Revue Française de Gestion Industrielle
Vol. 34,N° 4
© Revue Francaise de Gestion Industrielle Vol.34, N° 4
LE LEAN MANUFACTURING DANS L’INDUSTRIE
FRANÇAISE: ETATS DES LIEUX ET
IMPLICATIONS PRATIQUES
Tarek CHANEGRIH
*
& Jordane CREUSIER
*
Résumé: - Cet article dresse un panorama de l’utilisation du Lean interne
et externe en France. Il s’intéresse également à la façon avec laquelle les
entreprises qui ont recours à cette philosophie de management changent leurs
pratiques de contrôle de gestion. Enfin, il mesure l’impact d’une démarche Lean
sur les performances opérationnelles des entreprises. Les résultats de la
recherche, menée auprès de 144 entreprises, montrent pour le Lean interne une
grande maturité du secteur automobile. Ils révèlent également le train d’avance
qu’ont les secteurs comme l’aéronautique, l’électronique et la pharmacie. En
revanche, pour le Lean externe, l’industrie automobile et l’industrie aéronautique
se disputent les premières places en termes de degré de mise en place. Par
ailleurs, les résultats montrent que les entreprises engagées dans une démarche
de Lean manufacturing ont tendance à changer leurs pratiques de contrôle pour
accompagner cette philosophie de management. Enfin, un degré avancé dans la
mise en place du Lean manufacturing se traduit par l’amélioration des
performances opérationnelles.
Mots clés : Lean Manufacturing ; Pratiques de contrôle ; Lean interne ; Lean externe
1. Introduction
Le Lean manufacturing, composante principale du paysage industriel outre-
Atlantique, est la stratégie la plus utilisée par les entreprises américaines visant l’excellence
opérationnelle (Womack et Jones, 2003). Le succès de cette philosophie de management,
d’origine nipponne, a amené de nombreux chercheurs et praticiens anglo-saxons à
s’intéresser au Lean manufacturing. Toutefois, malgré un engouement des entreprises
* Maître de Conférences, Université de Caen, IAE de Caen, 3, Rue Claude Bloch 14075 Caen Cedex,
tarek.chanegrih@unicaen.fr
*
Maître de Conférences, Université de Picardie, IUT de Salouël, Avenue des Facultés, 80025 Salouël, creusier.jordan@hotmail.fr
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Tarek CHANEGRIH & Jordane CREUSIER
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opérationnelle (Womack et Jones, 2003). Le succès de cette philosophie de management,
d’origine nipponne, a amené de nombreux chercheurs et praticiens anglo-saxons à
s’intéresser au Lean manufacturing. Toutefois, malgré un engouement des entreprises
françaises pour le Lean manufacturing et l’intérêt que lui ont porté un certain nombre de
chercheurs et de praticiens français (Beauvallet et Houy 2009), cette thématique de recherche
reste encore sous-explorée.
Cet article a pour objectif de dresser un panorama de l’utilisation du Lean
manufacturing dans les entreprises industrielles françaises. L’intérêt d’une recherche
exploratoire sur les outils du Lean manufacturing se justifie par le fait que de nombreuses
entreprises industrielles françaises en quête d’excellence opérationnelle ont fait le choix de
recourir à cette stratégie (Beauvallet et Houy 2009), dans un contexte marqué par
l’impérieuse nécessité d’une utilisation efficiente des ressources (Cohen and Buigues 2014).
Les études anglo-saxonnes antérieures qui se sont intéressées à la mise en place du
Lean manufacturing ont utilisé des échelles de mesure restrictives et centrées exclusivement
sur la production (Shah and Ward, 2003; Li et al, 2005) (la production en flux tiré,
l’amélioration continue des flux, la réduction du temps de lancement des machines, la
maîtrise statistique des procédés, l’implication des salariés et la maintenance préventive).
Toutefois, le prix Shingo (2010) qui récompense les entreprises les plus à la pointe dans la
mise en place du Lean met l’accent sur la transformation culturelle permettant d’intégrer les
principes de l’excellence opérationnelle aussi bien en interne qu’avec les relations clients et
fournisseurs. Cette étude mobilise donc les échelles de mesure les plus récentes pour mieux
refléter le paysage du Lean manufacturing en France et dresser un panorama fouillé des
pratiques associées à cette stratégie de production.
Au-delà de ce panorama, ce papier s’intéresse également à la façon dont les entreprises
qui mettent en place le Lean manufacturing font évoluer leurs pratiques de contrôle de
gestion. En effet, de nombreuses entreprises industrielles américaines ont changé leurs
pratiques de contrôle pour être en phase avec la mise en place du Lean manufacturing
(Fullerton et al, 2013). Plus particulièrement, ces entreprises remplacent les systèmes de
calcul de coûts traditionnels par « la Value Stream Costing » (VSC) ou chaîne de valeur des
coûts. Elles simplifient également le système de reporting et la procédure de suivi des stocks.
