Revue Française de Gestion Industrielle
Vol. 34, N°4
© Revue Française de Gestion Industrielle Vol 34, N° 4
STRATEGIE DES PSL ET TRANSFORMATION DE
LA VALEUR AJOUTEE CLIENT : UNE ANALYSE
PAR LE TRIANGLE STRATEGIQUE DES SERVICES
Olivier MEVEL
1
, Thierry MORVAN
2
& Nélida MORVAN
3
Résumé - Les PSL sont devenus des acteurs incontournables de la chaine
logistique des industries agroalimentaires par leur capacité à proposer une
formule de service répondant aux préoccupations logistiques des industriels
(coûts de transport, traçabilité, performances de la supply chain). Aussi, l’article
aborde la question du positionnement du PSL au sein du triangle stratégique
des services pour déterminer les stratégies mises en œuvre (coûts
personnalisation variété). Notre analyse s’appuie sur une étude empirique
réalisée au niveau d’un territoire : la Bretagne. Nous avons souhaité comparer
les résultats obtenus avec les régions limitrophes de la Bretagne : La Loire
Atlantique et la Basse Normandie, afin de faire émerger éventuellement des
spécificités régionales au regard des formules de services construites par les
PSL.
Mots clés : Valeur Ajoutée Client ; Triangle stratégique des services ; Prestataire de Services
Logistiques ; Relation Industrie/Commerce.
1. Introduction
A partir des années 1990, dans les filières alimentaires, l’intérêt marqué des distributeurs
pour la logistique a fait profondément évoluer les chaines logistiques multi-acteurs (Paché,
2007) déstabilisées par une remise en cause des schémas traditionnels de distribution
auparavant maitrisés par les seuls industriels (Dornier et Fender, 2007). Ainsi, la grande
distribution a su développer, depuis son sourcing d’approvisionnement jusqu’à ses différents
formats de magasins, des chemins logistiques fiables qui s’appuient sur des plateformes
d’éclatement et de préparation de commandes (Mével et Morvan, 2014).
1
Maître de Conférences, Université de Brest/ICI, Université Européenne de Bretagne, IUT de Brest, olivier.mevel@univ-brest.fr
2
Maître de Conférences, Université de Rennes 1/ICI, Université Européenne de Bretagne, IUT de Saint Malo,
thierry.morvan@univ-rennes1.fr
3
Maître de Conférences, Université de Rennes 1, Université Européenne de Bretagne, IUT de Saint Malo, nelida.morvan@univ-
rennes1.fr
40 O. MEVEL, T .MORVAN N .MORVAN
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Par ailleurs, en se désengageant des activités de transport et de logistique jugées
secondaires au sein des chaines de valeur en produits frais, les industriels et les distributeurs
ont alors favorisé l’apparition de nouveaux acteurs spécialisés dans le domaine de la
logistique : les Prestataires de Services Logistiques (PSL). En 25 ans, ces derniers se sont rendus
maîtres d’un savoir-faire organisationnel, suffisamment spécifique pour jouer un rôle de
coordonnateur, tout en apportant des réponses structurées à une mise sous tension des flux
physiques sur l’ensemble de la chaîne logistique (Hertz et Alfredsson, 2003 ; Camman et
Livolsi, 2007 ; Fabbes-Costes et Roussat, 2011; Fulconis, Paché et Roveillo, 2011).
Si, de par la justesse des formules de services développées pour ses clients, le PSL est
devenu un acteur incontournable au sein de chaînes logistiques étendues, tant en amont qu’en
aval des filières alimentaires fraiches, se pose malgré tout la question du choix du
positionnement de la relation de service au sein du triangle stratégique des services (Baranger
et alii., 2009). La question du positionnement stratégique conduit le PSL à opter pour une
formule de service spécifique. Plus précisément, le positionnement stratégique d’une relation
de service logistique se définit par la construction d’un « mix » entre la priorité à l’orientation
vers les coûts, le niveau de personnalisation et le choix du niveau de variété et de qualide la
formule logistique proposée.
Or, les enquêtes successives menées en 2010, 2011 et 2012, sur un territoire spécifique, la
péninsule bretonne, ont révélé que les industriels n’avaient finalement à leur disposition
qu’une minorité de PSL dont la seule résolution était de standardiser les formules de services
proposées (chemins logistiques identiques, flotte de camions semblables, tarifs peu
différenciés sur du complet ou de la messagerie, etc.) plutôt que de rechercher l’intensification
de la relation de service en développant, par exemple, des logiques de personnalisation de
l’offre ou des formules low-cost sur certaines routes (Mével et Morvan, 2013). Par ailleurs, les
résultats de nos études précédentes sont consolidés par une nouvelle enquête menée en
2013 confirme que si les PSL font bénéficier leurs clients d’économies de compétences, ils
n’apportent pas de réponses suffisamment personnalisées aux industriels (TPI, PMI, ETI)
confrontés aux nouvelles exigences des distributeurs.
Par conséquent, au travers de nos recherches, nous avons souhaité préciser et analyser à
nouveau l’opinion des industriels, relativement à la mesure de la valeur ajoutée client (la
qualité perçue de la prestation), afin de déterminer si les PSL restent figés ou non sur quelques
items déjà identifiés alors même que le triangle stratégique des services offre des alternatives
stratégiques pour un PSL qui souhaiterait caractériser sa formule de services autour de
quelques attributs distinctifs en privilégiant la variété des chemins logistiques, le low-cost ou
la personnalisation du service.
