Revue Française de Gestion Industrielle
Vol. 34, N° 4
L'INNOVATION MANAGERIALE DANS LE SUPPLY CHAIN
MANAGEMENT : ETUDE DES FACTEURS D'INFLUENCE
Blandine Ageron
*1
et Olivier Lavastre
*2
—————————
Résumé. - L'innovation dans les produits a déjà été largement étudiée par
les chercheurs, alors que l'innovation managériale l'a été beaucoup moins.
L'objectif de notre recherche est, au travers d'un modèle de recherche
conceptuel et d'une enquête quantitative partir de 170 exemples
d'innovations managériales dans le Supply Chain Management) de
comprendre ce qui caractérise les innovations managériales de ce domaine, à
travers une analyse et une discussion des Pratiques Inter-organisationnelles
Innovantes (P2I), de leurs caractéristiques (motivations, contexte, acteurs,
barrières et objectifs de performance) et de leurs effets sur la performance de
la chaîne logistique.
Mots clés : innovation managériale, Supply Chain Management, innovation, pratiques inter-
organisationnelles
1. Introduction
Les crises économiques et financières auxquelles sont confrontées les entreprises
occidentales modifient profondément leur environnement et laissent émerger de nouvelles
contraintes comme la réduction du cycle de vie des produits, la difficulté à prévoir la
demande, la pression sur les coûts et les délais (Thun et Hoenig, 2011). Considérées comme
de puissants stimulants pour les entreprises, ces crises les obligent à inventer de nouveaux
produits, à rechercher en permanence à satisfaire les besoins de leurs clients, et à améliorer
leurs processus en interne et avec leurs différents partenaires. Dans cette perspective, la
coordination et la collaboration avec les partenaires industriels et logistiques sont
essentielles pour les entreprises car elles sont sources de création de valeur (Bowersox et al.,
2000).
*
1
Professeur des Universités - Université de Lorraine - ESM-IAE de Metz, France, CNRS, CERAG -
UMR 5820 - Domaine Universitaire - 38040 Grenoble- blandine.ageron@univ-lorraine.fr
*
2
Professeur des Universités - IAE Lyon - Université Jean-Moulin, Lyon 3 - Centre de recherche
Magellan - BP 8242 - 69355 Lyon - olivier.lavastre@univ-lyon3.fr
74 Blandine Ageron et Olivier Lavastre
© Revue Française de Gestion Industrielle Vol. 34, N° 4
Si l’innovation produit a été largement étudiée, on assiste ces dernières années, à
l'émergence d’études portant sur l'innovation managériale (Birkinshaw et Mol, 2006 ;
Birkinshaw et al., 2008 ; Damanpour et Aravind, 2011 ; Leroy et al., 2013). Le Supply Chain
Management (SCM) a été encore peu étudié avec cette approche théorique, alors que de
multiples cas d'entreprises montrent que les pratiques innovantes dans ce domaine sont
nombreuses et notamment dans les approches collaboratives internes et externes. Parmi
celles-ci, peuvent être citées : la GPA (Gestion Partagée des Approvisionnements) ou VMI
(Vendor Managed Inventory), le CPFR (Collaborative Planning, Forecasting and Replenishment),
les kanban fournisseurs, les magasins avancés fournisseurs (MAF) et les stocks déportées.
Comprendre ces innovations constitue aujourd’hui pour les entreprises un enjeu
majeur. Il est important non seulement de les repérer et de les analyser en termes de
motivations, de contexte, d'acteurs, de barrières, et d'objectifs de performance, mais
également d'étudier leurs performances induites sur le SCM.
Dans la section suivante, nous proposons un modèle conceptuel issu de notre revue de
la littérature afin d'identifier, d'une part, les principales composantes du Supply Chain
Management qui expliquent ces innovations, et, d'autre part, leurs impacts sur la
performance de la supply chain (section 3). Dans la section 4, nous présentons notre
méthodologie de recherche. Dans la section 5, seront exposés les résultats, notre modèle y
sera discuté puis enrichi en section 6. Enfin, nous présentons nos conclusions et nos pistes de
recherches futures dans la dernière section de cet article.
2. Revue de la littérature
Au cours des dix dernières années, un nombre croissant de recherches et d’études a été
publié sur le thème de l'innovation. Si de nombreux travaux se sont intéressés à l’innovation
produit (Garcia et Calantone, 2002), peu ont porté sur l'innovation managériale (Birkinshaw
et Mol, 2006 ; Mol et Birkinshaw 2009) et encore moins ont traité des pratiques innovantes
dans le domaine du Supply Chain Management (Arlbjørn et al., 2011).
2.1 L'innovation
Le concept d'innovation a été initialement examiné par Schumpeter (1934) qui écrivait
que les entreprises cherchent toujours à créer quelque chose de nouveau à partir du passé.
En innovant, en dépassant les règles établies, de nouvelles entreprises plus rentables se
créent.
