2022, Vol. 36, No. 2, 07-28
Revue Française de Gestion Industrielle
article en open accès sur www.rfgi.fr
Salomée Ruel 1, Marie Grezolle2
1KEDGE Business School, MOSI – Sustainability Excellence Center, France, salomee.ruel@gmail.com
2Diplômée de Excelia, France, grezollemarie@gmail.com
Résumé
Les Très Petites Entreprises-TPE sont assujetties à une forte concurrence. Il leur est indispensable de convertir leurs ressources en avantages compétitifs. Les entreprises doivent envisager leur supply chain management en leviers compétitifs. C’est un enjeu majeur en raison des difficultés de gestion des TPE de leurs maigres ressources. Quel est le rôle des ressources en lien avec le Management de la Supply Chain dans la recherche de compétitivité d’une TPE ? Manquant de ressources et ayant une position désavantagée dans la Supply Chain, comment font les TPEs pour surmonter ces obstacles ? Une étude de cas dans le secteur des vins et spiritueux est menée. Les résultats montrent que l’entreprise génère suffisamment de marge pour ne pas avoir à envisager une optimisation de sa SC passant par une meilleure mobilisation de ses ressources, et semble se focaliser sur une approche portérienne de diversification et de différentiation.
Supply chain management & competitive advantages of Very Small Companies: facing their lack of resources
Abstract:
Very Small Companies-VSC are subject to strong competition. They need to convert their resources into competitive advantages. Companies must consider their supply chain management as a competitive stimulus. This is a major issue because of the difficulties of managing their meager resources. What is the role of resources related to Supply Chain Management in the search for competitiveness of a small company? Lacking resources and having a disadvantaged position in the SC, how do small companies overcome these obstacles? A case study in the wine and spirits sector is conducted. The results show that the company generates enough margin not to have to consider optimizing its SC through a better mobilization of its resources and seems to focus on a portfolio approach of diversification and differentiation.
Les Très Petites Entreprises (TPE) sont au cœur du tissu économique français et mondial. Selon l’INSEE (2019)[1], les entreprises de très petite et de moyenne tailles constituent 99,9% des entreprises en France. Il en existe 3,8 millions et, parmi celles-ci, 3,7 millions sont des entreprises de moins de 20 salariés (TPE). Réparties dans tous les secteurs d’activité, elles participent aux réseaux d’entreprises qui se créent pour répondre à la demande des consommateurs finaux : ces réseaux sont nommés Supply Chains (SCs).
Les recherches en Supply Chain Management (SCM) se focalisent sur les Grandes Entreprises (GE – plus de 5 000 salariés) en cela qu’elles présentent souvent des pratiques inter-organisationnelles innovantes (Lavastre et al., 2014) et des bonnes pratiques retenant l’intérêt des praticiens et chercheurs. Néanmoins, l’environnement des TPE se complexifie sans cesse, tout comme celui des grandes entreprises. Elles participent et font face à des SCs présentant de nombreux intermédiaires et un volume toujours plus important de données à gérer (Park et Krishnan, 2001). Dans les rares recherches se focalisant sur les enjeux du SCM pour les TPE, les enjeux décrits concernent uniquement la mise en place des indicateurs de performance (Knechtges et al., 2000), la gestion et la sélection des fournisseurs (Park et Krishnan, 2001), la gestion des stocks et l’évolution technologique de la SC (Makhitha, 2015). L’ensemble de ces recherches ancrées en SCM évoque les difficultés liées aux ressources limitées (tant dans leur volume, que dans leur qualité, que dans les capacités à les mobiliser et à les orchestrer – Sirmon et al., 2011 ; Queiroz et al., 2022) de ces entreprises, sans pour autant en faire le cœur de leur analyse, raccrochant même rarement explicitement les résultats à l’approche basée sur les ressources (ou Resources Based View - RBV).
Pourtant, les TPE sont les moins armées face à la complexification des SCs, d’où l’intérêt de les étudier. D’autres recherches en sciences de gestion montrent qu’elles sont caractérisées par des ressources tangibles comme intangibles maigres (Aldebert et Loufrani-Fedida, 2010 ; Brau et al., 2007 ; Cloutier et al., 2016 ; Moeuf, 2018). Ces lacunes sont aussi mises en évidence dans des rapports d’origine professionnelle[2].
Pour les entreprises et leurs SCs, quelle que soit leur taille, l’utilisation de ressources est indispensable et parfois source d’avantages compétitifs. « On dit qu'une entreprise a un avantage compétitif lorsqu'elle met en œuvre une stratégie de création de valeur qui n'est mise en œuvre simultanément par aucun acteur actuel ou potentiel » (Barney, 1991, p. 102). Cette recherche s’appuie alors sur l’approche basée sur les ressources (RBV - Barney, 1991 ; Wernerfelt, 1984) et s’intéresse au SCM pour les TPE puisque celles-ci constituent l’immense majorité des réseaux d’entreprises et n’ont pourtant que peu été étudiées. Plus précisément, la RBV illustre la capacité d’une entreprise à transformer une ressource précieuse, rare, difficilement imitable et imparfaitement mobile en avantage compétitif. L’identification de ces ressources est un défi pour les TPE. Cette difficulté est d’autant plus cruciale que, dans un monde où les SCs sont en compétition (Christopher, 1992), la bonne mobilisation des ressources des entités des SCs (dont les TPE qui en font partie) est gage d’avantages compétitifs.
Quel est le rôle des ressources en lien avec le Management de la Supply Chain dans la recherche de compétitivité d’une TPE ? Manquant de ressources et ayant une position désavantagée dans la Supply Chain, comment font les TPEs pour surmonter ces obstacles ?
Les ressources en lien avec le Management de la Supply Chain sont tous les actifs financiers, physiques, humains et organisationnels que les entreprises utilisent pour développer, fabriquer et livrer des produits. Plus précisément, les actifs organisationnels sont leurs capacités liées à la gestion de la SC (orchestration - Sirmon et al., 2011) (Kotzab et al., 2015).
Pour répondre à ces questions et ainsi explorer les enjeux autour des ressources à mobiliser en SCM pour une meilleure compétitivité des TPE, une étude de cas unique (Yin, 2017) est menée dans le secteur des vins et spiritueux mobilisant plusieurs approches de collecte des données. L’étude est menée dans l’une des plus anciennes Maisons de négoce en vin de la place de Bordeaux. Ce choix a été effectué compte tenu de l’ampleur de la SC à laquelle participe cette TPE. En effet, cette entreprise présente une SC amont composée d’un réseau très étendu de fournisseurs et d’intermédiaires. Cette configuration rend cette SC « complexe à gérer » aux yeux des quelques collaborateurs de cette TPE. Par ailleurs, elle présente des difficultés habituelles des TPE en termes de ressources.
L’article est structuré ainsi : tout d’abord la revue de la littérature est développée autour de la RBV, du SCM, des TPE et de la notion de compétitivité (section 2). Puis la démarche empirique est présentée et justifiée (section 3). Puis les résultats de l’étude de cas sont présentés (section 4) et discutés (section 5). Enfin, la conclusion dresse les implications théoriques et managériales de cette étude tout en indiquant ses limites et des perspectives de recherche future (section 6).
Abordées dans les années 1950 (Penrose, 1959 ; Selznick, 1957) puis rapidement oubliées au bénéfice des approches structuralistes (de Michael Porter – Porter, 1980), les notions de ressources, compétences et capacités ont été actualisées par les travaux de Wernerfelt (1984) et Barney (1991). Selon Wernerfelt (1984), la RBV prend appui sur des notions moins mobilisées telles que la rareté, les ressources ou encore les capacités. Barney (1991) indique que les ressources possédées par une entreprise comprennent les actifs, les capacités, les processus, les attributs, les connaissances et le savoir-faire. Elles sont donc tangibles ou intangibles (Grant, 1991 ; Métais, 2004 ; Philippart, 2014) et peuvent être utilisées pour formuler et mettre en œuvre des stratégies concurrentielles tout en améliorant la performance opérationnelle (voir le modèle SCOR[3]). La RBV illustre donc la capacité d’une entreprise à transformer une ressource précieuse, rare et imparfaitement mobile en avantage compétitif (Barney, 1991 ; Rivard et al., 2006) qui puisse bénéficier aux différentes parties prenantes notamment sous la forme de rentes (Coff, 1999). En effet, la RBV est une approche théorique qui met l’accent sur la nature des ressources et leur nécessaire orchestration pour conférer à l’entreprise une situation de rente (Barney, 1991).