Pour répondre à notre problématique dans un premier développement (2), nous
analysons la situation des PSL, aujourd’hui confrontée à un contexte économique et législatif
chahuté (2.1.), pour ensuite faire un point sur les caractéristiques des sources de Valeur Ajouté
Client (VAC) qui sont valorisées dans la formule de service des prestataires inscrits au sein
des chaines logistiques des produits frais et ultra frais en région Bretagne (2.2). Un dernier
point est consacré aux implications issues de la fabrication opérationnelle du service à partir
des différentes options offertes par la déclinaison du triangle stratégique des services par le
PSL (2.3). Dans un second temps (3), nous avons souhaité mener une enquête empirique
auprès d’un échantillon représentatif d’industriels des différentes filières des industries
agroalimentaires bretonnes. Nous avons voulu aussi confronter nos résultats avec les régions
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limitrophes de la Bretagne : La Loire Atlantique et le Basse Normandie Les aspects
méthodologiques seront présentés en premier lieu (3.1) avant de discuter des principaux
résultats liés à l’étude empirique (3.2) et d’analyser les implications managériales (3.3).
2. Les PSL dans la crise et la question du juste dimensionnement des
formules de services
Dans le domaine de la logistique, la crise (1) est consubstantielle d’un contexte
économique et législatif très chahuté dans les filières alimentaires (2.1) qui cristallise les
sources de VAC développées par les PSL dans les territoires (2.2) autour de la problématique
liée à la juste formule de services à mettre en œuvre entre low cost, variétés et relation
personnalisée avec le client (2.3).
2.1. Un contexte économique et législatif chahuté dans les filières alimentaires
Du point de vue des prestataires de services logistiques thermo-dirigés en produits frais
et ultra-frais, le choc de la crise de 2008 ne s’est pas immédiatement fait ressentir, notamment
en termes de volumes de commandes transportés, puisqu’en début de crise, contrairement aux
secteurs de l’équipement de la personne ou de l’équipement de la maison, les filières
alimentaires (industries agroalimentaires et grande distribution) jouissent d’une relative
résilience face à la baisse du revenu des consommateurs (Moati, 2011).
Pour autant, à partir de 2011, la généralisation et la propagation de la crise, au cœur des
filières alimentaires fraîches et ultra-fraîches, a généré un choc exogène sur la demande de
prestation de services logistiques en thermo-dirigé chez les clients industriels mais aussi, fait
nouveau, chez des enseignes de grande distribution alimentaire qui cherchent à lutter contre
l’affaissement de leurs marges. La baisse observée de la consommation alimentaire des
ménages en 2012 et 2013 s’est aussi traduite par un recul sensible des prix alimentaires
4
en
Grandes Surfaces Alimentaires (GSA). Cette baisse des prix, en aval des filières, opérée dans
une logique déflationniste, s’est surtout révélée catastrophique sur le plan économique car elle
n’a pas réglé les problèmes de pouvoir d'achat des consommateurs. Les PSL ont, dès lors, été
immédiatement confrontés à une baisse des volumes transportés mais aussi à des demandes
formelles de révision de leurs plans tarifaires de la part des industriels mais aussi des
distributeurs. Ce faisant, dans certains cas, les PSL et les transporteurs les plus fragiles ont joué
le rôle de variable d’ajustement tarifaire à la baisse de la consommation alimentaire en GSA.
En effet, à partir du moment où les recettes traditionnelles de prix bas et de promotions
ne suffisaient plus à activer la consommation en linéaires, la production alimentaire nationale
s’est rapidement ajustée en reculant (-1,2% en 2014) quand elle progressait de 2% chez nos
voisins britanniques et allemands avec, pour corollaire, une situation de trésorerie des IAA
françaises qui s’est brusquement dégradée, à partir de 2012, alors même que la grande
distribution française continuait de demander des compensations de marges sur la baisse des
matières premières une fois réalisées les négociations commerciales.
4
Recul des prix alimentaires de 1,8% sur 12 mois en GMS entre janvier 2014 et janvier 2015 (Insee)
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Les conséquences se sont faites très largement ressentir chez les clients industriels des
PSL puisque, en 2014, on comptabilise plus de 350 défaillances d'entreprises agroalimentaires
et la disparition effective de plus de 5.000 emplois en sachant que l’année 2013 s’était déjà
révélée mortifère pour les filières alimentaires (316 défaillances d’industries agroalimentaires
soit +6,5% par rapport à 2012). Les industriels, mais aussi les GSA, ont immédiatement procédé
à des ajustements de leurs budgets et de leurs plans de transports, et plus globalement de leurs
chemins logistiques, en rationalisant le coût logistique global directe en termes d’€/kg
transporté. Pour ce faire, les chargeurs et GMS ont automatiquement réduit leurs nombres de
PSL de façon à diminuer également les coûts indirects issus de la démultiplication des
documents administratifs et du contrôle des factures.
En outre, depuis la promulgation de la LME
5
et de la loi de Consommation
6
, du point de
vue des négociations commerciales, les relations Industrie-Commerce ont été encore un peu
plus sanctuarisées autour des champs de la logistique et de la supply chain. Dès lors, l’efficience
des chaînes de valeur dans les filières alimentaires dépend de la capacides parties à les
envisager comme un tout constitué entre les acteurs plutôt que comme la seule juxtaposition
de logistiques isolées propres à chaque organisation (Senkel et alii., 2013). Par ailleurs, depuis
2008, dans un contexte de crise économique, le PSL est dorénavant totalement partie prenante
au partage de la valeur ajoutée rejoignant ainsi industriels et distributeurs dans une relation
triadique extrêmement complexe (Filser et Paché, 2008 ; Mével et Morvan, 2013).
En définitive, face à un environnement économique et législatif désormais beaucoup
plus délicat à appréhender pour les distributeurs, les enseignes durcissent les conditions
d’application de leurs schémas logistiques par leurs fournisseurs (circuits imposés, heure de
livraison par métier, temps de réactivité de plus en plus court, etc.) alors que, dans le même
temps, seuls quelques PSL sont désormais en mesure de proposer des formules de services
logistiques pertinentes susceptibles d’assurer, au coût le plus juste, la projection rapide des
flux des industriels en quantité et en qualité vers les différents formats de magasins des
enseignes.