Elles ont tendance à privilégier l’habilitation des salariés ou « empowerment » (Ragaigne et
al. 2014) qui permet aux opérationnels d’apprécier directement la situation et de prendre les
décisions les plus judicieuses. Enfin, elles utilisent une information sur la mesure de la
performance plutôt visuelle qui facilite le pilotage de la performance par les acteurs du
terrain.
Enfin, cet article cherche à explorer l’impact de la mise en place des outils du Lean
manufacturing sur les performances opérationnelles des entreprises. Nous allons ainsi nous
intéresser aux conséquences de l’adoption de ce type de stratégie sur des indicateurs clés
comme par exemple, les rebuts et les retouches, les temps de réglage des machines, les files
d’attente et les temps de déplacement, les temps d’arrêt des machines, la taille des lots et les
temps de cycle financiers.
Ce papier s’articule de la manière suivante. Les éléments les plus significatifs relatifs à
la genèse du Lean manufacturing seront développés dans un premier point. Les outils et les
pratiques du Lean interne et externe seront présentés dans un deuxième temps. Une
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ET IMPLICATIONS PRATIQUES
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troisième partie abordera la thodologie employée. Une quatrième partie développera une
analyse des résultats de la recherche.
2. La genèse du Toyota Production System
2.1
Ohno ou l’obsession des lots de tailles faibles
Le Lean manufacturing trouve ses sources dans le Toyota Production System (TPS), qui
lui-même est le fruit de flexions et d’initiatives menées par Taiichi Ohno chez Toyota,
durant trois décennies (Ohno, 1988). C’est dans cette entreprise, créée en 1918 et ayant
commencé la fabrication de camions en 1935 et de voitures en 1936, que cet ingénieur en
canique a été recruté en 1932. Curieux, il a commencé tout d’abord par analyser les
systèmes de production des entreprises occidentales de l’époque et a retenu deux idées
essentielles. La première est que la fabrication de grands volumes se traduisait par des coûts
de stockage élevés et une probabilité de survenance des défauts importante. La deuxième est
l’incapacité de ces entreprises à offrir une production diversifiée pour répondre aux besoins
et préférences des clients. Cette leçon, Ford l’a apprise à ses dépens dans les années 1920
lorsque les ventes de la Ford T ont régressé. Les clients préféraient acheter des voitures de la
marque Chevrolet en deuxième-main mais qui offraient des choix en matière de coloris et
d’options. En souhaitant étoffer son offre, l’entreprise a mis une année pour développer la
Ford modèle A alors qu’en même temps GM arrivait à avancer dans l’idée d’une voiture
pour chaque besoin et chaque but. Malgré cette évolution importante, Ohno est resté
persuadé que GM n’avait pas abandonné la production de masse de Ford puisque l’objectif
restait l’utilisation de composants standards fabriqués en lots importants.
Depuis 1948, Ohno a fait du concept de faible lot de fabrication son cheval de bataille
(Holweg, 2007). Son principal objectif était la réduction des coûts à travers la chasse au
gaspillage. Ohno, en visitant des entreprises de l’industrie automobile américaine en 1956, a
développé de nombreuses idées, dont la principale est le « Kanban supermarket » qu’il a
introduit chez Toyota. Il était persuadé de la nécessité de produire et de réceptionner les
composants dans des lots de taille faible. Ainsi, Ohno fera évoluer la procédure de
changement d’outil pour produire une grande variété avec des lots de taille faible. Plus tard
ce dispositif a été encore amélioré par Shingo qui a été recruté comme consultant chez
Toyota en 1955 et qui a développé le SMED (single-minute exchange of dies). Ainsi, pour la
première fois dans l’histoire de l’entreprise industrielle, une entreprise a développé la
capacité de fabriquer une variété considérable de produits avec des lots faibles à coûts
réduits, à contre-courant de la croyance de la supériorité de la production de masse.
Rétrospectivement, ces changements étaient révolutionnaires pour l’époque.
2.2
Le TPS : un système hybride propulsé par le choc pétrolier
Ohno ne disposait pas d’une expérience particulière dans l’industrie automobile. C’est
sans idées préconçues et plutôt guidé par son bon sens et sa curiosité qu’il a réussi à marquer
de son empreinte l’évolution des systèmes de production. Sous son influence, les ingénieurs
de fabrication de Toyota ont adopté sélectivement quelques principes du système Ford qu’ils
ont combinés avec de nouvelles idées aussi originales qu’ingénieuses. Ils ont également
capitalisé sur les expériences réussies des entreprises du secteur textile. Ainsi, ce serait un
mythe de croire que le système Toyota était une pure invention du génie des praticiens
japonais de l’industrie automobile et ce bien sûr, sans nier l’extraordinaire capacité
entrepreneuriale des managers de production japonais. Ces derniers ont, en effet, réussi à
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importer des idées, ayant fait leur preuve dans un contexte américain fondamentalement
différent, et à les adapter ensuite à leur contexte particulier. Le TPS n’est ni purement
originale ni totalement une imitation. C’est un système hybride (Fujimoto, 1999). Ce n’est pas
une invention au sens premier du terme mais le résultat d’un processus d’apprentissage et
d’adaptation des pratiques des industries automobiles et textiles occidentales aux
contingences auxquelles faisaient face Toyota au Japon à ce moment-là (Holweg, 2007).
