La relation entre les 2 géants s'est modifiée au fil du temps, à mesure que la technologie et les marchés ont évolué, créant de nouvelles opportunités de collaboration. Amazon vend les produits de L'Oréal (en tant que "first party") par le biais de ses propres plateformes de vente au détail, mais aussi des boutiques contrôlées par L'Oréal sur sa place de marché tierce. Pour L'Oréal, Amazon est à la fois un détaillant et un concurrent ; c'est une plateforme de vente au détail, un moteur de recherche, une société de médias, un fournisseur de données et un centre de traitement des commandes.

IBM est considéré comme une extension du personnel de L’Oréal. Les équipes IBM sont associés pleinement aux processus de Design Thinking ou de brainstorming pour améliorer les processus, notamment industriel. On peut par exemple citer le développement d’une application pour la production, permettant l’anticipation des tâches : les données viennent à la fois des capteurs et des plateformes de données clients afin de pouvoir plus rapidement lancer la personnalisation. Autre manifestation de l’intéressement, IBM et L’Oréal ont développé conjointement Elixpedia.

Les collaborations techniques et financières avec les start-ups s’inscrivent également sans le processus d’intéressement

5.3.4  Avec les partenaires média

En 2019, L'Oréal Royaume-Uni et Irlande a procédé à une révision de son agence média et a choisi une nouvelle agence, Essence, qui fait partie du groupe WPP. Ensemble, l'unité britannique et leur nouvelle agence ont co-conçu une structure collaborative qu'ils ont nommée Beauty Tech Labs. En intégrant l'unité au sein de L'Oréal et de l'agence, l'équipe client/agence cherche à créer une unité entièrement collaborative qui apprend et s'adapte ensemble aux besoins changeants des consommateurs, aux opportunités du marché et à la technologie. Les collaborateurs des deux entités peuvent jouer un rôle important en s'incitant mutuellement à aller au-delà de leurs réflexions et connaissances actuelles. Les Beauty Tech Labs sont constitués d'équipes agiles qui peuvent se diviser et se reconfigurer pour s'attaquer aux projets et aux défis selon les besoins.

5.4    La traduction

 « Traduire, c'est exprimer dans son propre langage ce que les autres disent ou veulent » (Callon, 1986 : 204-205).

La traduction se manifeste dans un autre aspect de la relation d'interdépendance entre L’Oréal et Amazon. Il s’agit de la vente par L'Oréal de ses solutions technologiques de réalité augmentée Modiface pour alimenter l'application d'essai virtuel de maquillage d'Amazon. L'application d'essayage virtuel est disponible pour toutes les marques, pour les produits de L'Oréal comme pour ceux d'autres fabricants. Au-delà des biens et de l'argent, les deux entreprises dépendent l'une de l'autre pour échanger des connaissances et des données qui leur permettent d'offrir aux consommateurs des solutions qui amplifient ce que chacune d'entre elles pourrait réaliser individuellement, créant ainsi une valeur synergique d'une manière qui n'est tout simplement pas prise en compte dans une configuration traditionnelle de la chaîne de valeur. L’artefact technique permet l’émergence du porte-parole L’Oréal dans la dimension de la réalité virtuelle, augmentant ainsi le champ du possible et les potentialités en termes d'échanges et de négociation entre les parties.

Un autre aspect illustrant la phase de traduction est l’extension des pratiques de résolution de problèmes et de prise de décision développées en Chine, au début de la pandémie, en utilisant des technologies de communication adaptées aux conditions locales. Elle a également offert un soutien financier à ses partenaires vulnérables dans le monde entier pour les aider à survivre à la crise. Ce soutien comprenait des mesures telles que le financement des achats de matières premières pour les fournisseurs touchés, ainsi que l'accélération des paiements et l'extension des conditions de crédit pour les distributeurs, y compris les salons de coiffure, dont les activités avaient été interrompues. Certains fournisseurs ont été sollicités pour contribuer à la production de désinfectant pour les mains, que les usines L'Oréal ont produit sur plusieurs marchés pour répondre à la demande mondiale des premiers intervenants et des professionnels de la santé. Les experts en approvisionnement de L'Oréal Chine ont aidé le gouvernement français à acheter auprès de fournisseurs chinois des équipements de protection individuelle pour les institutions médicales françaises.

D’autre part, de nouvelles lignes de production connectées et agiles ont été développées par une communauté mondiale d'employés et de fournisseurs des Opérations. Ensemble, ils ont déployé de nouvelles solutions couplées à des plateformes numériques IoT pour fabriquer différents produits sur la même ligne avec seulement quelques minutes d'arrêt entre eux. Cette agilité a permis de répondre immédiatement aux augmentations de commandes et à la demande d'une large gamme de teintes de maquillage, tout en améliorant les performances. Cinq usines utilisent déjà cette technologie de ligne de production connectée, et 20 lignes supplémentaires sont en cours de déploiement dans le monde entier.