2.2. Des sources de VAC bien différenciées sur un territoire spécifique
En près de 50 ans en Bretagne, le très fort développement des filières agricoles
(légumière, porcine, bovine, avicole) a permis d’inscrire la région Bretagne comme l’un des
territoires européens les plus actifs et les plus productifs en termes d’enracinement d’outils
industriels (viandes fraîches et charcuteries), mais aussi en termes de valorisation des produits
issus de la mer ou des productions légumières. En ce sens le développement et la vitalité
économique de la région ont toujours été conditionnés et portés par la nécessaire maîtrise de
la spatialité territoriale par les chargeurs des filres agro-alimentaires ; chargeurs opérant à
partir d’une presqu’île géographique localisée à l’extrémité ouest de l’Union Européenne alors
que les marchés porteurs s’éloignent toujours plus vers l’est de l’Europe.
Par ailleurs, à une échelle gionale la grande distribution a développé jusqu’à ses
magasins des chemins logistiques incontournables en s’appuyant sur des plateformes
5
Loi de Modernisation Economique du 5 aout 2008
6
Loi du 17 mars 2014
43 O. MEVEL, T .MORVAN N .MORVAN
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d’éclatement et de préparation de commandes ; plateformes que les industriels sont dans
l’obligation de livrer plus fréquemment dans un contexte de raccourcissement des délais, de
diminution généralisée de la taille des lots transportés, etc.
1. Les industriels ont donc besoin de s’appuyer sur des prestataires susceptibles
de proposer des réponses adaptées et novatrices en termes de coûts, de délais
et de qualité dans un environnement imposant des contraintes logistiques de
plus en plus fortes. Plus précisément, au sein de la chaine logistique des
produits frais et ultra frais, les PSL ont développé une offre de service
singulière comprenant, à la fois, les activités traditionnelles du transport
thermo-dirigé (la messagerie et le transport en lot complet ou en demi-lot) mais
aussi des activités à valeur ajoutée (des activités commerciales, des activités
centrées sur le traitement de l’information, des activités d’ingénierie
organisationnelle).
Par conséquent, Il s’agit pour le PSL, dans le domaine fortement contraignant du thermo-
dirigé, d’assembler un ensemble d’éléments construisant une formule de service pertinente
répondant aux exigences logistiques des industriels (coûts de transport, traçabilité,
performances de la supply chain, etc.) (Lovelock et Lapert, 1999 ; Lovelock et alii, 2008 ;
Baranger et alii., 2009). L’assemblage de cet ensemble d’éléments doit assurer au PSL un
avantage concurrentiel complexe, difficilement réplicable par la concurrence, et qui vise à
soutenir l’établissement d’une relation de service pérenne avec le client tout en évitant tout
souhait de ré-internalisation des activités logistiques par ce dernier.
Les enquêtes successives menées en 2010, 2011 et 2012 nous ont permis de faire
apparaitre un script de service de neuf items, tous sources de valeur ajoutée, qui se
caractérisent par leur permanence (Mével et Morvan, 2013) : l’expertise technique, la capacité
à réaliser la prestation, le taux de service, les tarifs, le système d’information, la maitrise du
territoire, la qualité relationnelle, la réputation, l’éco-efficience (cf. annexe 1). Par conséquent,
les déterminants de la valeur ajoutée, qui ont pu émerger de ces enquêtes, confirment l’idée
qu’une variété de composantes produit le service logistique et que l’ensemble de ces
composantes sont centrées autour d’un service principal, cœur de la prestation. Ce service
essentiel ou service de base recouvre les besoins principaux liés à l’usage et à l’utilité que le
client industriel retire de la prestation de services logistiques.
Cependant, une nouvelle enquête menée en 2013 a fait émerger un résultat important :
si les PSL font bénéficier leurs clients d’économies de compétences, ils n’apportent pas de
réponses suffisamment personnalisées dans un contexte fortement exigeant et très instable
(Mével, Morvan, 2014). Dés lors, la fabrication du service chez les PSL autour de quelques
éléments permanents pose question alors même que le triangle des services offre des
alternatives stratégiques remarquables pour un PSL qui souhaiterait caractériser sa formule
de service autour de quelques compétences distinctives.
2.3. La problématique liée à la juste formule de services à mettre en œuvre entre low cost,
variété et relation personnalisée avec le client
Désormais confronté à une grande variété de situations impliquant ses clients, le PSL
construit sa stratégie en déterminant le point d’équilibre entre une personnalisation de l’offre
de services, pour répondre à la diversité des besoins des industriels, tout en procédant à des
économies d’échelle elles-mêmes couplée à une standardisation des solutions proposées
(routes identiques, agences situées dans les mêmes barycentres de production, flotte de
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camions semblables, etc.). Par conséquent, choisir une formule de service consiste pour
le PSL à adopter une stratégie de positionnement au sein du triangle des services (cf. figure
1) ; un positionnement stratégique défini par un mix entre l’orientation des coûts, le niveau
de personnalisation et le choix du niveau de variété et de qualité (Baranger et alii, 2009).
Figure 1 : Déclinaison stratégique de la fabrication du service chez les PSL
Le triangle des services illustre donc, en termes de fabrication du service, les alternatives
stratégiques envisageables pour un PSL qui souhaiterait caractériser sa formule de service
autour de quelques compétences distinctives.
La formule de service « low cost » privilégie l’efficience au travers de la masse des flux
prestés tandis que la formule de service privilégiant l’innovation et la personnalisation pond
à des besoins des chargeurs de se voir accompagner dans leur développement par des PSL
ayant la capacité de proposer des services toujours plus innovants et plus personnalisés tout
en investissant dans les moyens logistiques adéquats (moyens de transport, systèmes
d’information, entrepôts, etc.). En ce qui concerne la formule de services à prépondérance
rapport qualité/prix, c’est une formule hybride, située à mi-chemin entre le low-cost et la
servicialisation. Elle s’appuie sur une rationalisation de l’offre ainsi que sur une politique de
tarification au juste prix à partir de prévisions réalisées en amont. Sur le territoire breton, assez
curieusement, toutes les enquêtes menées jusqu’à présent, révèlent un positionnement
relativement « central » des PSL du point de vue de leur servuction (cf. figure 2).