Le TPS n’a vraiment été formalisé (en japonais) qu’à partir de 1965 lorsque le besoin
s’est fait sentir de l’étendre aux fournisseurs de Toyota. Les deux chocs pétroliers, surtout le
second, ont joué un rôle d’accélérateur dans le processus de vulgarisation et de légitimation
de la philosophie de Toyota hors des frontières Japonaises. A la fin des années 1970 et au tout
début des années 1980, les importations de voitures japonaises aux Etats-Unis, en constante
augmentation, ont défrayé la chronique. Cet état de fait est devenu un vrai problème pour
l’industrie automobile américaine au point que Henry Ford II n’a pas hésité à parler d’un
« Pearl Harbor économique » (Holweg, 2007). Dès 1982, les autorités américaines ont instau
des restrictions à l’importation de voitures japonaises.
La médiatisation de cette nouvelle stratégie de production a renouvelé l’intérêt des
chercheurs et praticiens sur l’étude de l’avenir de l’industrie automobile. Un programme de
grande envergure a été lancé en 1979 pour étudier le rôle de l’automobile dans le futur
(Holweg, 2007). Le TPS a éformellement introduit en occident en 1984 aux Etats-Unis avec
la joint-venture NUMMI entre Toyota et General Motors mais son transfert informel s’est
opéré bien avant cette date (Shah et Ward, 2007).
3. Le Lean manufacturing : une philosophie et des pratiques
A ses débuts, le TPS a été popularisé en occident sous le vocable de juste-à-temps mais
le « best-seller » de Womack et al (1991), intitulé la machine qui va changer le monde,
consacra la dénomination de Lean manufacturing. En effet, ce concept bien qu’il se soit
fortement appuyé sur le principe du juste-à-temps, s’est vu greffé un ensemble d’outils et de
pratiques cohérents formant ce qu’il est admis d’appeler aujourd’hui Lean manufacturing.
Cette stratégie de production cherche à éliminer les gaspillages et privilégie une production
en flux tirés par la demande. Elle s’appuie sur l’implication des hommes et la mobilisation
des outils comme la qualité totale (TQM), le juste-à-temps (JIT), la TPM (Total Preventive
Maintenance) et la maîtrise statistique des procédés (SPC). Les entreprises qui optent pour le
Lean manufacturing se réorganisent en cellules autonomes de production et en chaînes de
valeur pour améliorer les performances opérationnelles mesurées par les coûts, la qualité, la
flexibilité et les délais de livraisons aux clients. Dans ce type d’environnement, les décisions
qui étaient anciennement confiées aux managers sont désormais prises par les équipes
présentes sur le terrain. Ainsi, à l’organisation fonctionnelle classique se substitue une
organisation en chaînes de valeur orientées prioritairement vers la satisfaction du client.
Deux perspectives d’approche ont été observées pour décrire le Lean manufacturing.
La première est d’ordre philosophique. Elle met en avant ses principes et ses buts généraux
(Womack et Jones, 1996). La deuxième privilégie un point de vue pratique. Dans cette
approche, le Lean manufacturing est appréhendé comme étant un ensemble de pratiques,
d’outils et de techniques mobilisés par les managers de terrain pour améliorer la
performance de l’entreprise (Shah et Ward, 2003 ; Li et al, 2006). C’est cette optique qui est
retenue dans ce papier. Ainsi, nous reprenons les 48 pratiques/outils identifiés par Shah et
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Ward (2007) pour mener nos investigations auprès des entreprises industrielles françaises.
Cet ensemble d’outils représente l’espace opérationnel qui délimite le Lean manufacturing. Il
s’inscrit dans une perspective qui dépasse le cadre de l’usine au sens strict. Ainsi, au-delà des
activités productives classiquement concernées par le Lean manufacturing, les outils
nécessaires à la coopération avec les fournisseurs et les clients sont également intégrés,
comme préconisé par les recherches les plus centes dans le domaine (Hofer et al, 2012). Le
Lean manufacturing est ainsi subdivisé en deux parties : le Lean interne et le Lean externe.
Le Lean interne est constitué de 6 dimensions :
- PULL (flux tirés par la demande) : faciliter la production en juste-à-
temps. Celle-ci est tirée par la demande.
- FLOW (flux continus) : mettre en place des dispositifs capables d’aider
la production en flux continus.
- SETUP (temps de préparation et de démarrage) : réduire le temps de
préparation et de démarrage des postes de travail.
- TPM (maintenance préventive) : se focaliser sur un suivi complet et
régulier de toutes les opérations de maintenance des équipements.