Les entreprises, quelle que soit leur taille, ont tout intérêt à s’engager dans une dynamique maintenant leur patrimoine de ressources et leur permettant aussi d’en acquérir de nouvelles dans le cadre de leur développement (Claver Cortés et al., 2000). Développer une stratégie autour des ressources rares peut leur être bénéficiaire car celles-ci établissent des barrières fortes à la concurrence (Michon, 2015). L’enjeu est alors à l’identification, l’exploitation et la gestion des ressources afin de développer et maintenir des avantages compétitifs. Ces avantages reposent sur les services productifs rendus par les ressources et non pas sur les ressources elles-mêmes. La ressource n’a de valeur qu’après avoir été transformée, dès lors ce n’est que le service que l’entreprise est capable de retirer de la ressource qui permet de créer un avantage compétitif.
Des recherches se sont intéressées à la pertinence de la RBV comme cadre théorique pour le SCM (Halldorson et al, 2007 ; Barney, 2012) et ont permis de mettre en évidence l’importance des ressources pour les entreprises, que celles-ci sont sources d’avantages compétitifs. Le SCM est donc une fonction pouvant générer des avantages compétitifs grâce à une bonne gestion et utilisation des ressources. D’ailleurs, récemment les recherches mobilisant ce cadre théorique ont été de nombreuses preuves de sa pertinence pour une large partie de la communauté scientifique internationale et ce, sur des objets de recherche très variés. Citons les travaux de Yang et Lirn (2017) sur la logistique de distribution, sur la SC durable (Carbone et al., 2019) dans un contexte de PME (Shibin et al., 2017), sur les alliances dans les réseaux SC (Steiner et al., 2017), sur la Blockchain (Treiblmaier, 2018), sur le SCM et la gestion des données (Yu et al., 2018), sur l’apprentissage dans une SC (Yang et al., 2019), de Partanen et al. (2020) sur la gestion de l’information et du réseau dans le contexte de SCM des PME, ou encore de El Baz et Ruel (2021) sur la résilience des SCs en temps de COVID-19.
Une SC performante est considérée comme un avantage compétitif majeur. A ce titre, la SC fait l’objet d’une compétitivité inter-entreprises (Hove-Sibanda et Pooe, 2018). D’ailleurs, les recherches se multiplient afin de mesurer l’impact d’une SC optimisée sur les performances et la compétitivité des entreprises (par exemple Ivanov et Dolgui, 2020). Hove-Sibanda et Pooe (2018) précisent que le succès organisationnel dépendrait en grande partie de la performance des SCs dans lesquelles l'entreprise fonctionne en tant que partenaire. D’après Singh et Pandey (2013), différents facteurs tels que le partage de l’information (notamment avec les nouveaux outils digitaux), la planification des stocks, la collaboration, la réduction des coûts, la flexibilité, la livraison, l’intégration et l’utilisation des ressources sont déterminants dans la performance de la SC. Ainsi, la complexité grandissante des flux contraint de plus en plus les entreprises à améliorer leur performance, ce qui passe par l’amélioration du SCM afin de développer des avantages compétitifs. Il est alors indispensable de déterminer les axes de performance de la SC, par exemple via l’identification de ressources rares et inimitables.
Cependant, les entreprises fonctionnent différemment selon leur taille (Azadegan et al., 2020 ; Zouari et al., 2021) : une TPE et une GE ne possèdent évidemment pas les mêmes ressources, que ce soit en termes de nombre de ressources, de leur spécificité (rareté, inimitabilité, valeur) et de leur orchestration (Sirmon et al., 2011). Les recherches se sont le plus souvent focalisées sur les GE (Makhitha, 2015), alors que le SCM est de plus en plus reconnu comme étant important par les TPE et PME en raison de son impact sur la performance à long terme de l'entreprise (Söderberg et Bengtsson, 2010). Pourtant, les TPE présentent aujourd’hui de nombreuses lacunes en termes de SCM (Makhitha, 2015 ; Thakkar et al., 2008 ; Vaaland et Heide, 2007) notamment parce qu’elles sont davantage réactives que proactives ou alors parce qu’elles sont davantage axées sur une logique à court-terme de gestion indispensable des liquidités. Thakkar et al. (2008) résume leur situation précaire : elles disposent d’un portefeuille restreint de clients, elles gèrent de faibles volumes de marchandises, elles présentent des difficultés à générer des économies d’échelles, leur capacité d’apprentissage est le plus souvent insuffisante, enfin, elles font face à des coûts des capitaux et de transaction élevés. Ainsi, elles disposent de ressources limitées alors que leur vulnérabilité est importante. Le SCM pourrait leur apporter des avantages en ce qui concerne les aspects de coûts, de qualité, de service client, de gestion de l’incertitude et des risques (Arend et Winser, 2005).
Les recherches en SCM sur les TPE sont très rares, notamment parce que certains auteurs considèrent que leur contexte les exclut de fait à des recherches dans ce champ (par exemple Kim et al., 2008 au sujet des pratiques vertes, du partage d’information et de la confiance dans la SC dans un contexte coréen ou Kayser et al, 2014 au sujet des processus de contrôle de la SC). Ainsi, quelques recherches ont montré par exemple que leurs enjeux sont autour de la mise en place d’indicateurs de performance (Knechtges et al., 2000), de la sélection des fournisseurs (Park et Krishnan, 2001) ou encore de la gestion des stocks et de l’acquisition de nouvelles technologies (Quayle, 2003). La question de l’exploitation de ressources rares et inimitables en SCM pour les TPE reste à ce jour jamais abordée par la recherche.
Pourtant, si les ressources des TPE sont limitées (Aldebert et Loufrani-Fedida, 2010 ; Cloutier et al., 2016 ; Moeuf, 2018), il apparaît qu’elles peuvent aussi s’appuyer sur celles de leurs fournisseurs et clients pour créer plus de valeur et des avantages compétitifs (Brau et al., 2007). Ainsi, la création de relations, de partenariats entre les acteurs de la SC prend tout son sens et de ce fait créé une SC performante et compétitive.
Les TPE ne sont donc pas à exclure du champ de recherche en SCM et la question de la mobilisation de ressources liées au SCM pour leur compétitivité est importante à explorer.
Suite à la revue de la littérature autour du SCM, des TPE et de la RBV, une étude qualitative est conduite en mobilisant la méthode des cas (Yin, 2017) pour comprendre en profondeur le comportement des TPE dans leur contexte réel. En cela, l’étude de cas est appropriée pour des questions de recherche qui visent à explorer et mieux comprendre un phénomène contemporain. Pour cette recherche, une étude de cas unique est menée auprès d’une TPE du secteur du vin et spiritueux. Bien qu’une étude de cas unique comporte des limites en termes de généralisation, selon Yin (2017), cette conception est appropriée lorsque le cas est critique ou inhabituel ou commun ou révélateur ou encore longitudinal. Notre étude de cas s’inscrit dans des situations communes en ce que le manque de ressources est commun à de nombreuses TPE. Aussi, il existe de nombreuses TPE, avec un rôle rarement focal, présentant des SCs étendues comptant plusieurs centaines de fournisseurs, ce qui les rendent complexes à gérer aux yeux des collaborateurs. Enfin, la méthode des cas est réputée comme étant une stratégie de recherche pertinente en SCM (Ellram, 1996) notamment pour explorer et comprendre les liens entre différents types d’organisations et la gestion de la SC, ce qui est le cas de cette étude qui se focalise sur les TPE.
Un protocole de cas a été construit en suivant les recommandations de Yin (2017). Le protocole de cas a permis de repréciser le but de l’étude de cas, d’identifier les personnes qu’il fallait interroger, ainsi que le plan d’action de l’étude de cas. Ce plan suivait ces étapes : a) Présentation de l’entreprise ; b) Présentation des différents services stratégiques et opérationnels ; c) Interviewer les personnes de ces services ; d) Recherche de documents sur site pouvant aider à l’étude et au diagnostic, e) Diagnostic de la TPE par rapport à sa SC ; f) Diagnostic sur les ressources manquantes grâce aux entretiens (Etat des lieux des ressources : Rares ? Inimitables ? De valeur ? Substituable ?) ; g) Réflexion des interrogés afin de pallier le manque de ressources ; h) Définition d’axes d’amélioration clair et applicable ; et i) Propositions à la TPE des différents axes d’amélioration.