45 O. MEVEL, T .MORVAN N .MORVAN
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Stratégie de VARIETE
Stratégie
de
COUT
Stratégie de
PERSONNALISATION
Privilégier l’efficience
logistique :
Élargir la gamme en
réduisant les coûts fixes
de structure
(Vers les PSL low-cost)
Privilégier la variété des formules :
Personnaliser le service grâce à l’efficience
du back-office (vers les PSL standardisés)
Privilégier le client :
Elargir la gamme en
personnalisant le service
(Vers les PSL « sur mesure »
Adapté De Dang N’guyen, Leray et Mevel, 2010
Limite du
positionnement
actuel des PSL
Figure 2 : Le positionnement des PSL sur le triangle stratégique des services
Un tel positionnement souligne l’absence de toute exploration stratégique autour de
formules de service privilégiant la variété, le low-cost ou bien encore la personnalisation du
service. Par conséquent, sur le marché breton de la prestation logistique, les industriels n’ont
principalement à leur disposition que des PSL dont la seule résolution va être alors de
standardiser les formules de services proposées (chemins logistiques identiques, flotte de
camions semblables, tarifs peu différenciés sur du complet ou de la messagerie, etc.).
Cependant, au regard d’une situation économique atone, auquel s’ajoute un contexte de
conflit permanent autour du partage de la valeur au sein d’une relation triadique (industriels
PSL distributeurs) désormais établie, se pose alors, de manière très prégnante, la question
du juste positionnement des PSL sur le triangle des services et, par extension également, la
question d’une déformation éventuelle de ce triangle ; une telle déformation signifierait que la
mise en œuvre de plusieurs stratégies (coût-variété-personnalisation) est désormais
envisageable. Ce questionnement nous invite à retourner sur notre terrain de recherche pour
analyser et comprendre les évolutions relationnelles les plus récentes dans les filières
alimentaires.
3. Aspects empiriques
Dans une première partie, nous traitons des aspects méthodologiques de l’enquête
menée auprès d’un échantillon représentatif d’industriels des différentes filières des industries
agroalimentaires du « Grand Ouest » (Bretagne, Basse Normandie et Loire Atlantique (3.1),
tandis que dans une seconde partie, nous analysons les sultats obtenus (3.2.) pour enfin, dans
un dernier point (3.3), commenter les principales implications managériales liées aux résultats
qui émergent de nos travaux.
46 O. MEVEL, T .MORVAN N .MORVAN
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3.1. Méthodologie
La formule de service élaborée par le PSL, dans son contenu et sa variété, a pour objectif
de pondre aux préoccupations logistiques des industries agroalimentaires tout en tenant
compte des spécificités d’un environnement toujours plus contraignant (exigences des
distributeurs, caractéristiques des produits frais et ultra frais, etc.). Par conséquent, le PSL,
dans le thermo-dirigé, est dans l’obligation, pour se différencier de ses concurrents,
d’ordonner et d’assembler un ensemble d’éléments utiles au client lui permettant de répondre
aux exigences de délais, de qualité et de quantités imposés par le distributeur. Ainsi,
l’appréciation par un industriel de la qualité du service est bien dépendante de la formule de
service proposée par le PSL.
Pour déterminer la qualité de service perçue par l’industriel et analyser son l’évolution
sur moyenne période nous avons privilégié la méthode de Montebello (2003). Ainsi, la
méthode de Montebello nous offre la possibilité de mesurer précisément, à la fois, la Valeur
Ajoutée Client (VAC) que reconnaît l’industriel à la prestation et l’évolution des sources VAC,
elle-même liée à l’évolution de la qualité du service perçue par l’industriel de 2010 à 2014. La
Valeur Ajoutée Client vient traduire et rendre compte de la qualité de la prestation
effectivement perçue par les clients. Elle est la conséquence directe de la mise en œuvre des
composantes de la formule de service proposée par le PSL. Ces composantes correspondent
aux caractéristiques des sources de VAC, que nos enquêtes successives menées en 2010, 2011
et 2012 ont révélées (cf. annexe 1)
Aussi, avant d’évaluer à nouveau la qualité globale du service, il s’agit tout d’abord de
vérifier si la liste des caractéristiques et des sources de valeur ajoutée client valorisées dans la
formule de service de chaque prestataire a connu depuis notre dernière enquête menée en 2012
des évolutions significatives. Ainsi, nous avons réalisé une série d’entretiens semi directifs
7
qui nous révèle la permanence des caractéristiques des sources de VAC (cf. annexe 1).
Ensuite, à partir d’une enquête soumise par questionnaire, nous avons demandé aux
différents responsables logistiques rencontrés d’ordonnancer les sources de valeur ajoutée afin
de déterminer leur poids respectif sur l’ensemble de l’échantillon. Puis, nous avons récolté une
note pour chacun des PSL utilisés par les IAA de l’échantillon sur chacune des sources de
VAC révélées. Précisons que l’échantillon comportait 55 entreprises qui se répartissent comme
suit : 26 industriels en Bretagne, 19 industriels en Loire Atlantique, 10 industriels en Basse
Normandie. Sur les 55 entreprises se distinguent 32 PMI et 23 ETI. Il est important de noter
que nous avons souhaité comparer les résultats obtenus auprès des industriels bretons avec
les régions limitrophes de la Bretagne : La Loire Atlantique et la Basse Normandie, afin de faire
émerger éventuellement des spécificités régionales au regard des formules de services
construites par les PSL.
3.2. Présentation des résultats
Notre enquête empirique met en exergue trois résultats principaux.