- SPC (maîtrise statistique des procédés) : la maîtrise statistique des
procédés est déployée sur la majorité des équipements de production afin de
réduire la variabilité des processus.
- EMPINV (implication des opérationnels) : les opérateurs jouent un rôle
clef au sein des équipes de résolution de problème. Ils émettent des suggestions
d’amélioration et pilotent des chantiers d’amélioration.
Le Lean externe est formé de 4 dimensions :
- SUPPFEED (retour aux fournisseurs) : être en relation étroite avec les
fournisseurs et leur fournir un retour régulier sur leurs performances.
- SUPPJIT (les fournisseurs livrent en juste-à-temps) : s’assurer que les
fournisseurs livrent la bonne quantité au bon moment et au bon endroit.
- SUPPDEVT (implication des fournisseurs dans la fabrication) : prendre
des mesures concrètes pour mieux impliquer les fournisseurs dans le processus
de fabrication de l’entreprise.
- CUSTINV (focalisation sur les clients) : se focaliser sur les besoins et les
souhaits des clients.
Ainsi, nous conceptualisons dans cet article le Lean manufacturing comme un
ensemble de pratiques liées au Lean interne et au Lean externe. Ce dernier regroupe deux
pôles, les fournisseurs (retour régulier aux fournisseurs, livraison des fournisseurs en juste-à-
temps, implication des fournisseurs dans le processus de fabrication) et les clients
(focalisation sur les besoins des clients).
4. Méthodologie
Pour cette recherche exploratoire, un questionnaire servant à mesurer le degré de mise
place du Lean manufacturing a été créé. Il permet également aux personnes interrogées de se
prononcer sur les pratiques de contrôle mobilisées dans leurs entreprises ainsi que sur les
performances opérationnelles observées durant les trois dernières années. Plus précisément,
nous avons utilisé l’échelle de mesure du Lean manufacturing de Shah et Ward (2007). Cette
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Tarek CHANEGRIH & Jordane CREUSIER
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échelle est composée de 48 items mesurant 10 dimensions du Lean manufacturing. C’est une
échelle beaucoup plus complète que celles déjà mobilisées dans d’autres recherches menées
outre-Atlantique (Shah et Ward 2003 ; Li et al. 2005). Les cinq pratiques de contrôle de
gestion étudiées dans cette recherche sont la chaîne de valeur des coûts, la simplification du
reporting, la simplification de la procédure de suivi des stocks, l’habilitation des salariés ou
« empowerment » et l’utilisation d’une information visuelle sur la mesure de la performance.
L’échelle de mesure de la performance opérationnelle est composée de 6 items (rebuts et
retouches, temps de réglage des machines, files d’attente et temps d’arrêt et de déplacement,
temps d’arrêt des machines, taille des lots et temps de cycle financier). Toutes ces mesures
sont des échelles de Likert en 5 points allant de (1) pas du tout mis en place à (5)
complètement mis en place pour l’échelle du Lean manufacturing et de (1) pas du tout
d’accord à (5) tout à fait d’accord pour les pratiques de contrôle. Concernant la performance,
ces échelles vont de (1) baisse significative à (5) hausse significative sur les trois dernières
années.
Secteur d'activité
Nombre
%
Agroalimentaire
14
9,7
Fabrication de machine
11
7,6
Pharmacie
19
13,2
électronique
9
6,3
Aéronautique
19
13,2
Automobile
48
33,3
Autres processus continus
24
16,7
Total
144
100
Tableau 1: Les secteurs d’activités de l’échantillon
Pour constituer notre échantillon, nous avons contacté 972 managers actuellement en
poste dans les différents secteurs industriels. Le questionnaire était accompagné d’une lettre
expliquant l’objet de notre étude. Il était demandé aux managers de ne répondre que si leur
entreprise s’était déjà engagée de manière formelle dans une démarche de mise en place du
Lean manufacturing.
Un mois après le premier envoi, une relance a été effectuée auprès des managers qui
n’avaient pas encore répondu à l’enquête. Au final, un taux de réponse de 14,8
% a éobtenu. Chaque réponse correspond à une usine unique. Ainsi notre échantillon est
constitué de 144 sites de production. Le tableau 1 résume les caractéristiques de l’échantillon.
5. Résultats
5.1
Le degré d’adoption des outils du Lean interne
Les résultats de l’étude empirique montrent qu’en moyenne les outils et pratiques du Lean
interne sont plutôt bien adoptés par les entreprises françaises
1
(tableau 2). Ces firmes semblent
avoir opté pour la mise place simultanée d’un maximum d’outils au niveau des usines. Elles
semblent miser sur une approche intégrée d’un ensemble cohérent de pratiques constituant le
Lean interne. Cela devrait le rendre « rare » et difficile à imiter par les entreprises
concurrentes. En effet, ce n’est pas l’adoption isolé d’outils qui permet au Lean d’exprimer
tout son potentiel mais plutôt les interrelations entre ceux-ci qui permettent aux entreprises
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qui y ont recours d’améliorer leurs performances (Shah and Ward 2007).