Plus précisément, pour l’étape des interviews, les questions ont porté sur : l’organisation générale de la TPE, la description de sa SC et de ses enjeux, le recensement des ressources tangibles et intangibles (qu’elles soient relatives au SCM ou non), les manques de ressources, la compétitivité et la différenciation par rapport à la concurrence, la possibilité de développer/acquérir des ressources, les contraintes dans le SCM et les actions prises pour améliorer la compétitivité (notamment en termes de SCM).
Les données collectées ont été analysées (section 3.3) pour permettre de dresser les résultats (section 4) et la discussion (section 5).
Il s’agit d’une des plus anciennes Maisons de négoce en vin bordelaise. Elle est nommée VinoCie pour des raisons de confidentialité. Elle a été fondée au XIXème siècle, a été rachetée par deux dirigeants associés et emploie 10 personnes. Elle dispose de bureaux et d’un entrepôt. 80% de son activité sont destinés à l’export (Asie du Sud-Est, Amérique centrale et du Sud, Afrique, Europe de l’Est) et 20% pour le marché français. VinoCie propose :
· des Grands Crus : vins de renommée produits par des Châteaux qui communiquent eux-mêmes sur leurs vins.
· des « Petits Châteaux » : vins issus de propriétés qui leur ont attribués le nom du Château.
· des vins de marque : ce sont les marques de VinoCie. Pour celles-ci, les fournisseurs de vin peuvent être différents, ce qui n’est pas le cas pour les autres catégories de vins.
Le rôle d’un négociant en vin est notamment de sélectionner des vins et de les revendre à des acheteurs professionnels et parfois particuliers, mais aussi de mettre en bouteilles des vins de producteurs différents. La TPE étudiée référence ainsi des centaines de châteaux, domaines et autres producteurs. L’entrepôt se consacre au stockage, à la préparation, l’habillage de certains vins (comme les marques de VinoCie) et à l’expédition. La SC est large avec environ 800 producteurs de vin, trois prestataires de service, une trentaine de courtiers, cinq importateurs, cinq grossistes et environ 60 distributeurs qui livrent les clients finaux à travers le monde.
Il faut préciser le rôle du courtier : il est un intermédiaire entre VinoCie et les producteurs. Il est presque inévitable s’agissant des Grands Crus, résultat d’une tradition bordelaise : les Châteaux prestigieux souhaitent déléguer leur distribution pour se concentrer sur la production, ils travaillent exclusivement avec des courtiers. S’agissant des « Petits Châteaux », la moitié des achats sont effectués auprès de courtiers, l’autre moitié directement auprès des propriétés. Les autres vins sont achetés directement par VinoCie.
En aval, les clients sont surtout des GE ou des ETI (Entreprises de Taille Intermédiaire). Il peut y avoir un rapport de force entre VinoCie et ces distributeurs, tout comme des difficultés peuvent apparaître lorsque ces clients ne respectent pas les délais de paiement (ce qui est habituel pour les clients à l’export).
Une vision simplifiée de la SC de VinoCie est proposée en Figure 1. Selon la nature des produits, certaines entités ne participent pas systématiquement (prestataires de services et grossistes). La Figure 1 permet d’identifier, en amont de VinoCie, la complexité de la SC composé à la fois d’un très grand nombre d’acteurs mais aussi d’une très grande diversité de ceux-ci. En aval, le nombre d’étapes intermédiaires entre VinoCie et les clients finaux est important, ce qui implique de possibles effets coup de fouet (Paik et Bagchi, 2007).
Un autre exemple de la difficulté à laquelle est confrontée VinoCie réside dans sa position en tenaille entre des acteurs exigeants à la fois en amont et en aval. Face à la concurrence, cette TPE se doit d’être rigoureuse. Les partenaires commerciaux sont intransigeants, beaucoup plus que vis-à-vis d’un acteur majeur. Certains Châteaux demandent aux négociants de vendre leur production dans certains pays plutôt que d’autres et de ne pas vendre sur certains marchés (par exemple, pas dans la grande distribution). Il n’est pas aisé pour une TPE de répondre à ces contraintes. Par ailleurs, les Châteaux demandent tous les ans les statistiques des ventes à tous leurs négociants afin de juger si la distribution leur convient ou non. En fonction de l’appréciation du Château, un négociant peut se retrouver avec plus ou moins de bouteilles allouées.
VinoCie a donc des caractéristiques communes à celles de nombreuses TPE. Le cas peut être considéré comme « commun ». En effet, cette entreprise faisant partie d’une SC étendue présentant plusieurs centaines d’entités, étant une TPE aux ressources limitées et face à des acteurs majeurs, elle est un exemple pour cette étude qui porte sur la compétitivité des TPE grâce à leur SC malgré leurs manques de ressources.
Figure 1 : SC de VinoCie
La collecte des données suit un protocole construit selon Yin (2017). Ici, les données sont collectées grâce à des entretiens semi-directifs. Par ailleurs, l’une des personnes de l’équipe de recherche travaille actuellement dans l’entreprise depuis avril 2018 sur la fonction export. Son rôle a été primordial car facilitateur dans l’identification des personnes à interroger (Ruel et al., 2021). Dans ce contexte, la question des relations entre le membre de notre équipe et les répondants est à prendre en compte : celles-ci pourraient altérer la sincérité des réponses (Habermas, 1984). Néanmoins, la garantie de l’anonymat a permis de garantir des réponses franches (Kaiser, 2009). Certains verbatims illustrent l’authenticité des échanges, certains répondants adoptant un langage familier.
Il est utile de préciser que des informateurs clés ont été interrogés lors d’interviews (Tableau 1) :
Tableau 2 : échantillon
Code |
Personnes interrogées |
Expérience VinoCie |
Durée |
I1 |
Commerciale Afrique - Asie |
2 ans |
46min |
I2 |
Comptable |
8 ans |
64min |
I3 |
Assistante administrative et logistique |
6 ans |
89min |
I4 |
Cheffe d’entrepôt |
8 ans |
51min |
I5 |
Acheteur |
2 ans |
57min |
I6 |
Dirigeant Associé 1 |
11 ans |
54min |
I7 |
Dirigeant Associé 2 |
8 ans |
55min |
Les deux dirigeants de la société ainsi que l’acheteur, mais aussi la comptable qui est une personne clé quand il s’agit d’évoquer les questions de ressources financières de la TPE. En complément, la commerciale pour la zone Afrique-Asie, l’assistante administrative et logistique ainsi que la cheffe d’entrepôts ont été interviewées. Au total, avec 7 interviews et une personne de l’entreprise au sein de notre équipe de recherche, c’est plus des deux tiers des collaborateurs qui ont participé à cette étude et des constats redondants ont été repérés lors des entretiens permettant de conclure quant à la saturation théorique (Thiétart, 2014). Les personnes non interrogées se positionnaient sur des postes commerciaux en doublon des personnes déjà interrogées. Par ailleurs, l’ensemble des éléments collectés, compte tenu des redondances des éléments des entretiens, ont permis d’attester de la saturation.
La transcription des entretiens permet l’analyse. Les transcriptions ont été envoyées à tous les répondants et aucun d’entre eux n’a demandé de rectifications. Le codage a été réalisé manuellement sur Microsoft Excel (Ose, 2016) par un membre de l’équipe et a été vérifié par le second de manière à améliorer sa fiabilité (Mayring, 2004). Le codage est de type multithématiques (Ayache et Dumez, 2011) et est réalisé en deux temps : (1) codage fermé (Tableau 2) sur la base de la structure du protocole de cas et (2) codage ouvert sur la base des données récurrentes repérées et non codées en première phase afin de limiter le risque de circularité (Dumez, 2016). Plus précisément, un autre type de contraintes a été repéré (communication et gestion de l’information), ainsi qu’un code en lien avec le processus achats (Planification) et enfin des données sur des incertitudes liées à des contingences externes sont aussi apparues (par exemple l’impact de la météo sur la qualité des Millésimes).