Plus récemment, dans Management Science, Van de Ven (1986) définit l'innovation
comme "a new idea, which may be a recombination of old ideas, a scheme that challenges
the present order, a formula, or a unique approach which is perceived as new by the
individuals involved. As long as the idea is perceived as new to the people involved, it is an
« innovation », even though it may appear to others to be an « imitation » of something that
exists elsewhere" (Van de Ven, 1986, p.591-592). Cette définition induit que l'innovation est
liée au contexte dans lequel elle est développée et déployée. Ainsi, une innovation mise en
place dans une entreprise peut ne pas être considérée comme telle dans une autre
organisation. Hamel et Prahalad (1994) estiment que l’innovation ne se réduit pas à la seule
création de nouveaux produits mais qu’elle doit également porter sur les modèles d’affaires.
Cette vision élargie de l'innovation intègre donc un type d’innovation encore peu étudié à
savoir l’innovation managériale. Birkinshaw et al. (2008) la définissent comme "the invention
and implementation of a management practice, process, structure, or technique that is new
to the state of the art and is intended to further organizational goals" (Birkinshaw et al., 2008,
L'innovation managériale dans le supply chain management : étude des facteurs d'influence 75
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p.825). Dans cette lignée, Leroy et al. (2013) définissent l’innovation managériale comme
"l’adoption, par une organisation, de pratiques ou de méthodes de management nouvelles
pour elle, dans l’objectif d’améliorer sa performance globale" (Leroy et al., 2013, p.84-85). Ces
dernières années, l'innovation managériale a été de plus en plus étudiée (Birkinshaw et al.,
2008 ; Mol et Birkinshaw, 2009 ; Damanpour et Aravind, 2012 ; Dubouloz et Bocquet, 2013 ;
Leroy et al., 2013).
2.2 L'innovation dans le Supply Chain Management
Pour être compétitives et améliorer leur performance, les entreprises doivent élargir
leurs frontières organisationnelles pour englober et intégrer leurs partenaires industriels et
logistiques (Zhao et al., 2008). Dans ce contexte, l'innovation ne doit pas se situer au seul
niveau intra-organisationnel, mais doit être également appréhendé à un niveau inter-
organisationnel. Plusieurs recherches se sont intéressées aux innovations dans le Supply
Chain Management (Roy et al., 2004). Pour autant, la plupart d'entre elles restent focalisées
sur l’étude des processus de co-développement de produits avec des fournisseurs. Etudier
les innovations managériales dans le domaine du SCM suppose toutefois de dépasser cette
conception restrictive de l’innovation pour intégrer les pratiques inter-organisationnelles.
Cet élargissement du questionnement de l’innovation doit d’ailleurs conduire à une
amélioration du taux de service client, au développement d’une meilleure collaboration
entre les acteurs d'une même chaîne logistique et à la création d'avantages concurrentiels.
L'innovation favorise et développe la collaboration. Par exemple, les innovations dans
le SCM associées à des systèmes d'informations permettent l'émergence de nouvelles
pratiques logistiques comme la GPA (Gestion Partagée des Approvisionnements), le VMI
(Vendor Managed Inventory), les MAF (Magasins Avancés Fournisseurs) ou le CPFR
(Collaborative Planning, Forecasting et Replenishment). De façon similaire, la collaboration
soutient et encourage l'innovation. Cao et Zang (2011) montrent que l'innovation est un
résultat positif de la collaboration. Pohle et Chapman (2006) observent qu'aujourd'hui les
partenariats stratégiques sont importants dans une logique de recherche d'innovations. Roy
et al. (2004) affirment que deux facteurs principaux influencent l'innovation : les facteurs
internes liés aux relations inter-organisationnelles (engagement, confiance, etc.) et les
facteurs externes à ces relations (stabilité de la demande, connexion aux réseaux, etc.).
Dans notre analyse, nous étudierons les pratiques organisationnelles qu'une entreprise
développe et déploie avec ses fournisseurs, ses clients et plus généralement ses partenaires
industriels et logistiques, avec à la fois des approches collaboratives internes et externes.
Nous définissons ces pratiques inter-organisationnelles innovantes (P2I) comme le
développement et la mise en œuvre entre partenaires d’une même chaîne logistique, d’outils
et de méthodologies inexistants au sein de l'organisation, qui visent à répondre à un
ensemble de problématiques liées à la qualité, aux coûts et aux délais. Ces P2I s’inscrivent
généralement dans un objectif d’amélioration continue et de création de valeur pour le
client. Elles peuvent concerner des pratiques avec ses partenaires industriels et/ou
logistiques amont, aval et/ou internes (Lavastre et al., 2011).
3. Modèle de recherche conceptuel
Le modèle de recherche conceptuel proposé (figure 1) est issu d'une revue de la
littérature et de recherches précédentes (Lavastre et al., 2011). Il vise à identifier les
différentes caractéristiques du SCM explicatives de l'innovation managériale dans les
relations inter-organisationnelles et leurs impacts sur la performance de la chaîne logistique.
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Figure 1 : Modèle de recherche conceptuel des P2I
3.1 Les caractéristiques de la Pratique Inter-organisationnelle Innovante (P2I)
Cinq caractéristiques différentes influencent les P2I et la performance de la Supply
Chain : les motivations, le contexte, les acteurs, les barrières et les objectifs de performance.