Production en
flux tirés
Amélioration
des flux
Réduction
temps de
lancement
machines
Maîtrise
statistique
des procédés
Implication
des
opérationnels
Maintenance
preventive
Globale
66,5
69,8
66,9
62,6
64,1
66,4
Agroaliment
aire (%)
60,4
63,6
64,3
56,0
61,4
67,9
Fabric. de
machines
62,7
65,0
61,2
50,5
56,4
49,5
Pharmacie
(%)
59,7
66,3
64,6
68,0
57,9
71,3
Electronique
(%)
62,8
60,0
67,4
53,3
58,9
65,0
Aéronautiqu
e (%)
60,5
71,8
64,9
62,3
64,5
60,8
Automobile
(%)
78,6
77,0
75,1
72,3
72,8
72,6
Autres
Processus
continus (%)
58,8
65,8
57,5
52,0
58,1
62,1
Tableau 2 : Degré de mise en place du Lean interne
Les pourcentages de mise en place des six dimensions du Lean interne présentent des
différences allant jusqu’à plus 20% en fonction du secteur d’activité. Au niveau global, le
maximum est atteint pour la recherche de flux continus dans la production (69,8%) suivi par
la réduction du temps de glage et de démarrage des machines (66,9%) et la production en
flux tirés (66,5). L’utilisation de la TPM (66,4%), l’implication des employés 64,1%) et la
maîtrise statistique des procédés (62,6%) clôturent le tableau. Il semble logique que les
entreprises industrielles françaises, soucieuses de l’excellence opérationnelle dans un
contexte économique difficile, mettent l’accent sur les outils classiques et historiquement
fondateurs du Lean manufacturing. Elles relèguent un peu au second plan une pratique
comme la maîtrise statistique des procédés. Cette dernière pratique devrait ainsi venir
compléter les outils du Lean interne dans un second temps comme nous l’observons dans le
secteur automobile qui l’utilise déjà à 72,3%. Il est également intéressant de noter que les
répondants estiment qu’une marge de progression est également possible pour améliorer
l’implication des opérationnels afin d’atteindre les objectifs stratégiques de l’entreprise.
1
L’ensemble des statistiques descriptives présentées dans cet article ont été réalisées à partir de données collectées
sous forme d’échelles de Lickert en 5 points. De plus, chaque élément mesuré est constitué de 1 à 7 items. Ainsi, les scores bruts
diffèrent d’un élément à un autre rendant les comparaisons difficiles à exploiter. En effet, dans cette configuration initiale un
score de 15 peut être la valeur maximum pour un élément du Lean (mesuré par 3 items), il est alors considéré comme
pleinement mis en place. Pour un autre élément (mesuré par 7 items), ce même score de 15 représente moins de 50% de mise en
place. Afin d’éliminer cet effet, toutes les valeurs ont été transformées en base 100. Ainsi, il est beaucoup plus aisée et intuitif de
comparer les différents éléments présents dans cette étude
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L’industrie automobile, terrain de prédilection du Lean interne et secteur qui a vu
l’émergence du TPS, occupe la première place sur les six dimensions qui constituent le Lean
interne. Ce résultat est très intéressant et montre que l’industrie automobile maintient son
avance dans l’adoption des outils et pratiques du Lean interne. Cette maturité industrielle
donne une longueur d’avance aux cadres de ce secteur. Ces derniers éprouvant quelques
difficultés dans un secteur, depuis quelques temps en tension, se voient offrir des
opportunités parfois très intéressantes pour importer les outils Lean dans d’autres secteurs,
plus porteurs. Les deuxièmes places sont occupées par les entreprises du secteur
aéronautique (flux continus et implications des salariés), du secteur pharmaceutique
(maîtrise statistiques des procédés et TPM) et du secteur électronique (production en flux
tirés et duction du temps de lancement des machines). Ainsi, nos résultats montrent que
les industries d’assemblage utilisent plus largement le Lean interne que les industries à
processus continus. Plus spécifiquement, l’industrie automobile, aéronautique et
électronique semblent des secteurs en avance dans l’adoption des outils du Lean interne. Le
fait que l’industrie pharmaceutique dépasse, pour la TPM et la maîtrise statistiques des
procédés, l’électronique et l’aéronautique témoigne également du caractère stratégique du
Lean interne dans un secteur qui, après avoir vécu des années de forte croissance, commence
à ressentir fortement les effets d’une concurrence mondialisée. Plus particulièrement, cette
avance, par rapport à des secteurs comme l’électronique (réputés friands de ce type de
pratiques) sur deux outils qui ne font pas partie des outils historiques du TPS est un signal
fort de l’importance stratégique accordée à cette philosophie. Elle met en exergue également
le chemin parcouru par le secteur pharmaceutique dans la quête de l’excellence
opérationnelle en un temps relativement court. Le tablesau 3 présente les resultats relatifs à
quelques cas concrets. Ce ne sont pas bien entendu des moyannes de chaque entreprise mais
plutôt les résultats relatifs a des sites de production. Ils ne veulent en aucun cas dire que telle
entreprise est la plus en avance (en retard) par rapport aux autres.