1 |
Ressources |
Tangibles |
Physiques |
Financières |
|||
Humaines |
|||
Intangibles |
Organisationnelles |
||
Marginales |
|||
2 |
Avantages compétitifs |
||
3 |
Contraintes |
Stockage |
|
Systèmes d'information |
|||
Manutention |
|||
4 |
Compétitivité |
||
5 |
SC réactive vs. Proactive |
||
6 |
Formalisation des processus |
Processus achats |
|
Gestion des stocks |
|||
Organisation générale de l’entreprise |
|||
Gestion des approvisionnements |
|||
7 |
Relations (rapport de force ou de confiance) avec les clients et/ou les fournisseurs de la SC |
Tableau 2 : codage fermé
Les résultats sont réorganisés à partir du codage en se focalisant sur les points les plus saillants et en mobilisant les verbatims les plus significatifs ou illustratifs.
Les différentes ressources liées à la SC identifiées grâce au codage des entretiens sont présentées dans le Tableau 3.
Les interviews mettent en avant la grandeur de l’entrepôt et sa fonctionnalité. Une meilleure organisation et plus d’espace selon la saisonnalité serait toutefois la bienvenue. « l’entrepôt est bien, ou alors pas assez grand parce qu’on rentre pas mal de vins… comme on rentre dans l’été on va avoir beaucoup de commandes, on va préparer les foires au vin, il va falloir beaucoup stocker et là on est même pas en juin qu’on est presque pleins parce qu’on a des références qui partent pas trop, ça commence à être juste. » (I5).
Selon un dirigeant, il y a une logistique particulière pour les Grands Crus. Ils sont achetés environ deux ans à l’avance avec un stockage méticuleux. Ce type de vin est fait pour se conserver de nombreuses années, il doit être stocké dans un lieu sec, à l’abris de la lumière et avec des températures stables d’environ 18°C. Selon la cheffe d’entrepôt il y a des soucis : « Il fait très très chaud [en été], de ce côté-là y’a un gros souci. [...] [les vins] doivent souffrir, l’hiver il fait pas très chaud, l’été il fait hyper chaud [...] » (I4). La solution d’un caveau climatisé a été évoquée mais le projet abandonné à cause de son coût. Selon les répondants, heureusement, à ce jour, aucun cas d’altération dû au mauvais stockage de ces vins Grands Crus n'a été recensé.
Tableau 3 : ressources de VinoCie
Ressources Tangibles |
Physiques |
Capsuleuse, Etiqueteuse, Chariot élévateur, Imprimante à étiquettes, Filmeuse Bureaux et entrepôt |
Selon les entretiens, ce matériel est un avantage car peu de négociants en dispose. Ce système d’étiquetage et de capsulage permet d’acheter des hectolitres de vin en cuve et, ensuite, de réaliser toutes les étapes de production jusqu’à la mise en carton des bouteilles, l’habillage des bouteilles pouvant être personnalisé. Cela permet à VinoCie d’être compétitive et de réduire ses prix de revient. Concernant l’entrepôt, les employés se félicitent de sa très grande surface et de sa proximité avec les bureaux, ce qui n’est pas le cas pour tous les négociants. |
Financières |
Confiance des banques Peu d’endettement (peu de charges financières) |
VinoCie est suivie par les banques bordelaises qui connaissent bien le secteur (I6). C’est nécessaire, selon les répondants, car la TPE fait face à des cycles de trésorerie dus à la saisonnalité, que beaucoup d’argent est immobilisé dans le stock et que nombreux sont les retards de paiement. Les banques aident au financement de la trésorerie lorsque nécessaire, et ce facilement car VinoCie est peu endettée. Les ressources financières sont liées à l’évolution du marché et à la qualité des vins. Si le Millésime n’est pas bon, la rentabilité est quasiment nulle. Le soutien des banques est alors essentiel et certains concurrents n’en jouissent pas. |
|
Humaines |
10 employés polyvalents Dirigeants compétents Sentiment d’appartenance (Sur)-effectifs |
Pour les répondants, la polyvalence est essentielle : tous font des tâches qui n’incombent pas à leur poste. Les dirigeants sont complémentaires : l’un vient d’un Château et connaît toutes les étapes de production, l’autre travaille chez VinoCie depuis 20 ans (avant même de l’avoir rachetée). Les dirigeants ont fait le pari d’embaucher des jeunes pour les former. Ils ont créé un personnel à l’image de VinoCie, lequel ressent un fort sentiment d’appartenance. Il existe un sureffectif du personnel à l’entrepôt du fait de la saisonnalité. Côté commerciaux, les dirigeants estiment qu’il n’y en a « jamais trop » (I6), mais ils regrettent qu’ils ne soient pas tous assez rentables, notamment car ce pari porté sur les jeunes impliquent plusieurs années avec des résultats limités. |
|
Ressources Intangibles |
Organisa-tionnelles |
Flexibilité et réactivité des processus |
Un point fort est la flexibilité, mise en avant lors des entretiens. Très peu de processus sont mis en place, encore moins sont formalisés, et ceux qui le sont sont régulièrement contournés, généralement pour améliorer la réactivité en cas d’urgence. |
Marginales |
Réputation et histoire Marchés de niche Proximité avec les clients |
La ressource qui est considérée comme principale par les répondants et qui est la mieux exploitée est la réputation et l’histoire de VinoCie depuis le XIXème, qui a mis en bouteille des Grands Crus au début du XXème. VinoCie a su se développer sur des marchés de niche moins concurrentiels. Cela développe une proximité et une confiance avec les clients sur ces marchés : elle les aide à vendre le vin en BtoC en leur proposant des outils marketing, des animations… |
Les entretiens soulignent des lacunes en termes de partage d’information au niveau intra organisationnel. Le témoignage le plus significatif est celui de l’assistante (I3) qui gère les stocks et détaille l’impossibilité de les suivre en temps réel : « c’est surtout sur la préparation des commandes, sur la transmission de l’information sur les détails, les particularités, sur des vins qui sont en commande mais dont on attend l’entrée… aussi parce qu’eux ne sont pas forcément au courant lorsqu’on fait un achat, mais quand ils voient apparaître une commande avec des vins qu’ils n’ont pas bon bah… ils m’appellent, ils me posent la question ‘est-ce que ça va rentrer ? Est-ce que tu l’as saisi mais est-ce que c’est pas une erreur ?’ [...] et à l’inverse, moi c’est la même chose, parfois eux sont au courant de certaines choses que moi j’ignore donc du coup je leur demande : ‘est-ce que tu sais s’il y a quelque-chose qui rentre parce que là j’ai pas d’info’». Ce verbatim implique que le partage d’information se fait difficilement car aucun processus n’est mis en place, encore moins de manière formalisée : cela peut entrainer des risques de distorsion de l’information entre deux collaborateurs et donc conduire à des erreurs au niveau de la gestion des flux. Finalement, tous se félicitent de travailler dans une TPE et de pouvoir surmonter ces difficultés grâce à des discussions informelles entre collègues. En effet, il n’existe aucune pratique de capitalisation sur les situations rencontrées.
VinoCie utilise un progiciel spécialisé pour les Châteaux, domaines et négoces. Selon l’assistante, l’acheteur et la comptable (les trois personnes y ayant accès) il est assez performant pour l’activité. Cependant, apparaît un premier point d’alerte sur la formation. En effet, la personne qui utilise le plus le progiciel, l’assistante, n’y a pas été formée : « on l’utilise jamais à 100% parce que t’es jamais formé non plus… moi, j’ai été formée par celle que j’ai remplacée [...] d’autres collègues qui s’en servaient m’ont donnée leur formation à eux [...] je suis pas vraiment formée par quelqu’un qui est venu du logiciel [...]. J’ai appris le basique par des gens qui travaillaient déjà avec et après je me suis fait ma propre formation quoi, en fouillant » (I3). Autre point d’alerte : l’inaccessibilité du progiciel à l’ensemble des employés. La comptable (I2) le justifie au sujet des commerciaux : « les commerciaux ils ne peuvent pas avoir en temps réel nos stocks de ça, nos allocations de ci, non ça c’est pas possible. […] ça sert à rien de faire une usine à gaz comme une multinationale pour une structure comme la nôtre où il suffit de passer un petit coup de fil ». L’avis des commerciaux diffère : « ça serait intéressant d’avoir accès aux prix d’achats, aux prix de revient, pour avoir une vision des stocks quand on veut faire des offres » (I1). Néanmoins, ce même prix de revient s’avère être calculé de manière très imprécise en particulier sur les Grands Crus, avec une formule fixe appliquée année après année, quelques soient les Châteaux. L’intérêt réel de cette information est à nuancer. Une ouverture plus large du système d’information fait face à de nombreuses réticences des utilisateurs actuels : « on a une organisation de petite structure, si tout le monde commence à toucher le logiciel ça peut vite devenir le [bazar] » (I3). En effet, certains employés craignent qu’une ouverture plus large du système d’information amène des utilisateurs à changer de manière erronée des données sans se rendre compte de l’impact d’une telle erreur sur les activités des autres collaborateurs. D’autres espèreraient tirer les avantages attendus d’une ouverture plus large des accès : un fonctionnement qui soit moins en silo et une visibilité accrue.