3.1.1 Les motivations
Les motivations renvoient aux raisons pour lesquelles une organisation choisit de
développer une P2I. Plusieurs recherches se sont attachées à étudier les motivations à
l’origine des innovations. Pour certains, elles peuvent être liées aux conditions
environnementales (Yalabik et Fairchild, 2011), à la confiance entre les partenaires qui
collaborent (Panayides et Vénus Lun, 2010), ou encore à l'augmentation de la valeur ajoutée
pour l'entreprise et à la réponse aux exigences (Robson et Haigh, 2008). A partir d'une revue
de la littérature réalisée entre 1993 et 2003, Becheikh et al. (2006) montrent que les principales
motivations des innovations technologiques sont constituées par les caractéristiques
générales de l'entreprise, ses stratégies internationales, la structuration de ses activités, ses
activités de contrôle, sa culture, son équipe de direction et ses avantages concurrentiels.
3.1.2 Le contexte
Le contexte concerne les conditions dans lesquelles la P2I est déployée. Dans la
littérature, différentes variables contextuelles ont été étudiées : l'industrie à laquelle
appartient l'entreprise et la pression concurrentielle (Yalabik et Fairlchild, 2011), les relations
entre les différents partenaires de l'entreprise et notamment l'implication des fournisseurs
dans les projets innovants (Ragatz et al., 1997), l'orientation marché des entreprises à travers
la collecte et le partage d'informations entre partenaires et la coordination des activités au
sein de la supply chain (Lin et al., 2010), l'acquisition de nouvelles connaissances et de
technologies (Becheikh et al., 2006).
3.1.3 Les acteurs
Les personnes, services et organisations qui participent à la conception et au
déploiement de P2I sont des acteurs majeurs. A cet égard, la direction par son soutien et son
engagement peut créer des conditions favorables à l'innovation, car elle est à l'origine de
l’allocation des ressources en établissant un ensemble de valeurs et d’orientations
stratégiques formalisées (Pohle et Chapman, 2006). Une équipe de projet, construite
L'innovation managériale dans le supply chain management : étude des facteurs d'influence 77
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conjointement avec les partenaires, peut également créer un contexte favorable à
l’innovation. Au-delà des acteurs internes, l’innovation managériale suppose également de
questionner les acteurs externes à l’entreprise et leurs interactions. De ce point de vue,
Wynstra et al. (2010) soulignent que, pour l’entreprise, l’implication de ses fournisseurs dans
ses P2I sera plus bénéfique en termes de réussite organisationnelle que l’implication de ses
clients.
3.1.4 Les barrières
Les barrières sont des difficultés et des obstacles auxquelles les entreprises sont
confrontées et qui entravent le déploiement de leurs P2I. Plusieurs barrières à l’innovation
ont été identifiées dans la littérature, en particulier l'insuffisance de ressources (humaines,
technologiques, etc.). Les coûts et les risques associés, le manque de qualification du
personnel, l'insuffisance d’information, l'incertitude de la demande et la réglementation
peuvent également être des difficultés dans le processus d'innovation (Robson et Haigh,
2008). Par ailleurs, des structures organisationnelles inadaptées ainsi que l'absence de
stratégie d'innovation formelle et soutenue par la direction sont également identifiées
comme des obstacles majeurs à l'innovation (Pohle et Chapman, 2006).
3.1.5 Les objectifs de performance
Les objectifs de performance désignent la performance attendue c’est-à-dire l’ensemble
des gains que l’entreprise espère obtenir par ses innovations. Ces objectifs peuvent être
estimés soit quantitativement (productivité, gains financiers, niveau de stocks), soit
qualitativement (satisfaction clients, qualité, image). Sous un autre angle, ces gains espérés
peuvent être envisagés à court terme, à moyen terme ou à long terme. En outre, une
innovation peut être profitable sur de multiples aspects (technologiques, organisationnels
et/ou managériaux). Ainsi, les connaissances créées et partagées à l'occasion d'une P2I
seront utiles dans des déploiements futurs par l'apprentissage mutuel et la mise en place de
routines qu’elles génèrent (Van Echtelt et al., 2008). Afin que l'ensemble des acteurs de la
chaîne logistique profite d'une innovation managériale, celle-ci doit être visible et ses
bénéfices observables par l’ensemble des partenaires (Skipper et al., 2009).
3.2 Les Pratiques Inter-organisationnelles Innovantes (P2I)
Par leurs P2I, les entreprises cherchent à gérer les flux de matières et les flux
d'information de manière innovante tout au long de leurs principaux processus logistiques
et industriels (notamment, approvisionnement, production, distribution et planification).
Dans le cadre de l'innovation produit, Chesbrough (2010) souligne que les entreprises ne
doivent pas uniquement compter sur leurs propres ressources et compétences pour innover,
mais qu'elles ont besoin d'être « ouvertes » sur leur environnement pour absorber et utiliser
ces connaissances extérieures. Collaborer avec ses fournisseurs, ses clients voire ses
concurrents permet ainsi d’accéder à ces ressources externes (Beamon, 1999).
3.3 Les objectifs de performance
La mesure de la performance et les KPI (Key Performance Indicators) sont essentiels dans
le management de la chaîne logistique (Panayides et Venus Lun, 2010). Ces indicateurs
peuvent être quantitatifs ou qualitatifs (Beamon, 1999). Parmi les mesures qualitatives, il est
possible de citer la satisfaction du client, la flexibilité, l'adéquation entre le flux
d'information et le flux de matières, la gestion efficace des risques. Les indicateurs
quantitatifs sont essentiellement basés sur le contrôle des coûts (minimisation des coûts,
78 Blandine Ageron et Olivier Lavastre
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augmentation des ventes, niveau de stocks) ou sur la réactivité aux besoins des clients (taux
de service client, respect des délais). Dans le contexte spécifique de l'innovation dans le
SCM, certaines études concluent que la capacité d'innovation d'une supply chain est
positivement liée à sa performance (Panayides et Vénus Lun, 2010).