Le premier résultat s’appuie sur l’analyse du classement des sources de VAC sur l’ensemble
de l’échantillon et sur les différentes régions (cf. graphique 1 et annexe 2). Nous constatons que
7
Les directeurs logistiques étaient invités à se prononcer sur les critères les plus générateurs de valeur ajoutée chez les PSL.
47 O. MEVEL, T .MORVAN N .MORVAN
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trois critères essentiels ressortent de manière significative : La capacité à aliser la prestation
(16,9 %), le taux de service (15,2%) et les tarifs proposés (15 %). Nous retrouvons d’ailleurs ce
classement pour les différents échantillons géographiques. Ce premier résultat souligne que le
PSL, dans un environnement aux exigences fortes en termes de délais à respecter, de lots à
fractionner, etc., est dans l’obligation de se différencier impérativement à partir du
déploiement opérationnel de ces trois items qui constituent les fondements de toute formule
de service commercialisée par les PSL. Le PSL doit donc être capable, dans sa relation avec
l’industriel, de garantir une large disponibilité des moyens de transport tout en assurant une
prestation adaptée à des produits sensibles à un prix raisonnable. Cette attente de l’industriel
se retrouve quel que soit la région.
Graphique n°1 : le poids des sources de VAC en 2014
Le second résultat concerne l’ordonnancement et l’évolution des sources de VAC
reconnues par les industriels bretons. Les résultats de nos quatre études menées en 2010, 2011,
2012 et 2014 sont résumés dans le tableau suivant (cf. tableau n°1).
48 O. MEVEL, T .MORVAN N .MORVAN
© Revue Française de Gestion Industrielle Vol 34, N° 4
2010
2011
2012
2014
Poids
en %
Classement
Poids
en %
Classement
Poids
en %
Classement
Poids
en %
Classement
17,1
1
16,2
2
17,15
1
17,3
1
13,7
4
16,6
1
16,99
2
15,2
2
15,8
2
15,2
3
15,38
3
14,8
3
14,6
3
12,9
4
13,62
4
9,2
6
8
6
10,2
6
11,13
5
12
4
10,6
5
10,3
5
9,2
6
10,6
5
9,8
7
8,3
7
8,02
7
8,8
7
6,3
8
6,2
8
5,43
8
6,7
8
4,1
9
4
9
3,08
9
5,4
9
Tableau n°1 : le classement des sources de VAC en 2010, 2011, 2012 et 2014
Nous observons que le classement obtenu, par les quatre enquêtes, met en évidence la
permanence des trois critères précités comme source de VAC : la capacité à réaliser la
prestation, le taux de service et les tarifs proposés. L’importance récurrente de ces trois critères
est bien mise en évidence par le graphique suivant (cf. graphique n°2). Cette prédominance
souligne que l’industriel exige de la part du PSL à la fois un taux de service constamment
garanti ainsi que des propositions de solutions adéquates selon le type de flux physique traité
et cela a un prix raisonnable.
Graphique n°2 : l’évolution du poids des sources de VAC en Bretagne.
49 O. MEVEL, T .MORVAN N .MORVAN
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Ce graphique met aussi en lumière, à la fois la stabilité en termes de classement (faible
poids) des critères « système dinformation », « réputation » et « éco-efficience » et le poids en
constante évolution du critère « qualité relationnelle » (8% en 2010, 10,2% en 2011, 11,13% en
2012 et 12 % en 2014). L’évolution constatée de l’item « qualité relationnelle » met en évidence
l’obligation pour le PSL de construire, de valoriser, de distribuer des compétences de
l’organisation au bon endroit, au bon moment, de proposer une relation plus personnalisée,
etc., quelle que soit la nature du service exigée par l’industriel.
Le troisième résultat s’intéresse plus particulièrement à la mesure des VAC délivrées
par les PSL aux industriels. Nous constatons tout d’abord que les VAC des PSL, par région,
sont très largement supérieures à la moyenne, tout comme les notes attribuées pour les 3
critères les plus discriminants entre les PSL (cf. annexe 2) : capacité à aliser la prestation, taux
de service et tarifs). Pour l’ensemble des PSL, et ce quel que soit la région, les industriels
reconnaissent que ces entreprises de services les font bien bénéficier d’économies de
compétences mais aussi de rendements d’échelle positifs, justifiant pleinement, toute la
pertinence des stratégies d’externalisation déjà menées dans le domaine de la logistique.
Néanmoins, nous observons (cf. tableau n°2) que la VAC moyenne pour les PSL bretons
s’avère assez nettement plus faible que pour les deux autres régions étudiées.
Entreprises
du Grand
Ouest
Entreprises
bretonnes
Entreprises de
Basse-
Normandie
Entreprises des
Pays de la Loire
VAC Moyenne (sur10)
7,23
6,97
7,51
7,44
Tableau n°2 : VAC moyenne des PSL par région
Les industriels bretons attribuent donc de moins bonnes notes sur un certain nombre de
sources de VAC. Ainsi, lorsque nous examinons plus finement (cf. annexe 2) les moyennes de
notes attribuées pour chaque source de VAC, les critères ayant une moyenne relativement plus
faible, en comparaison des deux autres régions sont : le taux de service (note moyenne : 7,8), la
maitrise du territoire (note moyenne : 7,4), l’expertise technique (note moyenne : 6,6), le système
d’information (note moyenne : 6,5), la réputation (note moyenne : 6,6).
Ces moins bons sultats s’expliquent simplement par le fait que l’ensemble des
entreprises au sein de la filière agricole et des industries agroalimentaires font actuellement
face à une situation économique particulièrement difficile (cf. 2.1) : le territoire breton s’avérant
bien plus fragilisé que d’autres régions au regard de sa proximité avec un modèle agricole de
production intensive qui rencontre de grandes difficultés. Aussi, la formule de services
proposée par les PSL bretons ne semble plus pondre totalement aux exigences des
industriels. En effet, en comparant la VAC moyenne avec les résultats obtenus lors des trois
enquêtes précédentes, nous remarquons que l’année 2014 correspond à une baisse de la VAC
moyenne obtenue par les PSL bretons (cf. tableau n°3) en comparaison à la stabilité de la VAC
moyenne obtenue en 2010, 2011 et 2012.