Côté système d’information pour la gestion de l’entrepôt, le progiciel actuel ne permet pas de suivre l’activité selon les répondants. Ainsi, un suivi manuel de l’information vient pallier : « j’ai vu des entrepôts où [...] tout est informatisé, pour les inventaires y’a qu’à scanner les palettes et on sait exactement ce qu’il y a dedans. [...] nous, tout ça on le fait manuellement […] et après informatiquement on va rentrer le vin, ça fait quand même pas mal d’étapes et de perte de temps » (I5). Au-delà du temps perdu, ce suivi manuel implique une duplication de certaines données issues du SI, et donc, cette double saisie peut amener des erreurs et limiter la fiabilité des données. Malheureusement, les résultats indiquent que ce risque n’est pas perçu par les personnes interrogées.
Selon les entretiens, VinoCie a pour particularité d’avoir une forte part de manutention : c’est dû au fait qu’elle ait ses propres marques et qu’elle achète des gros lots en tiré bouché (bouteilles vierges qui ne sont pas habillées). L’acheteur (I5) explique : « vu qu’il y a beaucoup d’export, selon où ça part, y’a des contre étiquettes spéciales [...]. » Les entretiens montrent que la principale contrainte de la manutention réside dans le fait que les ouvriers d’entrepôt ne peuvent pas habiller tous les vins à l’avance, ils doivent attendre la commande pour les habiller, et ce, pour des expéditions dans des délais très courts. La cheffe d’entrepôt critique : « nous à la chaîne c’est là où on perd le plus de temps, quand t’as que des petites quantités de [problèmes] quoi. Faut aller chercher les vins, mettre les étiquettes et tout ça. » (I4).
Les données montrent qu’il n’y a pas de planification des achats. L’acheteur et les dirigeants expliquent qu’ils regardent les historiques et qu’ils les pondèrent selon le Millésime. « Y’a pas de procédure particulière, simplement les stocks c’est une chose que l’on regarde régulièrement […] C’est sûr que si on a une rupture de blanc au 1er janvier en Bouchard on va pas être pressés de faire une mise […] par contre si on voit qu’on a un stock de rosé qui diminue sensiblement à l’approche du mois de mai ou juin, là on sait qu’on peut forcer quoi. Ça dépend, c’est pas cartésien, ça dépend de la météo, de la période, de plein de choses. » (I6). La place à l’expérience est primordiale dans la gestion des achats selon les répondants.
VinoCie vend trois types de produits, cela entraine trois types d’achats (Le Tableau 4 résume les données collectées). Les politiques et processus d’achats ne sont pas formalisés selon les entretiens.
Tableau 4 : gestion des achats selon les vins
Type de vin |
Gestion des achats |
Grands Crus |
Achats historiques, bien établis et passant par des courtiers. Ces achats ne sont pas gérés par l’acheteur mais par les commerciaux, en accord avec les dirigeants, en lien avec les courtiers. Les commerciaux confirment les achats aux courtiers au printemps selon les ventes mais aussi en fonction de leur acceptation/refus des prix imposés (et non négociables) par les Châteaux. Les courtiers indiquent les allocations données par les Châteaux aux négociants. La relation entre les acteurs est transactionnelle. |
Petits Châteaux |
Achats auprès d’une cinquantaine de Petits Châteaux. Les achats sont gérés par l’acheteur ou par des courtiers. La gamme peut évoluer selon les besoins et demandes récurrentes des clients. Sur ces vins, l’objectif est de travailler en fonction des besoins des clients sondés par les commerciaux. La relation entre les acteurs peut être transactionnelle ou collaborative. |
Les marques de VinoCie |
L’acheteur réalise des achats de « vracs » : gros lots de vins. Ils sont mis en bouteille par un sous-traitant : dans ce cas, les bouteilles ne sont pas habillées. VinoCie peut alors apposer tout type d’étiquettes. Cela permet de réduire le prix de revient et de personnaliser les étiquettes. Selon un dirigeant, un des avantages est de pouvoir fixer le prix de revente sans subir les obligations de prix des propriétés. La politique d’achats sur les marques est d’acheter des gros lots à prix compétitifs et, avec ces lots, pouvoir étiqueter les vins sous plusieurs étiquettes pour élargir la gamme. La qualité est aussi de mise pour ne pas dégrader les images des marques. Le processus d’achats pour ces vins fonctionne par campagne juste après les vendanges : VinoCie cherche à acheter le dernier Millésime. Ainsi, en début de campagne, dans une dynamique collaborative, l’acheteur contacte ses anciens fournisseurs pour leur racheter un gros lot de vin du nouveau Millésime. A défaut, l’acheteur va chercher des nouveaux lots de vins à acheter auprès de nouveaux fournisseurs, et ce dans une dynamique transactionnelle. |
Selon la comptable, le stock coûte « très cher » (I2) (bien qu’elle ne calcule sa valeur exacte qu’une fois par an, lors de l’inventaire) mais elle précise que ceci est habituel et applicable à tout négociant, surtout lorsque ceux-ci se trouvent dans l’obligation de stocker des Grands Crus. Le niveau de stock sur les Petits Châteaux et les marques est considéré comme raisonnable par les répondants (l’équivalent d’un dixième du chiffre d’affaires annuel) car la rotation est assez rapide du fait d’un alignement entre l’offre et la demande et du réapprovisionnement au fil de l’année en vin. Selon les entretiens, l’objectif est de limiter les niveaux de stock sur ces vins bien qu’aucun indicateur de taux de couverture des stocks ne soit calculé. Par contre, sur les Grands Crus, il y a en permanence l’équivalent d’un tiers du chiffre d’affaires annuel qui est stocké. Cela s’explique par l’acquisition une fois par an seulement d’un grand volume. Les stocks sont l’image d’une stratégie de réapprovisionnement décidée une fois par an par les deux dirigeants avec l’acheteur, comme le montrent les entretiens. Cette stratégie n’est pas formalisée sur papier, ni communiquée formellement aux autres employés de la TPE.
La personne qui s’occupe de la gestion des approvisionnements est l’assistante. Elle s’est octroyée la mission de réduction des délais, sans formalisation quelconque : « c’est un truc que j’ai aussi mis en place moi, pour aussi réduire ces délais quoi, j’ai pris cette fonction d’approvisionnement toute seule, je me suis dit si je faisais les choses comme ça, moi ça me prend deux secondes et puis je le fais quasiment de façon automatique » (I3). S’agissant du processus de gestion des stocks et des approvisionnements, là aussi le manque de formalisation se ressent. Tous précisent qu’aucune règle n’existe en termes de stock minimum ou de sécurité. La question des ruptures se pose. Il s’avère qu’elles sont rares et parfois même voulues en fonction de la période de l’année ou du Millésime. Un dirigeant l’explique : « On va pas refaire une mise sur le Millésime 2017 alors que dans un mois on sort le 2018. Tant pis, on préfère tomber en rupture pendant un mois mais pas se trainer du 2017 pendant six mois derrière parce qu’on est obligés de faire une grosse mise qu’on vendra pas, on préfère être en rupture et avoir le nouveau Millésime. » (I6). Une des grandes ressources de VinoCie concerne la réactivité de ses fournisseurs car, comme l’explique un dirigeant (I7), ils peuvent réaliser parfois des achats et des mises en urgence lorsqu’ils sont en « quasi » rupture de stock. Les entretiens montrent que les fournisseurs, heureux découler des stocks de vin, se prêtent aisément au jeu de l’urgence, facilité par la proximité géographique, même si les relations entre eux et VinoCie ne sont pas toujours de nature collaborative mais transactionnelle.