4. Méthodologie de recherche
Pour opérationnaliser notre modèle de recherche, nous avons élaboré un questionnaire
que nous avons construit à partir d’entretiens réalisés auprès de différentes entreprises. La
collecte des données s’est faite de novembre 2010 à avril 2011. Le mode d’administration a
été le face-à-face ce qui nous a permis d’avoir un bon taux de retour et d’éviter certains biais
dus notamment aux non-retours. Nous avons ainsi obtenu 170 questionnaires auprès de 64
entreprises différentes. Les caractéristiques de notre échantillon sont données dans le
tableau 1.
Tableau 1 : Caractéristiques de l'échantillon
Date de collecte : nov. 2010 à avril 2011
Secteur d'activité
Pourcentage
Type de collecte : questionnaire en face à
face
Production et distribution de gaz et
d’électricité
28%
Nombre de répondants
Pharmacie
14%
Nombre d'entreprises
différentes
Micro-électronique et électronique
11%
Fonctions des répondants
Distribution
10%
Supply Chain Manager
Automobile
9%
Acheteur/Approvisionneur
Autre (construction,
agroalimentaire, PSL, …)
28%
Production
Taille de l'entreprise
Pourcentage
Méthodiste/ingénieurs R&D
Plus de 1000 salariés
44%
Directeur
Entre 251 et 999 salariés
26%
Commercial
Moins de 250 salariés
30%
Les différentes personnes que nous avons interrogées sont, pour 59%, des supply chain
managers, pour 14%, des acheteurs/approvisionneurs et managers de production. Les 13%
restants sont en charge des méthodes et/ou des études (6%), appartiennent à la direction
(4%) et sont liés à la distribution et au commercial (3%). Dans notre étude, nous observons
que de nombreux secteurs d’activité sont représentés. Les principaux secteurs sont la
production et la distribution de gaz et d’électricité (28%), les industries de la pharmacie
(11%), de la micro-électronique et de l’électronique (11%) et de la distribution (11%).
Concernant la taille, notre échantillon est constitué principalement d’entreprises de taille
moyenne et de grandes entreprises (44% ont plus de 1 000 salariés et 30% ont moins de 250
salariés).
5. Analyses et discussion des résultats
Dans cette section, nous proposons une analyse plus approfondie de notre modèle en
étudiant les caractéristiques du supply chain management, de la P2I et de la performance
supply chain.
L'innovation managériale dans le supply chain management : étude des facteurs d'influence 79
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5.1 Les caractéristiques de la Pratique Inter-organisationnelle Innovante (P2I)
5.1.1 Les motivations
La collaboration est, pour 32% des entreprises interrogées, la principale motivation
pour expliquer le déploiement d'une P2I (Tableau 2). Ce résultat est cohérent avec le fait que
les innovations managériales, pour être performantes, doivent être pensées collectivement
au sein des chaînes logistiques. Ne possédant pas toutes les compétences nécessaires à leur
activité et à l'accroissement de leur performance, les entreprises s'engagent dans des réseaux
collaboratifs qui leur permettent de se construire une capacité d’innovation (Zhao et al.,
2008). Dans cette perspective, Cao et Zhang (2011) confirment que la collaboration a un
impact positif sur l'innovation. Ceci implique que les entreprises doivent accorder une
attention particulière au management de leurs partenaires.
Tableau 2 : Principales motivations des P2I
La seconde motivation à l’origine du déploiement d'une P2I est l’aspect financier et
notamment les gains qui sont attendus de cette P2I (16%). En effet, sous les pressions des
actionnaires, des concurrents et des clients, les entreprises peuvent chercher, grâce aux P2I, à
contrôler leurs coûts de production, à mieux gérer leurs stocks tout en créant de la valeur
pour leurs clients.
Ces innovations managériales supposent, par ailleurs, que le top management de
chacun des partenaires impliqués dans la P2I soutienne la démarche d’innovation. 12% des
répondants insistent sur le rôle majeur et déterminant de la direction dans l’innovation. En
inscrivant formellement l’innovation dans la stratégie de son entreprise, la direction favorise
et encourage les innovations managériales à tous les niveaux (Skipper et al., 2009). De plus,
comme l’innovation managériale demande des moyens individuels, techniques,
organisationnels et financiers importants, le soutien de la direction est une condition
essentielle à sa réussite (Pohle et Chapman, 2006).
Pour conclure, nous observons que peu de P2I portent sur des problématiques de
développement durable (11%) alors même que ce sujet est d’actualité.