5.5    La boîte noire

 « Une fois le consensus atteint, on aboutit à un réseau de liens contraignants ; il s'agit là d'une traduction réussie, un réseau qui devient irréversible fonctionnant comme une boîte noire » (Callon & Latour, 1991, p. 291). La boîte noire ne fait plus l’objet d'interrogation.

C'est grâce à ses partenariats solides avec un large éventail d'acteurs tels que Tmall, Lazada, la plateforme d'achat Livescale influencer, les fournisseurs de logistique, les communautés de consommateurs, et plus encore, que L'Oréal a pu développer ses activités de livestreaming, entre autres efforts de commerce électronique. Exploiter le pouvoir des communautés de consommateurs a été la clé du succès des événements de livestreaming organisés autour de la 2020 Pride Week aux États-Unis et au Canada. Cela n'aurait pas été possible sans la puissance et la diversité du réseau constitués de partenariats solides que L'Oréal a élaborés et entretenus tout au long de sa transformation numérique.

Plusieurs caractéristiques de la chaîne de valeur - modularité, adaptation, redondance et hétérogénéité - ont été testées chez L'Oréal lors de la crise du COVID-19.  Les systèmes modulaires sont construits de telle sorte que les composants individuels peuvent agir comme des disjoncteurs pour empêcher l'effondrement de l'ensemble du système dans des conditions difficiles. Dans la phase initiale de la crise du COVID-19, avant la propagation mondiale de l'épidémie, L’Oréal Chine et son réseau local ont fonctionné de manière modulaire en contenant l'impact de la crise en Chine, sans affecter gravement le reste du système mondial.

Les redondances dans l'écosystème mondial ont également contribué à la résilience : le commerce en magasin s'est rapidement déplacé vers le commerce électronique, et les fortes baisses dans certaines catégories de produits ont été rapidement compensées par des augmentations spectaculaires dans d'autres. À travers ces changements majeurs, le réseau mondial a prouvé sa solide capacité d'adaptation par l'expérimentation, la sélection et l'amplification des solutions d'une partie du système aux autres. L'hétérogénéité est une autre marque de résilience dans la constituions de l’acteur-réseau : la capacité des composants hétérogènes à répondre de différentes manières atténue le risque de défaillance du système global et permet de produire de la convergence. En effet, il y a convergence, lorsque le réseau socio-technique parvient à fédérer l’ensemble des acteurs hétérogènes, en les faisant participer et adhérer au projet et débouche sur l’élaboration et la diffusion d’innovations.

Par conséquent, la réussite du Groupe L'Oréal en matière de Supply Chain est principalement liée à la formation d’une association inédite entre des acteurs multiples et différents (acteurs humains et artefacts digitaux et technologiques). De cette association active, de l'intéressement à la mobilisation et la coopération de l'ensemble des acteurs, il a pu ainsi émerger un réseau socio-technique performant potentiellement convergent, et propice à l'innovation.

Classée au 9ème rang mondial pour sa Supply Chain et au 4ème dans l'industrie des produits de consommation, la Supply Chain de L’Oréal a, de ce fait, atteint un point critique et stratégique dans son processus de transformation, où elle peut désormais être considérée comme « digital first », animant un réseau symbiotique d’acteurs humains et techniques performant et convergent.

6.   CONCLUSIon

La mise en œuvre de la grille d’analyse aboutit à plusieurs conclusions. Tout d’abord, il est impossible de déconnecter la digitalisation de la Supply Chain de la digitalisation globale de L’Oréal, les artefacts jouant autant un rôle dans l’agilité par exemple, que dans l’expérience client. Le Supply Chain management est « customer-centred » et voit le passage du BtoC vers le DtoC. L’adoption de la digitalisation passe par l’adaptation aux métiers de la Supply Chain, mais également aux évolutions sociétales de pratique de consommateurs ; des solutions technologiques telles que la RFID nécessitent d’être envisagée au-delà de leurs vocations d’ingénierie en tant qu’acteur de développement de services innovants pour les différentes parties prenantes.