Producti
on en
flux tirés
Amélioratio
n
des
flux
Réduction
temps de
lancement
machines
Maîtrise
statistique
des
procédés
Implicatio
n des
opérationn
els
Maintenance
preventive
SAFRA
N
75,0
100,0
93,3
3
6,
0
65,0
70,0
RENAU
LT
85,0
95,0
100,0
7
2,
0
80,0
60,0
VALEO
40,0
45,0
66,7
8
8,
0
75,0
80,0
BOSCH
80,0
90,0
80,0
9
2,
0
75,0
90,0
Tableau 3 : Degré de mise en place du Lean interne dans quelques
sites de grandes entreprises
5.2
Le degré d’adoption des outils du Lean externe
Les outils et pratiques du Lean externe sont également bien utilisés par les entreprises
de notre échantillon (tableau 4). Toutefois, les écarts sont plus importants en comparaison
des chiffres observés pour le Lean interne. Au niveau global, la focalisation sur les besoins
des clients est mise en place à 80,4 % par les entreprises alors que l’implication des
fournisseurs dans le processus de fabrication n’est mis en place qu’à hauteur de 57,9%. Il est
intéressant de noter que ces scores sont respectivement les plus forts et les plus faibles de
tous les outils du Lean qu’ils soient internes ou externes. La nécessité de fournir un retour
régulier aux fournisseurs est également bien représentée (75,2%) ainsi que la livraison des
fournisseurs en juste-à-temps (64%)
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Retour
régulier aux
fournisseurs
Livraison
fournisseurs en
juste-à- temps
Implication
fournisseurs dans
le processus de
fabrication
Focalisatio
n sur les
besoins des
clients
Globale
75,2
64,0
57,9
80,4
Agroalimentaire
79,0
55,7
57,6
78,6
Fabrication de
machine
76,4
63,0
59,1
80,9
Pharmacie
71,2
63,2
54,9
78,7
électronique
66,7
55,6
55,6
71,7
Aéronautique
81,8
65,3
61,4
85,5
Automobile
77,6
72,8
61,5
80,3
Autres Processus
continus
68,9
54,4
50,7
82,1
Tableau 4: Degré de mise en place du Lean externe
Les entreprises de l’industrie aéronautique occupent la première place sur deux
dimensions : fournir un retour régulier aux fournisseurs et se focaliser sur les souhaits et
besoins des clients. Elles occupent également les deuxièmes places sur les deux autres
dimensions à savoir, la livraison des fournisseurs en juste-à-temps et l’implication des
fournisseurs dans le processus de fabrication de l’entreprise. La forte montée en cadence des
fabrications dans ce secteur ces dernières années et le plan de charge très prometteur pour
les années à venir semblent amener les entreprises, de ce secteur phare dans les exportations
françaises, à accorder une importance capitale à l’intégration des fournisseurs et des clients
dans une perspective de démarche Lean. Cela nous semble être une réplication du
phénomène observé dans l’industrie automobile il y a quelques années.
Le secteur automobile tire également son épingle du jeu. Il truste les premières places
quand il faut s’assurer que les fournisseurs livrent la bonne quantité au bon moment et au
bon endroit mais également pour prendre les mesures concrètes afin d’impliquer les
fournisseurs dans le processus de fabrication de l’entreprise. Ces résultats témoignent de
l’importance de la relation avec les fournisseurs dans un secteur la valeur ajoutée des
fournisseurs est d’une première importance. Toutefois, il n’est que troisième sur la
dimension retour aux fournisseurs et bon quatrième sur la dimension relative à la nécessité
de se focaliser sur les besoins et souhaits des clients. La suprématie du secteur automobile
observée dans son avance incontestable dans la mise en place du Lean interne semble lui être
disputée pour le Lean externe.
Par ailleurs, si l’industrie pharmaceutique occupe des places plutôt honorables en
matière de Lean interne, les entreprises de ce secteur sont reléguées au second plan pour le
Lean externe sauf pour la livraison des fournisseurs en juste-à-temps. Ce résultat semble
logique dans la mesure dans ce secteur la dépendance de la performance opérationnelle
est moindre par rapport aux relations avec les fournisseurs que dans d’autres secteurs. En
revanche, les industries à processus continus confirment leur faible degré de maturité dans
l’adoption du Lean externe à l’instar de ce qui a été déjà été observé pour le Lean interne. Le
tableau 5 fournit les rèsultats relatifs à quelques cas concrets. Ce ne sont pas bien sûr des
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moyennes de chaque entreprise mais plutôt les rèsultats relatifs à des sites de production
particuliers. Ils ne veulent en aucun dire que telle entreprise est le plus en avance (en retard)
par rapport aux autres.