5.1.2 Le contexte
Le tableau 3 recense les différents contextes dans lesquels les P2I ont été conçues et
déployées. Il en ressort que la communication entre l’entreprise et l’ensemble de ses
partenaires de la chaîne logistique est le premier facteur (27%). Face à un environnement
concurrentiel et turbulent, les entreprises ressentent de plus en plus le besoin d’acquérir et
d’échanger des informations pour innover. En établissant des relations partenariales basées
sur la confiance et le long-terme, les entreprises créent un contexte favorable aux innovations
managériales. La communication crée un climat favorable à l'implication et à la créativité
Collaboration
32%
Gains financiers
16%
Soutien de la direction
12%
Environnement
11%
SI/TI
10%
Productivité
8%
Stock
7%
Lead time
4%
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© Revue Française de Gestion Industrielle Vol. 34, N° 4
mutuelle qui peuvent ainsi être stimulées. Néanmoins, la relative transparence nécessaire
aux échanges d'information n'est pas facile à atteindre car les entreprises peuvent craindre
de partager l'information, en s’exposant et en devenant ainsi plus vulnérables.
Tableau 3 : Principaux contextes des P2I
Concernant les compétences internes (18%), l’acquisition et le développement interne
de compétences techniques, managériales et/ou organisationnelles restent associés à la
capacité d’innovation. Par exemple, le recrutement d’un nouveau directeur supply chain,
avec ses qualifications et ses expériences, a été identifcomme une réelle opportunité pour
l’entreprise dans ses innovations managériales. La gestion des connaissances dans une
supply chain constitue également une compétence importante sur le processus d'innovation,
et sur laquelle les entreprises vont s'appuyer pour innover.
Le troisième élément de contexte concerne les besoins internes (14%) qui peuvent
provenir de différents points à l’intérieur et/ou à l’extérieur de l’entreprise. Ainsi, la
direction d’une entreprise peut très bien pousser vers la mise en place de pratiques
collaboratives nouvelles avec certains partenaires de la chaîne logistique pour des raisons de
coûts et/ou de rentabilité. Les clients internes peuvent aussi faire pression auprès de leurs
fournisseurs pour obtenir des produits de qualité et des délais réduits pour améliorer leur
satisfaction.
Pour finir, nous remarquons que les difficultés internes (13%) sont fréquemment
mentionnées comme contexte de P2I. Parmi ces difficultés, le niveau élevé de stock, les longs
délais de livraison, les sous-capacités de production ainsi que les outils de pilotage amont
sont les plus fréquemment cités par les entreprises. Le contexte actuel de crise économique
(10%) dans lequel les entreprises opèrent, accentue encore plus ces difficultés. Les
entreprises qui subissent une baisse de la demande, une augmentation des prix des matières
premières, sont contraintes de réduire leurs dépenses pour maintenir leur compétitivité et
passer cette crise.
5.1.3 Les acteurs
Un large consensus émerge à propos des principaux acteurs des innovations
managériales inter-organisationnelles (Tableau 4). Près d’un tiers des répondants
reconnaissent que le département supply chain et logistique est essentiel dans les P2I (32%).
Parce qu’il est directement concerné et impliqué dans les P2I, il est beaucoup plus actif et
participatif dans ces innovations que les autres départements. Parmi les acteurs clés de ce
département, les planners, les approvisionneurs, ou les gestionnaires de stocks sont
fréquemment cités.
Communication entre partenaires de la Supply Chain
27%
Compétences internes
18%
Besoins internes
14%
Difficultés internes
13%
Contexte économique
10%
Compétences externes
8%
Augmentation du prix des matières
5%
Concurrence
3%
Besoins externes
2%
L'innovation managériale dans le supply chain management : étude des facteurs d'influence 81
© Revue Française de Gestion Industrielle Vol. xx, n° yy
Tableau 4 : Principaux acteurs des P2I
Par ailleurs, les répondants mentionnent le fait que la direction et le top management
jouent assurément un rôle déterminant dans les P2I (13%) par leurs implications. En
établissant formellement une stratégie d'innovation avec des valeurs et des objectifs, la
direction joue un rôle moteur favorable à l’innovation. En outre, l'importance de bâtir une
équipe projet interne ou conjointe avec le partenaire a été fréquemment observée comme
facteur clé d’innovation (11%).
Finalement, nous observons que, parmi les partenaires de la chaine logistique, les
fournisseurs sont beaucoup plus concernés par les P2I que les clients. En effet, si les
fournisseurs représentent 11% des principaux acteurs des innovations managériales, les
clients ne sont que 6%, alors même qu’ils sont essentiels dans la chaîne logistique.
5.1.4 Les barrières
Le tableau 5 présente les principales barrières dans la mise en place d’une P2I. La
logistique semble être la barrière la plus importante (20%). Le management même de la
chaîne logistique constitue la principale difficulté du fait que les missions qui s'y rattachent
sont nombreuses et complexes et les acteurs du Supply Chain Management sont multiples et
appartiennent à différentes organisations. Les missions généralement couvertes par le SCM
portent sur différents niveaux (stratégique et opérationnel) et peuvent être liées à des
différents processus (gestion des stocks, prévisions, planification des opérations de
production).