Issue des disciplines sociologiques employant le « relativisme faible » (Callon, 1980, 1986b; Callon et al., 1986; Law & Hassard, 1999), la théorie de l’acteur-réseau évite le déterminisme technologique en soulignant la contingence et l’hétérogénéité des réseaux techno-économiques qui résultent des nouvelles technologies (Bijker & Law, 1992). Cette approche évite les pièges de la théorie des systèmes (entrée-transformation-sortie), en se concentrant sur les résultats sociaux et technologiques en plus des processus qui façonnent ces résultats. Les réseaux d’acteurs contiennent des entités humaines et non humaines (actants) qui, à travers des rites de passage obligatoires, accumulent des paramètres durables, sans qu’il y ait eu de différenciation préalable entre la technologie innovante et l’environnement dans lequel elle s’épanouit. L’approche acteur-réseau est utile pour comprendre comment les facteurs sociaux et technologiques se combinent de manière transparente pour façonner les réseaux d’innovation aux niveaux local et mondial (Law & Callon, 1992) par des processus de traduction et de déplacement. Ces réseaux peuvent être incomplets, enchaînés, dispersés, longs, courts ou convergents (Callon et al., 1992).

La force de l’approche acteur-réseau est sa nature socialement contingente. Cela en fait un outil particulièrement approprié lorsqu’il y a des limitations sur l’objectif conscient des acteurs humains dans le réseau ou sur la capacité des acteurs à diriger le réseau. Parmi les autres facteurs qui influencent son applicabilité, citons le caractère distinctif de la structure dans laquelle une innovation se produit, la clarté des relations de pouvoir et l’importance relative des facteurs naturels, technologiques et sociaux dans l’innovation (Kinder, 2003). Le travail proposé s'appuie sur une étude de cas approfondie et une élaboration théorique qui demande d'être analysée et interrogée dans d'autres contextes (secteurs, métiers et activités). Il s'agira également d'approfondir les questions de gouvernance et d'organisation, associées à ces nouvelles formes de développement, en précisant les rôles et les responsabilités opérationnelles exercées par les différents acteurs du système.

Au cours des dernières décennies, la digitalisation a envahi tous les domaines de l’activité humaine, y compris l’innovation. Le résultat de la numérisation des outils existants de conception et de collaboration, et l’introduction d’outils numériques entièrement nouveaux, est un changement d’innovation bien plus substantiel que ce que les générations précédentes d’outils permettaient. Elle affecte non seulement la qualité des résultats et la vitesse de leur production, mais aussi le travail d’innovation lui-même, en modifiant le contenu du travail, les modes de collaboration, le pouvoir de décision, les structures organisationnelles et de gouvernance, les limites de l’entreprise et, finalement, des écosystèmes entiers. Les outils digitaux sont devenus de plus en plus sophistiqués tout en étant plus faciles à utiliser et sont intégrés plus tôt dans le processus de conception. Ils affectent non seulement la production et l’efficacité des processus, mais ils augmentent également la profondeur et l’ampleur du travail, ils entraînent un réarrangement de l’ensemble des processus d’innovation, ils permettent de nouvelles configurations de personnes, d’équipes et d’entreprises, et ils réécrivent les règles sur la façon dont la gestion des connaissances agit comme une capacité concurrentielle essentielle (Marion & Fixson, 2020).

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8.   BIOGRAPHIE

  Elizabeth Couzineau-Zegwaard. Docteur en sciences de gestion, est chercheuse en stratégie. La supply chain et le supply chain management sont ses terrains de recherche avec une forte orientation vers l’étude et la compréhension des transitions écologiques et sociétales. Professeur à l’Ecole Centrale de Lyon en charge des questions de supply chain et d’exellence opérationnelle, elle est enseignant-chercheur permanent chez PPA Business School et co-directrice de son laboratoire de recherche, le GReMOG.

 

  Olivier Meier est Professeur des Universités, HDR (Classe exceptionnelle), directeur de l’Observatoire ASAP « Action Sociétale et Action Publique » Chaire Innovation Publique Polytechnique - Sciences Po et membre du conseil d'administration de l'Institut d'Etudes Politiques (IEP) de Fontainebleau. Il enseigne la stratégie et le management à l'Université Paris Est, Paris Dauphine et Sciences Po Paris. Directeur de recherche au LIPHA Paris Est, il est membre du comité scientifique de la Chaire Prévention & Performance à CentraleSupelec. Olivier Meier est rédacteur en chef de la Revue « Management et Stratégie » (peer-reviewed Journal) et membre du jury du Prix Académique de la Recherche en Management – SYNTEC/FNEGE. Il est chroniqueur à Harvard Business Review - France, FNEGE Médias et XERFI Canal.

1 Elizabeth Couzineau-Zegwaard, GReMOG, PPA Business School, FRANCE, ecouzineau@ppa.fr  ,

    : https://orcid.org/0000-0002-6908-7437  

 

2 Olivier Meier LIPHA, Paris Est , France, olivier.meier@iutsf.org