2010
2011
2012
2014
VAC PSL Bretons
7,40
7,28
7,34
6,97
VAC STEF
7,30
7,23
7,46
7,01
VAC STG
7,23
7,15
7,05
7,04
Tableau n°3 : VAC moyenne par année et par PSL en Bretagne
50 O. MEVEL, T .MORVAN N .MORVAN
© Revue Française de Gestion Industrielle Vol 34, N° 4
Par ailleurs, si nous mettons en valeur l’évolution de la VAC moyenne de STEF et de
STG
8
, leaders sur le marché breton de la prestation en thermo-dirigé, nous remarquons que la
VAC moyenne de ces deux PSL décroit aussi doucement depuis 2010 en corrélation avec la
baisse inquiétante de la VAC moyenne des PSL bretons. Cette évolution semble être un signal
fort pour une réflexion renouvelée des PSL au sein du triangle stratégique des services et, en
corollaire, pour une modification de la formule de service jusqu’à maintenant proposée qui
montre toutes ses limites et ne semble plus satisfaire totalement les industriels bretons des
filières agro-alimentaires.
3.3. Implications managériales
Au travers des éléments développés ci-dessus, on comprend aisément que le prestataire de services
logistiques puisse rechercher un positionnement concurrentiel spécifique qu’il obtiendra :
1. si le service est mieux adapà chacun des clients (effet de personnalisation),
2. si sa gamme d’attributs (i.e. la variété) de l’offre de services est plus large,
3. si à composantes de formules de services identiques, la qualité de la
prestation est supérieure ou le coût inférieur (domination par les coûts).
La question du choix stratégique du positionnement concurrentiel du PSL conduit alors
l’entreprise à opter pour une formule de service spécifique bornée par chacun des angles du
triangle des services.
Relativement aux neuf attributs de la valeur ajoutée qui composent la formule de service
du PSL, nous avons reconstruit chacun des axes du triangle des services du PSL à partir des
formules développées ci-dessous afin de rendre compte des stratégies rencontrées sur le
terrain ( Mével et Morvan 2014)
9
:
Stratégie de personnalisation du PSL = qualité relationnelle + taux de service +
réputation + 1/3 (capacité à réaliser la prestation) + 1/3 (expertise technique)
Stratégie de variété du PSL = maitrise du territoire + 1/2 (système
d’information) + 1/3 (capacité à réaliser la prestation) + 1/3 (expertise technique)
Stratégie de coût du PSL : tarifs + éco-efficience + 1/2 (système d’information) +
1/3 (capacité à réaliser la prestation) + 1/3 (expertise technique)
Cette construction des axes du triangle stratégique des services nous offre la possibilité
d’étudier son évolution entre 2010 et 2014 (cf. tableau 4).
8
Ces deux prestataires constituent, à eux deux, un véritable duopsone à la vente de prestation de services logistiques sur le
territoire breton (Mével et Morvan, 2014). Les deux entreprises se caractérisent notamment par l’importance du parc d’actifs
roulants et du nombre d’agences réparties en réseau sur le territoire.
9
En complément des résultats obtenus, nous avons réalisé des entretiens semi directifs auprès de responsables logistiques de PSL
spécialisés dans le thermo dirigé. Ces entretiens avaient pour objectif de mieux apprécier les stratégies développées.
51 O. MEVEL, T .MORVAN N .MORVAN
© Revue Française de Gestion Industrielle Vol 34, N° 4
2010
2011
2012
2014
Poids en %
Poids en %
Poids en %
Poids en %
Stratégie de personnalisation
38,57
42,70
43,81
42,73
Stratégie de variété
26,07
24,15
23,47
23,83
Stratégie de coût
35,37
33,05
32,73
33,43
Tableau n°4 : Evolution du triangle stratégique des services offerts par les PSL entre 2010 et
2014
Aussi, à la lecture du tableau ci-dessus, nous constatons une déformation du triangle
stratégique des services du PSL au travers du poids acquis par la stratégie de personnalisation
au dépend des stratégies de variété et de domination par les coûts. Cela signifie, en outre, que
les responsables logistiques des IAA de notre échantillon sont de plus en plus sensibles aux
éléments liés à une différenciation des formules de services des PSL en fonction des métiers
mais aussi des conditions de distribution imposées par les enseignes de distribution.
C’est aussi, en quelque sorte, et pour l’instant encore, un signal faible donné aux PSL par
les industriels pour qu’ils reconsidèrent la fabrication du service à l’aune d’une qualité
relationnelle renforcée permettant aux chargeurs de gérer plus finement leurs frontières
coûts/services. Par ailleurs, il s’agit également, du moins à terme, pour les PSL de tenter de
revaloriser leur offre tarifaire en considération d’une plus grande capacité à réaliser la
prestation appuyée par une expertise technique à faire valoir sans doute en termes de conseils
auprès des clients.
On peut en conséquence transposer cette analyse dans une logique transversale de
comparaison du triangle stratégique de services au sein des trois régions (cf. tableau n°5) qui
ont fait l’objet de l’enquête.