Tableau 5 : Principales barrières des P2I
Parmi les autres barrières importantes liées aux P2I, citons les relations entre
partenaires internes et externes (15%), le management de projet (14%), les ressources
humaines (13%), la gestion du changement (12%) ainsi que les systèmes d’information et les
technologies de l’information (12%). Concernant les relations entre partenaires, la
communication, la motivation et l’engagement dans l’innovation managériale ainsi que la
partement Supply Chain / logistique
32%
Direction
13%
Equipe projet
11%
Fournisseurs
11%
Services support (marketing, ressources humaines, finances)
9%
Autres parties prenantes
7%
Services industriels (production, méthodes, planning)
7%
Clients
6%
Département SI/TI
4%
Barrières logistiques
20%
Relations entre partenaires
15%
Management de projet
14%
Ressources humaines
13%
Gestion du changement
12%
Outils et méthodes SI et TI
12%
Gestion des flux et des processus
10%
Autres
4%
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confiance apparaissent souvent être des barrières difficiles à éliminer. Par ailleurs, les
entreprises mentionnent fréquemment que la gestion de projet peut leur poser des
problèmes eu égard à la définition et la complexité du périmètre de l’innovation managériale
en termes de réalisation, d’intervenants (multi-sites) et de cultures (différentes). L'absence
d'une équipe projet est également un important obstacle à l'innovation (King et Burgess,
2006).
Les barrières liées aux ressources humaines renvoient à la culture d’innovation
présente chez les employés et dans l’entreprise et à l’ensemble des compétences techniques,
managériales et/ou organisationnelles que les salariés et l’organisation possèdent et
maîtrisent. Pour qu’elles réussissent, les innovations managériales doivent se concevoir et se
déployer dans des organisations qui favorisent le changement dans leurs mentalités, leurs
comportements et leurs méthodes. Une dernière source de barrières potentielles est
d’ailleurs liée à ces outils et méthodes et notamment à leur appropriation ou à leur
externalisation. De nombreuses entreprises mentionnent à cet égard la difficulté qu’elles
rencontrent quand elles doivent intégrer un nouveau système logistique ou harmoniser des
systèmes d’information différents.
5.1.5 Les objectifs de performance
Si l’innovation managériale est essentielle pour les entreprises, il est toutefois
primordial qu’elles cherchent à évaluer aussi précisément que possible, les objectifs qu’elles
espèrent atteindre.
Tableau 6 : Principaux objectifs de performance des P2I
Parmi les principaux objectifs mentionnés par les répondants, deux objectifs majeurs
émergent (Tableau 6) : la flexibilité et la productivité (23%) ainsi que la qualité (22%). Pour y
parvenir, plusieurs pratiques peuvent être mises en place : un nouveau système
d’information (PGI/ERP), une nouvelle technologie (EDI), un nouveau système de
traçabilité des processus intégrés ou un système de management de la qualité inter-
organisationnel. Ces précédents résultats ne signifient pas que la dimension financière (14%)
est absente ; mais ils montrent que les entreprises cherchent à obtenir cet avantage de façon
indirecte, en poursuivant d'autres d'objectifs et notamment l’optimisation des stocks (15%).
5.2 Les Pratiques Inter-organisationnelles Innovantes (P2I)
Concevoir des innovations managériales dans sa SC constitue un enjeu majeur pour
une entreprise dans une approche collaborative qu'elle soit en interne ou en externe (Tableau
7). Pour 71% des répondants, les trois principales pratiques sont : le lean manufacturing (28%),
la collaboration externe amont et aval (25%) et les SI/TI (18%). Ce résultat est cohérent avec
nos résultats antérieurs concernant les objectifs de performance (5.1.5) et le contexte des P2I
(5.1.2). En effet, les entreprises sont tenues de contrôler et de maîtriser leurs coûts, de limiter
les gaspillages et de satisfaire les besoins de leurs clients.
Flexibilité et productivité
23%
Qualité
22%
Optimisation des stocks
15%
Gains financiers
14%
Amélioration des processus
12%
Lead-time
8%
Autres
6%
L'innovation managériale dans le supply chain management : étude des facteurs d'influence 83
© Revue Française de Gestion Industrielle Vol. xx, n° yy
Tableau 7 : Principales Pratiques Inter-organisationnelles Innovantes (P2I)
Plus précisément, quand nous nous intéressons au lean manufacturing, nous observons
que les entreprises développent des pratiques comme le Kanban qu’il soit interne (entre
différents sites de production ou entre un stock magasin et une ligne de production), ou
externe (entre l’entreprise et ses fournisseurs/clients). Les initiatives 6 sigma peuvent
permettre aux entreprises d’améliorer avec leurs partenaires, leurs prévisions, leurs
réapprovisionnements de bord de ligne ou des indicateurs partagés de performance.
La seconde pratique innovante majeure dans la SC est la collaboration externe (comme
la planification collaborative). Ceci confirme le fait que les fournisseurs et les clients doivent
être les premiers partenaires impliqués dans les P2I. On note toutefois, que cet engagement
semble être plus important du côté du fournisseur que du côté du client (Wynstra et al.,
2010). En raison de leur contribution à la performance et de leur rôle essentiel dans le
fonctionnement de la SC, les fournisseurs doivent être soigneusement évalués et sélectionnés
(Bowersox et al., 2000). Dans cette perspective, les systèmes d'information et les technologies
de l'information (SI/TI) ont été fréquemment associés à des améliorations significatives de
l'efficacité de la chaîne logistique (Gunasekaran et Ngai, 2004) et de nombreuses entreprises
mettent l'accent sur l'importance de ces systèmes dans leurs relations inter-
organisationnelles.