Tous mettent en avant la réactivité de VinoCie. La commerciale Afrique et Asie (I1) indique : « on est très réactifs. Ça pour le coup on peut pas leur enlever, ils sont très réactifs : un conteneur ils peuvent le faire en une semaine ». La cheffe d’entrepôt va plus loin sur cet exemple : « il nous est arrivé de faire un conteneur en un jour et demi, de préparer un conteneur » (I4), mais à la question « êtes-vous réactif ? » elle répond : « Oui, oui je pense. Un peu trop » (I4). Selon les entretiens, cette réactivité et flexibilité passe par :
· les compétences et connaissances des collaborateurs tant en œnologie que sur le fonctionnement de la SC spécifique de l’entreprises et de ses diverses entités,
· les capacités de l’équipe à l’entrepôt (associées à la polyvalence des employés de bureaux qui viennent aider),
· la capacité de l’acheteur à identifier des vins de substitution lors d’une rupture,
· les bonnes relations avec les fournisseurs qui sont eux-mêmes réactifs et situés à proximité géographique,
· l’utilisation des courtiers pour identifier de nouvelles références,
· le changement rapide de série au niveau de la production (habillage des bouteilles),
· la confiance des clients : en cas de rupture, le commercial va proposer au client un vin de substitution en stock. Grâce à la confiance, les refus sont rares. Cette confiance repose sur la capacité de réseautage sur la place bordelaise des commerciaux et des dirigeants de VinoCie, qui multiplient les rencontrent informelles avec certains clients.
Concernant la proactivité, il apparaît dans les entretiens qu’elle n’est pas souhaitée pour cette TPE qui cherche à faire de bonnes affaires et à saisir les occasions venues de l’amont (mise à disposition de lots) comme de l’aval (opérations commerciales). Pire, la proactivité est perçue comme un frein : « on peut pas se permettre de trop anticiper et de bloquer notre trésorerie et de bloquer nos stocks pour être après amenés à refuser des lots alors qu’on aurait pu tout déchirer avec ! C’est aussi pour ça que c’est difficile d’anticiper […] parce qu’au final, comme on est une petite structure, on peut pas se permettre de réserver une partie d’achats hyper importante parce qu’après on a plus de liberté ! » (I3). En effet, la gestion de la demande est un exercice presque impossible dans ce contexte fait d’opportunités et de qualité des Millésimes et dans lequel aucun système d’information ne permet une fine élaboration de prévisions. Un dirigeant explique « On regarde les historiques de vente des années précédentes, on est obligé de pondérer en fonction de la notoriété du millésime, c’est pas parce qu’on a vendu 40 000 bouteilles d’un vin en 2016 qu’on va en revendre 40 000 en 2017, en 2017 on sait que le Millésime est pas bon donc on fait des estimations. » (I6). L’assistante résume : « Donc prévoir un an ou six mois à l’avance ça reste toujours un peu compliqué » (I3). Ainsi, la demande n’est pas connue à l’avance et la TPE travaille en réaction face aux commandes reçues : « Côté planification… on a plein de commandes et ce sont celles qui partent le plus tôt qui sont à préparer le plus vite ! » (I5). Lorsqu’un vin s’approche de la rupture de stock, soit il est décidé de ne plus en approvisionner et de proposer un vin de substitution, soit l’acheteur tente d’en réapprovisionner : « là je sais que quand on va arriver vers 1 000 bouteilles, je vais prévoir la prochaine mise. Après je suis pas à l’abris qu’une commande de 5 000 tombe et que je sois en rupture, ça serait le [bazar] dans la logistique, sur la préparation du conteneur et tout… » (I5).
Selon les répondants, les avantages compétitifs de VinoCie sont l’accès et la présence historique sur des marchés de niche à l’international, la capacité à expédier rapidement et la capacité à personnaliser des étiquettes à la demande des clients. Ces avantages compétitifs passent par ses ressources. Les ressources qui prévalent sont principalement intangibles et pas toutes liées au SCM (Tableau 5, basé sur les données collectées).
Un dirigeant (I7) explique que la compétitivité de la TPE ne passe pas que par ses ressources, mais par sa stratégie de diversification, et ce, dans une approche structuraliste, portérienne. En effet, pour lui la diversification de produits (très large gamme de produits et de prix) est un atout. Il estime que beaucoup de concurrents n’ont pas la capacité de proposer une gamme si diverse, par exemple de nombreux négociants ne proposent pas de Petits Châteaux. Aussi, très peu de clients ont la capacité d’exporter un conteneur de 15000 bouteilles de Grands Crus. VinoCie leur propose alors une alternative en complétant le conteneur avec des Petits Châteaux ou des marques aux prix plus accessibles et qui permettent de remporter des contrats avec ces clients exportateurs.
Tableau 5 : ressources principales pour la construction des avantages compétitifs
Ressources principales |
Explication |
Marchés |
Positionnement sur des marchés atypiques, niches, qui n’attirent presque aucun autre négociant. |
Personnalisation |
La personnalisation des étiquettes est une force, peu d’autres négociants ont cette ressource. Ces étiquettes permettent aux clients de se différencier, cette proposition est très appréciée. |
Réputation et histoire |
La création de la TPE au XIXème et la mise en bouteille de Grands Crus classés au début du XXème a forgé la réputation de VinoCie. Un dirigeant estime que la TPE bénéficie d’une « image de renom » (I6). |
Taille |
La taille de l’entreprise est autant perçue comme un frein que comme une ressource précieuse. Un frein car les affaires s’effectuent de plus en plus entre des gros clients et des gros négociants, ou entre des Châteaux et un nombre restreint de négociants de plus grande taille. Une ressource précieuse car chacun considère que c’est cette taille qui permet la réactivité. Or, rares sont les négociants à être capables de « préparer une commande de 12.000 bouteilles et l’expédier en trois jours » (I6). |
Relations avec les entités de la SC |
Les bonnes relations entretenues avec les entités de la SC permettent à VinoCie de mobiliser la réactivité de ses partenaires pour répondre à des demandes urgentes. |
Pour finir, les résultats de l’étude de cas peuvent être résumés selon la Figure 2, en lien avec les codes de premier ordre présentés dans le Tableau 2.
Figure 2 : Synthèse des résultats
La discussion identifie les points saillants à retenir dans une dynamique de comparaison entre la littérature et les résultats empiriques.
La littérature souligne que le portefeuille de ressources d’une entreprise peut lui permettre d’acquérir des avantages compétitifs (Barney, 1991). Dans le cas de VinoCie, des ressources tangibles comme intangibles ont été identifiées.
D’abord, il y a des ressources matérielles comme le matériel d’entrepôt qui lui procure, selon les interviewés, un avantage compétitif. Cependant, les entretiens révèlent aussi un désaccord profond entre direction et personnel, lequel porte sur l’efficacité de la machine servant à l’habillage des vins. Les interviewés regrettent son obsolescence et ses pannes, regrets balayés par la direction. Cela illustre le manque de ressources des TPE (Aldebert et Loufrani-Fedida, 2010 ; Cloutier et al., 2016). En effet, elles sont souvent réticentes à renouveler leurs immobilisations : elles perçoivent dans l’investissement une dimension sacrificielle des ressources financières (Moeuf, 2018). La direction justifie aussi le non-remplacement de la machine par le sureffectif à l’entrepôt. Ce sureffectif est structurel, lié à une décision d’embauche mal justifiée : les besoins lissés sur l’année ne nécessitaient pas une telle embauche, la suractivité n’étant que saisonnière. Une solution évidente serait la réduction de la masse salariale, mais celle-ci n’est pas envisagée dans cette TPE à l’ambiance presque familiale.
Ensuite, la proximité entre les bureaux, l’entrepôt et les Châteaux constitue une ressource rare et inimitable. Cette proximité est d’autant plus rare que des concurrents décident d’éloigner leurs zones de stockage de Bordeaux à cause des coûts du foncier. La proximité est un réel avantage car elle permet d’avoir une meilleure communication, des relations plus partenariales ainsi qu’une bonne réactivité au sein de la SC (Brau et al., 2007).