Entreprises
du Grand
Ouest
Entreprises
bretonnes
Entreprises
de Basse-
Normandie
Entreprises des
Pays de la Loire
Poids en %
Poids en %
Poids en %
Poids en %
Stratégie de personnalisation
43
40
40
43
Stratégie de variété
23
26
26
24
Stratégie de coût
34
34
33
33
Tableau n°5 : Le triangle stratégique des services des PSL par région
Les résultats obtenus sont confirmatoires relativement aux résultats précédents à savoir
qu’il existe une très forte demande des responsables logistiques des IAA, envers leurs PSL, en
termes de personnalisation de la relation à hauteur de 43% de la valeur ajoutée client. L’écart
très sensible (10 points de valeur ajoutée en moyenne) avec une logique de domination par les
coûts démontre que les industriels ont compris que la logistique (transports, couche
industrielle et systèmes d’information) n’est pas une variable indépendante du
fonctionnement de leur entreprise et que cette dernière reste puissamment couplée aux
phénomènes d’orientation stratégique de l’entreprise dans une dimension spatiale et
temporelle. Ensuite, le poids plus faible des stratégies de variété s’explique par le besoin de
52 O. MEVEL, T .MORVAN N .MORVAN
© Revue Française de Gestion Industrielle Vol 34, N° 4
spécialisation des routes logistiques dans le cadre d’une baisse tendancielle des poids et
volumes transportés vers les grandes surfaces alimentaires.
Dans ce contexte, il nous semblait également particulièrement intéressant de nous
pencher sur la déformation constatée du triangle stratégique des services des deux leaders
interrégionaux au sein du duopsone du transport thermo-dirigée (cf. tableaux n°6 et n°7).
Nos travaux confirment, encore, tout l’intérêt qu’il y a pour STEF, leader sur son
marché, à entrer dans une logique de développement d’une stratégie de personnalisation de
la formule de services en réponse aux attentes des chargeurs. Pour autant, et spécifiquement
en ce qui la concerne, les IAA apprécient qu’une stratégie de coût soit aussi développée par
STEF afin notamment de limiter l’inflation de leur coût logistique global.
STEF
2010
2011
2012
2014
Moyenne
pondérée
Moyenne
pondérée
Moyenne
pondérée
Moyenne
pondérée
Stratégie de personnalisation
7,42
7,27
7,53
7,48
Stratégie de variété
6,71
6,53
7,11
6,99
Stratégie de coût
7,15
7,03
7,40
7,36
Tableau n°6 : Evolution du triangle stratégique de STEF entre 2010 et 2014
Bien entendu, le positionnement stratégique d’un PSL n’est pas entièrement libre, il
demeure largement conditionné par le type d’activités que le prestataire exerce ainsi que par
la structure de marché dans lequel il évolue. Ainsi, la prestation de service logistique est un
service à dominante matérielle qui se définit principalement, à l’instar du produit
manufacturé, en premier lieu par rapport à ses caractéristiques intrinsèques et la limitation des
coûts. Aussi, au regard de cette composante matérielle importante mise en œuvre par le PSL,
la plupart des stratégies de positionnement s’élaborent autour de l’efficience. Mais rien
n’empêche le PSL de choisir un positionnement lié à la personnalisation, pourvu que le
segment de marché auquel il s’adresse lui garantisse une rentabilité assez rapidement. En effet,
le positionnement d’un PSL se définit aussi, de manière relative, avant toute chose, par rapport
à ce que font les concurrents.
C’est le cas du deuxième membre du duoposone, STG, dont la stratégie de suiveur
reflète, en tout point, la stratégie conduite par le leader mais en un peu moins réussi si l’on
considère la notation des responsables logistiques de l’échantillon (cf. tableau n°7).
STG
2010
2011
2012
2014
Moyenne
pondérée
Moyenne
pondérée
Moyenne
pondérée
Moyenne
pondérée
Stratégie de personnalisation
7,33
6,95
7,03
7,14
Stratégie de variété
6,38
6,60
6,99
6,94
Stratégie de coût
6,80
6,92
7,01
7,13
Tableau n°7 : Evolution du triangle stratégique de STG entre 2010 et 2014
53 O. MEVEL, T .MORVAN N .MORVAN
© Revue Française de Gestion Industrielle Vol 34, N° 4
En définitive au regard de l’ensemble des résultats, le choix du positionnement
stratégique du PSL, vis-à-vis des industriels, implique l’établissement d’une relation de service
complexe avec ces derniers puisque, en matière de management opérationnel du service
logistique, la relation de service se définit comme un « mix-logistique » qui doit être équilibré
entre l’orientation vers les coûts, le niveau de personnalisation et le choix du niveau de variété
et de qualité. Trois positionnements vont alors émerger dans le triangle stratégique des PSL :
Le choix de l’efficience : il s’agit d’optimiser les composantes intrinsèques du service matériel
au détriment de la personnalisation ; le PSL minimise les coûts tout en cherchant à offrir une
gamme de services la plus large possible, compatible avec la structure de coûts recherchée. Le
PSL peut aussi tenter de concilier ces deux approches, mais cela peut s’avérer plus délicat. Ce
sont, en tout cas, les coûts des éléments matériels opérationnels qui dominent alors la construction
de la formule de service dans cette option stratégique.
Le choix du client : le PSL pourrait se positionner dans le « haut de gamme » avec un deg
important de personnalisation et un niveau significatif de variété et de qualité. L’accent mis
sur la satisfaction du client fait alors passer au second rang les éléments de coût (et de prix).
Cette stratégie, en apparence plus risquée, n’a jamais été, jusqu’à maintenant, développée dans
le cadre d’une formule de services spécifiques proposée aux IAA du Grand-Ouest. Sans doute
aussi parce que les faibles marges brutes dégagées en alimentaire par les industriels, mis sous
pression d’une guerre des prix entre GMS depuis 2008, dissuadent les PSL d’évoluer vers ce
type de positionnement également plus coûteux en termes d’investissements.
Le choix de la formule : dans ce cas, le positionnement se réalise sur une formule adaptée au
client du PSL mais qui se révèle au final peu coûteuse. Pour concilier ces deux éléments a priori
contradictoires, le PSL s’appuie notamment sur les technologies de l’information et de la
communication. En effet, le développement d’un niveau significatif de personnalisation
mobilise généralement du personnel de contact, source importante de coût. Le recours aux
technologies permet de réduire la présence de ce personnel de contact, tout en maintenant un
niveau d’échange informationnel suffisant avec le client pour que celui-ci ait vraiment
l’impression que le service reste personnalisé. Un autre élément important de ce
positionnement sur la formule est la réduction de la variété des composantes de service
offertes qui va d’ailleurs de pair avec un niveau garanti mais pas forcément très élevé de
qualité dans la prestation du service logistique.