Pour conclure, concevoir son réseau logistique (localisation des entrepôts, choix des
modes de transports) reste une P2I toujours importante pour les entreprises (12%).
5.3 La performance du Supply Chain Management
Notre étude montre que les critères traditionnels de performance (coût, qualité,
quantité, délai) restent significatifs pour les entreprises (Tableau 8). Parmi ces critères, la
flexibilité et la productivité sont les plus souvent citées comme gains liés au déploiement
d'une P2I (25%).
Tableau 8 : Principales performances du SCM
Le deuxième effet sur la performance SC est la qualité (19%). La plupart des
entreprises tentent de satisfaire leurs clients en leur livrant des produits en bonne quantité,
Lean manufacturing
28%
Collaboration externe (amont et aval)
25%
SI/TI
18%
Conception de réseaux logistiques
12%
Achat et approvisionnement
6%
Qualité
6%
Collaboration interne (entre départements)
3%
Transport
2%
Flexibilité et productivité
25%
Qualité
19%
Gains financiers
16%
Optimisation des stocks
15%
Amélioration des processus
14%
Lead time
8%
Précision des prévisions
3%
84 Blandine Ageron et Olivier Lavastre
© Revue Française de Gestion Industrielle Vol. 34, N° 4
au bon moment et au bon niveau de spécifications. L’atteinte de ces objectifs est essentielle
pour l’efficacité de la SC et pour la performance de l’entreprise. Les gains financiers (16%) et
l’optimisation des stocks (15%) en sont les deux autres principales conséquences.
Lorsque l'on compare la performance obtenue avec les objectifs attendus lors de la
décision du déploiement d'une P2I, nous n'observons pas de différences majeures dans le
classement des critères. La seule différence est l'émergence des gains financiers comme
performance obtenue alors que ce critère n'était pas mentionné comme un objectif de
performance. Ce résultat peut s’expliquer par le fait qu'il est souvent difficile pour les
entreprises d'anticiper et d'évaluer des gains financiers d'un tel type d'innovation.
6. Modèle de recherche enrichi
Dans cette section, nous présentons et discutons le modèle de recherche conceptuel
enrichi. Ce modèle (Figure 2) présente les principales caractéristiques qui doivent être
identifiées et qualifiées pour mettre en place des P2I.
Figure 2 : Modèle de recherche conceptuel enrichi des P2I
6.1 Les caractéristiques de la Pratique Inter-organisationnelle Innovante (P2I)
La mise en place de P2I suppose de la part des entreprises de s’intéresser à certaines
caractéristiques du SCM : les motivations, le contexte, les acteurs, les barrières et les objectifs
de performance.
6.1.1 Les motivations
Les principales motivations concernant les P2I sont internes et/ou externes. La volonté
de collaborer avec un partenaire de la supply chain reste un facteur essentiel de l’innovation
L'innovation managériale dans le supply chain management : étude des facteurs d'influence 85
© Revue Française de Gestion Industrielle Vol. xx, n° yy
managériale. D’autres motivations tels que les bénéfices financiers obtenus grâce à la
réduction des coûts, la pression ou le soutien de la direction ou des actionnaires et
l’environnement concurrentiel de plus en plus turbulent et financièrement risqué sont
également importantes et doivent être prises en considération par les entreprises lors du
déploiement d'une P2I. Ces motivations représentent à elles seules plus de 65% des raisons
qui ont conduit les entreprises à innover dans leur SC.
6.1.2 Le contexte
Les éléments de contexte qui vont avoir une incidence sur les P2I sont pour la plupart
internes à l’entreprise et non liés à ses partenaires externes (clients ou fournisseurs). Les
innovations managériales supposent en effet un contexte interne favorable et notamment un
niveau de communication élevé pour permettre des échanges d’information nombreux et
riches au sein de l’entreprise (entre département ou filiales). De plus, quand les entreprises
souhaitent innover, elles doivent être attentives aux compétences internes dont elles
disposent. Elles doivent également évaluer les besoins et difficultés internes auxquels elles
vont être confrontées en cas de déploiement d'une P2I. La communication, les compétences,
les besoins et les difficultés internes représentent près de 70% des contextes d’innovation.
6.1.3 Les acteurs
A l’exception de la direction et des actionnaires qui sont relativement éloignés des
problématiques logistiques et supply chain, la plupart des initiateurs des P2I sont des
acteurs qui sont directement et significativement concernés par cette question de
l’innovation managériale dans la SC. Le département logistique et SC initie à lui seul 32%
des innovations. Les fournisseurs et les équipes projet qui sont également des acteurs
importants des P2I ne représentent quant à eux que 11%. Ces quatre différents types
d’acteurs expliquent 66% du déploiement des P2I.
6.1.4 Les barrières
Les quatre principales barrières et contraintes auxquelles les entreprises sont
confrontées, quand elles souhaitent concevoir et déployer des P2I sont (par ordre
d’importance) : les barrières logistiques et SC (comme la gestion des stocks, les prévisions de
la demande et la planification de la SC), celles liées aux partenariats internes et externes (par
exemple, la communication, la confiance, l’implication et la motivation des partenaires), le
management de projet et les difficultés associées (tels que la définition du périmètre et le
management de sa complexité), et pour finir, les barrières liées au manque de ressources
humaines (concernant notamment les compétences techniques et/ou managériales).