Au sujet des ressources financières, la littérature académique est explicite sur le fait que ce sont celles qui manquent le plus aux TPE (Ali et al., 2018), les rapports professionnels récents allant dans le même sens[4]. Cet aspect est mis en avant dans l’étude de cas puisque le soutien nécessaire des banques pour faire face aux cycles de trésorerie est souligné.
Les ressources humaines sont souvent un avantage pour les TPE : le personnel est flexible, la prise de décision rapide et les employés coopèrent (Thakkar et al., 2008). Dans notre étude, la polyvalence des employés est de mise. Cependant, le cas montre une situation non envisagée dans la littérature : celle des sureffectifs. Cela traduit une mauvaise exploitation de cette ressource et vient alors amoindrir la création d’avantages compétitifs.
Au sujet des ressources intangibles, les ressources organisationnelles sont clés. Pour Brau et al. (2007) la concurrence oblige les entreprises à restructurer leurs opérations afin d'accroître l'efficacité organisationnelle et de satisfaire les clients. Dans cette optique, les dirigeants réalisent que leurs entreprises manquent souvent des ressources et des compétences nécessaires. Le cas montre que la TPE se repose considérablement sur la réactivité de ses fournisseurs (ce qui constitué une ressource liée au SCM). A titre d’exemple, lors d’un cas de rupture de stock à l’entrepôt, si un fournisseur n’est pas en mesure de livrer rapidement la marchandise manquante, un retard dans la préparation commande du client est inévitable. Dès lors, les ressources organisationnelles de VinoCie apparaissent comme limitées. Cela illustre la tendance des TPE à la réactivité plutôt qu’à la proactivité (Makhitha, 2015).
La littérature pointe que les ressources habituelles des TPE sont la différentiation, l’innovation et la qualité de leur service client (Thakkar et al., 2008). La différentiation d’une entreprise passe aussi par son image de marque, sa réputation et son histoire, ressource que VinoCie met à profit, elle est rare et totalement inimitable.
Une des difficultés les plus fréquentes des TPE est l’inefficacité de leur SC (Thakkar et al., 2008). Pour y pallier, il est suggéré que les TPE ayant une grande diversification de produits devraient réduire leur offre pour être plus compétitives les produits restants. VinoCie propose une large gamme, ce qui participe à sa diversification et sa différenciation, le tout dans une approche portérienne. Ceci augmente, de fait, l’envergure de sa SC.
La théorie de la Chaine de Valeur de Porter suggère aux entreprises de se focaliser sur leurs activités primaires et de sous-traiter les autres activités. Cette tendance s’observe chez plusieurs concurrents de VinoCie. Certains ne stockent pas leurs marchandises mais sous-traitent cette activité, d’autres ne réalisent pas la production ni l’habillage. Selon l’analyse, VinoCie ne se focalise pas sur son cœur de métier : la vente. Alors, s’agissant d’une TPE, la décision d’éloigner ses activités annexes (qui lui permettent de se distinguer par une offre de service client personnalisé – Benhamou et al., 2021) est-elle vraiment opportune ? La satisfaction des clients est pourtant indispensable pour une TPE (Sánchez-Gordón et al., 2016).
La littérature souligne un rapport de force entre les TPE et d’autres entités de la SC : les plus petites se voient souvent imposer la manière de gérer leur SC par leurs clients (Arend et Wisner, 2005 ; Thakkar et al., 2008 ; Makhita, 2015). Le cas illustre l’existence des rapports de force en aval : les clients, en plus de négocier les prix et les délais de paiement, ne respectent souvent pas ces derniers. Le cas illustre aussi des rapports de force en amont avec les Châteaux et les courtiers (allocations, canaux de distribution, prix imposés). Ces rapports sont moins décrits dans la littérature. Ainsi, nous mettons en lumière cette situation en tenaille qui ne permet pas aux TPE de gérer efficacement leur SC en raison des multiples contraintes imposées par leurs clients, certes, mais aussi et surtout par leurs fournisseurs.
Pour Barney (2012), la RBV est pertinente pour la gestion des achats et le SCM : la gestion des ressources rend possible, pour ces fonctions, la constitution d’avantages compétitifs. Cependant, les difficultés rencontrées par VinoCie portent surtout sur l’aspect organisationnel, les achats et la gestion de stocks. Côté achats, la TPE achète trois catégories de produits pour des centaines de références et de fournisseurs auxquels s’ajoutent des courtiers. La SC est profonde, faite de multiples entités aux rôles différents, et face à cela les moyens sont rudimentaires : un système d’information aux capacités limitées, des échanges d’informations sur papier libre ou par téléphone… Il n’y a aucune automatisation des systèmes et pourtant le fonctionnement est suffisant pour ne pas occasionner de disruption majeure de la SC. Nous déduisons qu’en possédant un système d’information plus performant, VinoCie gagnerait en efficacité dans sa gestion de stock et sa coordination des flux.
Un questionnement courant dans la littérature porte sur la sélection des fournisseurs par les TPE (Park et Krishnan, 2001). Cette sélection est critique pour les TPE car ce sont elles qui ont le plus besoin de gagner en avantage compétitif en contrôlant les coûts unitaires. Néanmoins, cette focalisation sur la sélection des fournisseurs obstrue la question de la gestion des achats dans les TPE (Quayle, 2003). Le cas confirme cet engouement pour la création de partenariats avec les fournisseurs en dépit d’une construction d’une politique d’achats et de gestion des stocks. En effet, les commandes sont effectuées sans planification ni digitalisation (Chehbi Gamoura, 2021), au fil de l’eau, lorsque des « quasi » ruptures sont observées. Cela se fait en dépit de la constitution d’un stock de sécurité, pratique pourtant courante chez les TPE (Makhitha, 2015).
Pour Brau et al. (2007), une prise de conscience générale des dirigeants les amène à regarder au-delà des frontières organisationnelles de leur TPE pour évaluer de quelle manière les ressources des fournisseurs et des clients peuvent être utilisées pour créer plus de valeur. Alors, les petites entreprises ont un intérêt grandissant envers le SCM puisqu’identifié comme levier de compétitivité (Park et Krishnan, 2001). Le cas ne permet pas d’observer un tel intérêt pour le SCM de la part des dirigeants. Par exemple, I6 estime que « la planification des appros, c’est de l’inertie […] on ne cherche pas à optimiser nos processus. Du coup, on est très très réactifs et les clients sont de plus en plus à commander à nous quand ils sont dans l’urgence parce qu’ils savent qu’on réagira rapidement ». De son côté, I7 met en avant la largeur de leur offre de vins pour les clients et la qualité des produits. Ce manque d’intérêt pour le SCM peut s’expliquer par le fait que VinoCie dégage suffisamment de marge (entre 25 et 30% lors des bons Millésimes qui génèrent particulièrement plus de profit grâce aux prix de vente à la hausse) pour ne pas avoir à se soucier d’une quelconque optimisation de sa SC dans une simple optique de maîtrise des coûts. Ces chiffres sont indiqués par un dirigeant : « Aujourd’hui la marge moyenne du négoce va être de l’ordre de 20 à 25%, nous elle est plutôt de 25% à 30%. […] nous on est sur des marchés de niche et c’est comme ça qu’on arrive à augmenter notre marge » (I6). En effet, il apparait que les entreprises ayant des marges faibles ont plus tendance à questionner leurs pratiques en SCM que les autres (Ruel, 2019). Cependant, ce point de vue est critiquable puisqu’il est réducteur d’envisager le SCM uniquement dans sa dimension coûts : la performance passe aussi par l’efficacité, vecteur de satisfaction clients et de sa fidélisation (Wallenburg, 2009).
Finalement, les ressources identifiées dans le cas comme permettant de bâtir des avantages compétitifs sont : (1) la flexibilité organisationnelle, (2) le positionnement sur les marchés de niche ainsi que la diversification de produits, (3) la notoriété, l’image et l’histoire et (4) la réactivité des partenaires de la SC, qui est une ressource liée au SCM.
Les autres ressources de la TPE, notamment celles en lien avec le SCM, ne sont pas utilisées de manière efficiente et ne constituent pas d’avantages compétitifs. Par ailleurs, le positionnement sur les marchés ainsi que la diversification de la gamme rejoint les logiques portériennes de marketing stratégique, bien loin de la RBV.