4. CONCLUSION
Derrière le critère du choix du juste positionnement sur le marché, le questionnement
sur le lien entre stratégie et transformation de la valeur ajoutée chez les prestataires de services
logistiques introduit inévitablement la question relative à l’émergence d’un management
opérationnel spécifique des services logistiques bien au-delà de l’héritage lié au seul
management opérationnel de la production de type « taylorien ». Le management opérationnel
des services logistiques implique alors la notion du script de service ou de formule de service,
dans un sens élargi, ainsi que la gestion des capacités notamment lorsque le service logistique
intègre une dimension matérielle lourde d’adéquation de l’offre à la demande dans une
logique d’optimisation des capacités assez proche de l’optimisation en termes de yield
management. Si la valeur ajoutée du service nait bien de la nécessaire maitrise des principales
caractéristiques que reconnaissent les chargeurs aux prestataires de services logistiques, il
54 O. MEVEL, T .MORVAN N .MORVAN
© Revue Française de Gestion Industrielle Vol 34, N° 4
revient aujourd’hui aux PSL de fabriquer des formules de service collant bien mieux aux
attentes des industriels en termes de personnalisation de l’offre, de stratégie low-cost mais
aussi en termes de variété des formules proposées. Le maintien de l’externalisation logistique
chez des prestataires est aussi à ce prix.
5. Annexes
5.1 Annexe n°1 : Définition des différentes sources de valeur ajoutée client recensées
L’expertise technique
Ce sont à la fois l’ensemble des compétences métiers du PSL, relatives à son aptitude à démontrer sa
complète maîtrise technique du transport thermo-dirigé frais et ultra-frais, ainsi que l’expérience de
travail dont il bénéficie en termes de pratique des métiers du froid.
Capacité à réaliser la prestation
C’est le taux de réponse positif du PSL aux attentes des IAA bretonnes en termes de capacités à
répondre à des demandes hétérogènes de prestation de services (ramassage, entreposage, éclatement,
transport,…).
Le taux de service
C’est la mesure de la disponibilité du PSL à répondre à une demande rapidement ainsi que son
aptitude à produire une prestation de qualité respectueuse du flux presté, des délais et du prix affiché.
Un taux de service élevé minimise le taux de litige avec l’industriel.
Les tarifs
C’est le positionnement prix du PSL qui est ici mesuré au travers de sa capacité à consentir des efforts
commerciaux tout en maintenant des niveaux de tarification conformes à ceux de la concurrence.
Le système d’information
C’est la capacité du PSL à mettre en œuvre avec les industriels une technologie commune et évolutive
de transmission de l’information (cadenciers de livraison, volumes, poids,…) au travers d’une plate-
forme de travail collaborative fonctionnant sous la norme EDI et susceptible de proposer un service de
pré-facturation. Elle comprend aussi la traçabilité logistique en tant qu’outils de transmission et
d’identification de données standardisées qui s’appuie sur des moyens d’identification automatiques.
La maîtrise du territoire
C’est l’emprise géographique régionale, nationale et même internationale du PSL qui est ici envisagée
au travers de la prise en compte par l’industriel de l’ensemble des ressources (implantations physiques,
organisations,…) et compétences (qualification des hommes) que son prestataire dédie localement et
globalement au développement d’un système réticulaire d’agences ou d’implantations diverses et qui
sont de nature à favoriser une relation de service à haute valeur ajoutée de type gagnante-gagnante.
Qualité relationnelle
Cela renvoie à l’évaluation de la qualité des échanges humains en matière commerciale à la fois dans
les bureaux (contacts, négociations, règlements des litiges) mais aussi sur les quais entre les personnels
(chauffeurs,).
Réputation
Cet indicateur qualifie globalement l’image de marque dont bénéficie le PSL aux yeux des IAA en
termes de notoriété acquise dans la profession relativement à la concurrence.
Eco-efficience
C’est l’image du PSL qui est retenue par l’industriel du point de vue de la conception et de la mise en
œuvre d’une supply-chain verte, cest-à-dire d’une relation inter-entreprise orientée vers une réalisation
plus respectueuse de l’environnement.
5.2 Annexe n°2 : Classement des sources de VAC et notes moyennes
55 O. MEVEL, T .MORVAN N .MORVAN
© Revue Française de Gestion Industrielle Vol 34, N° 4
Entreprises du
Grand Ouest
Entreprises
bretonnes
Entreprises de
Basse-Normandie
Entreprises des
Pays de la Loire
Poids
(%)
Notes
moyennes
Poids
(%)
Notes
moyennes
Poids
(%)
Notes
moyennes
Poids
(%)
Notes
moyennes
Capacité de
Réalisation
16,90
8,2
17,30
8,1
18,30
8,2
15,90
8,3
Taux de Service
15,20
8,0
15,20
7,8
16,90
8,1
15,40
8,3
Tarifs
15,00
7,0
14,80
7,1
14,70
7,0
14,50
6,9
Maîtrise du
Territoire
11,80
7,8
10,60
7,4
11,40
8,2
9,40
8,1
Expertise
technique
10,30
7,0
9,20
6,6
5,80
7,5
11,00
7,3
Qualité
Relationnelle
9,40
7,7
12,00
7,3
13,00
8,3
11,00
7,7
SI
8,80
6,9
8,80
6,5
6,90
7,4
9,60
7,0
Réputation
7,50
7,1
6,70
6,6
7,80
8,3
8,30
6,9
Eco-efficience
5,20
6,4
5,40
6,4
5,30
7,2
4,80
6,0
VAC Moyenne
7,23
6,97
7,51
7,44
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