6.1.5 Les objectifs de performance
En innovant avec leurs partenaires SC, les entreprises cherchent à améliorer leur
performance dans les dimensions traditionnelles (flexibilité, productivité, qualité et
optimisation des stocks). Elles espèrent profiter des capacités de leurs partenaires logistiques
pour innover dans leurs pratiques, pour gérer les risques supply chain, pour répondre aux
exigences de leurs clients et ainsi accroitre leur compétitivité et leur performance. 71% de la
performance attendue est expliquée par ces quatre critères traditionnels.
6.2 Les Pratiques Inter-organisationnelles Innovantes (P2I)
Les innovations dans les P2I sont principalement associées au Lean manufacturing, à la
collaboration externe amont et aval, aux systèmes et aux technologies d’information et à la
86 Blandine Ageron et Olivier Lavastre
© Revue Française de Gestion Industrielle Vol. 34, N° 4
conception de réseaux logistiques. Ces quatre stratégies (P2I) représentent 60% des
innovations managériales dans le SCM et concernent le management des flux et des
processus logistiques.
6.3 La performance du Supply Chain Management (SCM)
Evaluer la performance de leurs P2I est essentielle pour les entreprises qui cherchent à
accroitre leur performance et celle de l’ensemble de leur chaîne logistique via l’innovation.
Cette évaluation doit être réalisée en identifiant les objectifs de performance appropriés et
pertinents. A cet égard, nous observons qu’il n’existe aucune différence entre les objectifs
attendus et ceux qui sont réellement atteints et leur contribution à la performance de la SC.
Les quatre objectifs traditionnels de la SC participent à hauteur de 72% à la performance
globale obtenue.
7. Apports, limites et pistes de recherche
L'objectif de notre recherche est, au travers d'un modèle de recherche conceptuel et
d'une enquête quantitative réalisée auprès de 170 Supply Chain Managers, de comprendre
ce qui caractérise les innovations managériales dans le SCM, à travers l’analyse et la
discussion des P2I, des caractéristiques du SCM (motivations, contexte, acteurs, barrières et
objectifs de performance) et de leurs impacts sur la performance de la chaîne logistique.
7.1 Apports théoriques, méthodologiques et managériaux de la recherche
Notre recherche présente des apports théoriques intéressants dans le champ de
l’innovation managériale. Tout d’abord, elle questionne la dimension inter-organisationnelle
des innovations à travers l’étude de P2I. Ensuite, elle indique quelles sont les dimensions les
plus importantes à prendre en compte quand on cherche à étudier de telles innovations.
D'un point de vue méthodologique, cet article a été une première étape d’une
recherche conduite sur plusieurs années sur cette thématique des innovations managériales
dans le SCM. Nous avons ainsi prolongé cette recherche initiale en proposant un premier
article dont l’objectif a été de développer et de valider un instrument de mesure des
Pratiques Inter-organisationnelles Innovantes (P2I) dans le Supply Chain Management
(Lavastre et al., 2014b). Suite à cela, nous avons conduit une recherche complémentaire dont
l’objectif a été de caractériser les Pratiques Inter-organisationnelles Innovantes (P2I) dans le
contexte du SCM et à évaluer leurs effets sur la performance de la supply chain (Lavastre et
al., 2014a).
D'un point de vue managérial, lors du déploiement d'une P2I avec une approche
collaborative interne et/ou externe, les managers doivent être conscients de l’importance de
certains éléments (motivations, contexte, acteurs, barrières et objectifs de performance). A cet
égard, notre recherche peut constituer un outil d'audit. Celui-ci peut les amener à
questionner et à analyser tous ces éléments qui sont autant de leviers sur lesquels s'appuyer
pour réussir ce déploiement. Même si la collaboration externe avec ses fournisseurs et/ou
ses clients demeure un élément clé de l’innovation, notre recherche montre que la réduction
des coûts, le soutien de la direction et les problématiques environnementales doivent être
discutés et envisagés comme sources importantes d’innovation. En innovant avec leurs
partenaires, les entreprises espèrent accroitre leur performance sur des dimensions
traditionnelles comme la flexibilité, la productivité, la qualité et l’optimisation des stocks.
L'innovation managériale dans le supply chain management : étude des facteurs d'influence 87
© Revue Française de Gestion Industrielle Vol. xx, n° yy
7.2 Limites et pistes de recherche
Notre étude présente un certain nombre de limites. Notre questionnaire n’a été
administré qu’en France, introduisant un biais culturel du fait des conditions économiques
et industrielles de ce pays et de par la maturité des entreprises françaises dans le SCM. Une
étude comparative avec d’autres pays serait intéressante pour confronter notre recherche à
d’autres contextes. Par ailleurs, une grande partie des entreprises de notre échantillon sont
des grandes entreprises qui appartiennent au secteur industriel. Une étude complémentaire
se focalisant sur les PME ou sur les entreprises de service permettrait d’enrichir et de
prolonger notre travail. Nous souhaiterions également conduire une recherche visant à
étudier les relations entre les caractéristiques organisationnelles d'une entreprise (et
notamment sa stratégie, sa structure et sa culture) et la performance des P2I déployées.
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