Retour
régulier aux
fournisseurs
Livraison
fournisseurs en
juste-à-temps
Implication fournisseurs
dans le processus de
fabrication
Focalisation
sur les besoins
des clients
SAFRAN
93,3
86,7
63,3
90,0
RENAUL
T
73,3
80,0
56,7
60,0
VALEO
80,0
73,3
70,0
85,0
BOSCH
86,7
80,0
73,3
100,0
Tableau 5 : Degré de mise en place du Lean externe dans quelques sites de
grandes entreprises
5.3
L’impact de la mise en place du Lean manufacturing sur les pratiques de
contrôle
Les résultats de l’étude terrain montrent que les pratiques de contrôle ont changé dans
une large proportion pour accompagner la mise en place du Lean manufacturing (tableau 6).
En effet, les cinq pratiques de contrôle étudiées ont été mises en place à plus de 50% au
niveau global. Plus particulièrement, le recours à un système de mesure de la performance a
été mis en place à 73,3% et la simplification de la procédure du suivi des stocks a été mise en
place quant à elle à hauteur de 71,2%.
Chaîne de
valeur des
coûts
Habilitation
des salariés
Information
visuelle sur la
performance
Simplificatio
n
du suivi
des stocks
Simplification
du reporting
Globale
53,5
66,4
73,3
71,2
62,6
Agroaliment
aire
51,4
65,9
75,9
74,8
65,0
Fabrication
de machine
40,0
63,1
62,1
60,6
54,1
Pharmacie
56,8
65,4
71,3
70,9
68,2
électronique
42,2
54,3
57,8
60,7
57,2
Aéronautiqu
e
52,6
67,5
74,7
70,9
64,5
Automobile
62,5
72,4
83,3
77,2
66,3
Autres
Processus
Continus
45,0
60,8
63,2
66,1
54,0
Tableau 6 : Impact de la mise en place du Lean sur les changements dans les
pratiques de contrôle
A l’instar du degré de mise en place du Lean interne, les premières places sont trustées par
l’industrie automobile. Elle n’est dépassée que sur la dimension relative à la simplification
des systèmes de reporting par l’industrie pharmaceutique. Cet intérêt des entreprises du
secteur pharmaceutique pour un reporting plus simple semble confirmer la volonté de
l’entreprise à améliorer la réactivité dans un contexte plus concurrentiel qu’auparavant. Les
entreprises de l’industrie automobile qui ont atteint le degré de mise en place le plus élevé
pour le Lean interne changent également de manière plus marquée leurs pratiques de
contrôle. A l’inverse, les industries à processus continus qui occupaient les dernières places
pour le degré de mise en place du Lean interne occupent également les dernières places sur
LE LEAN MANUFACTURING DANS L’INDUSTRIE FRANÇAISE : ETATS DES LIEUX
ET IMPLICATIONS PRATIQUES
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© Revue Francaise de Gestion Industrielle Vol.34, N° 4
les pratiques de contrôle. Il est intéressant de noter toutefois, que malgré un degré de mise
en place du Lean relativement faible, les entreprises du secteur agro- alimentaire occupent
respectivement les deuxièmes places pour le management visuel et la simplification du suivi
des stocks et les troisièmes places pour l’empowerment (habilitation des salariés) et la
simplification du reporting. Cette plus grande adaptation des pratiques de contrôle semble
témoigner d’une volonté des directions des entreprises de ce secteur d’opter pour de
nouvelles pratiques de contrôle pour mettre en tension les opérationnels afin d’atteindre les
objectifs dans un contexte de concurrence accrue et de marges faibles.
1.1
L’impact de la mise en place du Lean interne et externe sur les
performances opérationnelles
Nos résultats montrent que globalement les entreprises interrogées ont réussi à
stabiliser les performances opérationnelles (tableau 7).
Rebuts et
retouches
Temps de
réglage des
machines
Files d’attente
et temps de
déplacement
Temps
d’arrêt des
machines
Tailles
des lots
Temps
de cycle
financier
Globale
+2,2%
+1,5
%
+1,
9%
+2,6%
+2,6%
+4,0%
Agroalimentaire
+4,3%
+10,
0%
+7,
1%
+12,9%
+5,7%
+10,0%
Fabrication de machine
+6,4%
+6,4
%
+0,
9%
-0,9%
-0,9%
+11,8%
Pharmacie
-2,6%
-
1,6%
+1,
6%
+5,8%
+12,1%
+1,6%
électronique
+5,6%
-
7,8%
-
3,3
%
-1,1%
+1,1%
-1,1%
Aéronautique
+5,8%
+1,6
%
+0,
5%
+5,8%
+3,7%
+0,5%
Automobile
-4,6%
-
0,4%
+0,
4%
-1,7%
+0,8%
+2,5%
Autres Processus
continus
+2,5%
+4,2
%
+5,
8%
+3,3%
-1,7%
+6,7%
Tableau 7: Impact de la mise en place du Lean sur sur les performances
opèrationnelles.