Au final, à la question « Quel est le rôle des ressources en lien avec le Management de la Supply Chain dans la recherche de compétitivité d’une TPE ? », cette étude de cas montre que ce rôle de ces ressources est secondaire dans la recherche de compétitivité et que ce sont principalement les ressources des partenaires de la SC, souvent de plus grande taille, qui sont mobilisées grâce à d’excellents relations. A la seconde question « Manquant de ressources et ayant une position désavantagée dans la Supply Chain, comment font les TPEs pour surmonter ces obstacles ? », les résultats montrent une focalisation majeure sur des concepts de marketing stratégique (positionnement marché, différentiation produits).
La RBV et le SCM sont des sujets de recherche désormais habituels. L’intérêt de notre sujet repose sur la mobilisation du prisme de la TPE. Cette recherche contribue à la théorie de plusieurs manières.
Tout d’abord, la RBV avec la classification des ressources tangibles et intangibles (Grant, 1991 ; Métais, 2004) est ici confirmée comme étant un cadre d’analyse des données empiriques efficace pour identifier les ressources pouvant être porteuses d’avantages compétitifs pour les TPE.
Ensuite, si la littérature met quelque peu en lumière l’intérêt de la RBV et du SCM pour la création d’avantages compétitifs pour les TPE, l’étude de cas nuance ces allégations. En effet, il apparaît que la complexification de la SC des TPE n’est pas uniquement due au nombre d’entités de la SC mais aussi à la largeur de la gamme de produits proposée : elles recherchent diversification et différentiation, dans une approche somme toute très portérienne.
Troisièmement, si la littérature laisse envisager que les TPE peuvent s’appuyer sur les ressources des autres entités de la SC pour créer des avantages compétitifs, en réalité les TPE font souvent face à des acteurs beaucoup plus importants qu’elles dans leur SC, alors apparaissent divers rapports de force (Arend et Wisner, 2005). Si les rapports de force en aval sont soulignés dans la littérature, le cas permet d’identifier l’importance des rapports de force avec les partenaires amont.
Ainsi, cet article est l’un des premiers à s’intéresser à la notion d’ « avantage compétitif » pour les TPE dans le cadre du management de la SC, une contribution nécessaire au regard du tissue économique mondial et à la prégnance des TPE dans les SC globalisées.
Au global, si théoriquement le SCM est de tout intérêt pour la compétitivité des TPE, empiriquement nous distinguons un manque d’intérêt et de connaissance en la matière. C’est peut-être la raison pour laquelle la TPE étudiée ne s’appuie pas fortement sur ses ressources en lien avec le SCM pour creuser son sillon et créer des avantages compétitifs, elle fait face à son manque de ressources en SCM et à sa position désavantagée dans la SC en mobilisant principalement d’autres types ressources : flexibilité organisationnelle, positionnement de niche et notoriété. Néanmoins, la réactivité dont fait preuve la TPE se base également sur la qualité de ses relations avec d’autres entités de sa SC. Ainsi, sans que cela soit exprimé de manière explicite dans les entretiens (preuve d’un manque de prise de conscience), la TPE mobilise la qualité de ses relations avec les entités de la SC mais aussi les ressources organisationnelles de ses partenaires (notamment la réactivité de certains partenaires en amont), ce qui constitue en soit la mobilisation de ressources liés au SCM pour la compétitivité de la TPE.
Ces conclusions amènent des implications managériales :
· elles informent les TPE de l’importance des ressources et du SCM. Elles prennent ainsi conscience de l’importance de leur position dans la SC mais aussi des différents impacts de leur SCM : le SCM est à la fois un levier de réduction des coûts mais aussi de satisfaction clients, au final un levier de compétitivité ;
· elles visent à prévenir les PME et GE de la situation des TPE en termes de SCM, afin de mettre en place des partenariats plus efficaces, efficients et plus équitables.
A ce titre, il est recommandé aux TPE de prêter une attention particulière à leurs ressources : elles doivent être identifiées, leurs caractères rares et inimitables doivent être reconnus, afin d’être ensuite développées. Pour cela, un audit pour être mené afin d’identifier les ressources en logistique et SCM qui pourraient être mieux mobilisées afin de soutenir la stratégie. De plus, des ressources et compétences en SCM devraient être acquises afin de diminuer les risques liés à la SC auxquels les TPE s’exposent.
Par ailleurs, compte tenu de l’importance des compétences en tant que ressources intangibles dans cette étude de cas, il serait intéressant d’examiner plus précisément les problématiques des TPE en termes de SCM sous l’angle de l’approche basée sur les compétences (ou Competency Based View – CBV), qui est une ramification théorique de la RBV. En effet, les auteurs de la CBV, Prahalad et Hamel (1994) voient les « core competencies » comme la base de (i) l’apprentissage collectif dans une organisation et (ii) de la coordination des diverses activités, notamment celles nécessitant l’intégration de divers flux d’information et de systèmes d’information. Ces « core competencies » sont une combinaison de ressources et de compétences qui distingue une entreprise sur le marché. Enfin, ils indiquent que le rôle phare du dirigeant est d’identifier, cultiver et exploiter les « core competencies » qui rendent la compétitivité et la croissance possibles.
Dans cette lignée, examiner les problématiques de SCM pour les TPE au regard de l’influence du dirigeant semble aussi une piste à suivre. Dans cette étude de cas, si les dirigeants connaissent bien leur secteur d’activité et ont une grande connaissance du vin, leurs compétences en termes de SCM sont limitées. Or, selon la théorie des échelons supérieurs (ou Upper Echelons Theory de Hambrick, et Mason, 1984) les résultats organisationnels sont partiellement prédits par les caractéristiques des antécédents managériaux des dirigeants. Par ailleurs, des travaux en SCM ont montré l’influence de la formation initiale ou continue des dirigeants dans la mise à jour des connaissances en SCM de leurs équipes (Ruel, 2019).
En tant que perspective de recherche majeure, il conviendrait d’élargir les approches théoriques des études en SCM portant sur les TPE.
Enfin, il s’agit de préciser qu’une étude de cas unique présente toujours des limites. Nous avons choisi de collecter des données auprès d’une TPE dont les caractéristiques correspondaient à la problématique et étaient communes à d’autres TPE. L’objet d’une étude de cas n’est jamais une généralisation des résultats (Yin, 2017). Néanmoins, ce cas permet de dégager des axes de recherches futures. Il serait intéressant d’approfondir les recherches au sujet des insuffisances de gestion de la SC des TPE en interrogeant des TPE différentes dans des secteurs d’activité variés. Formaliser les barrières au développement du SCM dans les TPE serait une première étape pour ensuite proposer les manières de les surmonter. Ceci est possible en utilisant une méthode de classification multicritères de type AHP (Analytical Hierarchy Process de Saaty, 1977) qui permettrait à la fois d’identifier l’importance relative des barrières et la manière dont elles s’imbriquent.
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Salomée Ruel est directrice du département MOSI (Management des Opération et des Systèmes d’Information) chez KEDGE BUSINESS SCHOOL et rattachée au Sustainability Excellence Center. Elle est la trésorière de l’association scientifique AIRL-SCM et est membre du laboratoire de recherche CERAG.
Marie Grezolle est diplômée du Programme Grande Ecole de EXCELIA BUSINESS SCHOOL et travaille depuis plusieurs années dans le secteur des vins et spiritueux chez KEDGE
Salomée Ruel, KEDGE Business School, MOSI-Sustainability Excellence Center, salomee.ruel@gmail.com,
https://orcid.org/0000-0002-1688-7422
Marie Grezolle, Diplômée EXCELIA grezollemarie@gmail.com
[1]https://www.insee.fr/fr/statistiques/4255717?sommaire=4256020, dernière consultation le 2 juillet 2021
[2] Voir par exemple « Enquête relative aux besoins en compétences et en recrutement des TPE-PME » de Amnyos Groupe publiée en 2020 https://systematic-paris-region.org/wp-content/uploads/2020/03/Rapport-final_Enquête-RH-Systematic_Février-2020.pdf, dernière consultation le 2 juillet 2021.
[3] Pour plus d’informations sur le modèle SCOR : https://scor.ascm.org/processes/introduction
[4] Voir par exemple le rapport de 2017 du Conseil Economique Social et Environnemental sur le financement des TPE : https://www.lecese.fr/sites/default/files/pdf/Avis/2017/2017_07_PME_TPE.pdf, dernière consultation le 2 juillet 2021.