L’industrie automobile qui a atteint un degré élevé dans la mise en place des outils Lean a
réussi, à baisser de manière importante les rebuts et les retouches, les temps de réglage des
machines et les temps d’arrêt des machines. L’industrie électronique se distingue quant à elle
par la baisse des temps de réglage des machines, des files d’attentes, des temps d’arrêt des
machines et des temps de cycle financier. En revanche, les industries à processus continus et
l’agro-alimentaire, qui ont mis en place des versions « allégées » de Lean manufacturing n’ont
pas encore réussi à améliorer leurs performances opérationnelles. Ces résultats confirment
l’apport de la philosophie et des pratiques du Lean manufacturing dans l’amélioration des
résultats opérationnels des entreprises.
Plus particulièrement, c’est la mise en place d’un système hautement intégré avec des
interrelations entre outils qui permet au Lean manufacturing d’exprimer tout son potentiel
pour conférer à l’entreprise qui y a recours un avantage concurrentiel appréciable.
1. Conclusion
Cet article avait pour objectif de dresser un panorama de l’utilisation du Lean
manufacturing dans les entreprises industrielles françaises. Il s’intéressait également à la
façon avec laquelle les entreprises qui ont recours à cette philosophie de management
changent leurs pratiques de contrôle de gestion. Enfin, il cherchait à mesurer l’impact d’une
démarche Lean sur les performances opérationnelles des entreprises.
Les résultats de la recherche montrent que le Lean interne est bien implémenté en
France avec une prépondérance des outils classiques et fondateurs du Lean comme
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© Revue Francaise de Gestion Industrielle Vol.34, N° 4
l’amélioration des flux et la réduction du temps de lancement des machines. Ils confirment
la plus grande maturité du secteur automobile et révèlent le train d’avance qu’ont les
secteurs comme l’aéronautique, l’électronique et la pharmacie. D’une manière générale, les
industries d’assemblage utilisent plus largement le Lean interne que les industries à
processus continus.
La suprématie du secteur automobile observée dans la mise en place du Lean interne
semble lui être disputée pour le Lean externe. L’industrie aéronautique avec la forte montée
en cadence des fabrications et le plan de charge très prometteur pour les années à venir
semblent amener les entreprises de ce secteur à accorder une importance capitale dans
l’intégration des fournisseurs et des clients dans une perspective de démarche Lean.
L’ingénierie est ainsi reléguée au second plan et la maîtrise de la supply chain est devenue
une compétence clé dans ce secteur. Ce phénomène nous semble être une réplication de ce
qui a déjà été observé dans l’industrie automobile. De plus, le faible degré de maturité des
industries à processus continus observé pour le Lean interne est confirmé pour le Lean
externe.
Les résultats montrent également que les entreprises engagées dans une démarché Lean
manufacturing ont tendance à changer leurs pratiques de contrôle pour accompagner cette
stratégie de production. Les entreprises de lindustrie automobile, qui ont atteint le degré de
mise en place le plus élevé pour le Lean interne, changent également de manière plus
marquée leurs pratiques de contrôle. Les industries à processus continus qui occupaient les
dernières places pour le degré de mise en place du Lean interne occupent également les
dernières places sur les changements dans les pratiques de contrôle. Toutefois, les
entreprises du secteur agro-alimentaire occupent respectivement les deuxièmes places pour le
management visuel et la simplification du suivi des stocks et les troisièmes places pour
l’empowerment (habilitation des salariés) et la simplification du reporting. Cette plus grande
évolution des pratiques de contrôle témoigne d’une volonté des directions des entreprises de
ce secteur d’opter pour de nouvelles pratiques de contrôle pour mieux mobiliser les
opérationnels dans un contexte de concurrence accrue et de marges faibles.
Enfin, la recherche montre que les entreprises ayant mis en place le Lean
manufacturing ont globalement réussi à stabiliser les performances opérationnelles. Plus
spécifiquement, la maturité de l’industrie automobile lui permet de réduire de manière
importante les rebuts et les retouches, les temps de réglage des machines et les temps d’arrêt
des machines. L’industrie électronique se distingue quant à elle par la baisse des temps de
réglage des machines, des files d’attentes, des temps d’arrêt des machines et des temps de
cycle financier. En revanche, les secteurs qui ont mis en place des versions « allégées » de
Lean manufacturing comme l’agro-alimentaire n’arrivent pas à améliorer leurs performances
opérationnelles. Ces résultats confirment que c’est plutôt la mise en place d’un système
cohérent d’outils hautement intégré qui permet au Lean manufacturing d’exprimer tout son
potentiel et ainsi donner à l’entreprise qui y a recours un avantage concurrentiel appréciable.
LE LEAN MANUFACTURING DANS L’INDUSTRIE FRANÇAISE : ETATS DES LIEUX
ET IMPLICATIONS PRATIQUES
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© Revue Francaise de Gestion Industrielle Vol.34, N° 4
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(2nd ed.). New York: Free Press