© Revue Francaise de Gestion Industrielle – Vol.34, N° 4
importer des idées, ayant fait leur preuve dans un contexte américain fondamentalement
différent, et à les adapter ensuite à leur contexte particulier. Le TPS n’est ni purement
originale ni totalement une imitation. C’est un système hybride (Fujimoto, 1999). Ce n’est pas
une invention au sens premier du terme mais le résultat d’un processus d’apprentissage et
d’adaptation des pratiques des industries automobiles et textiles occidentales aux
contingences auxquelles faisaient face Toyota au Japon à ce moment-là (Holweg, 2007).
Le TPS n’a vraiment été formalisé (en japonais) qu’à partir de 1965 lorsque le besoin
s’est fait sentir de l’étendre aux fournisseurs de Toyota. Les deux chocs pétroliers, surtout le
second, ont joué un rôle d’accélérateur dans le processus de vulgarisation et de légitimation
de la philosophie de Toyota hors des frontières Japonaises. A la fin des années 1970 et au tout
début des années 1980, les importations de voitures japonaises aux Etats-Unis, en constante
augmentation, ont défrayé la chronique. Cet état de fait est devenu un vrai problème pour
l’industrie automobile américaine au point que Henry Ford II n’a pas hésité à parler d’un
« Pearl Harbor économique » (Holweg, 2007). Dès 1982, les autorités américaines ont instauré
des restrictions à l’importation de voitures japonaises.
La médiatisation de cette nouvelle stratégie de production a renouvelé l’intérêt des
chercheurs et praticiens sur l’étude de l’avenir de l’industrie automobile. Un programme de
grande envergure a été lancé en 1979 pour étudier le rôle de l’automobile dans le futur
(Holweg, 2007). Le TPS a été formellement introduit en occident en 1984 aux Etats-Unis avec
la joint-venture NUMMI entre Toyota et General Motors mais son transfert informel s’est
opéré bien avant cette date (Shah et Ward, 2007).
3. Le Lean manufacturing : une philosophie et des pratiques
A ses débuts, le TPS a été popularisé en occident sous le vocable de juste-à-temps mais
le « best-seller » de Womack et al (1991), intitulé la machine qui va changer le monde,
consacra la dénomination de Lean manufacturing. En effet, ce concept bien qu’il se soit
fortement appuyé sur le principe du juste-à-temps, s’est vu greffé un ensemble d’outils et de
pratiques cohérents formant ce qu’il est admis d’appeler aujourd’hui Lean manufacturing.
Cette stratégie de production cherche à éliminer les gaspillages et privilégie une production
en flux tirés par la demande. Elle s’appuie sur l’implication des hommes et la mobilisation
des outils comme la qualité totale (TQM), le juste-à-temps (JIT), la TPM (Total Preventive
Maintenance) et la maîtrise statistique des procédés (SPC). Les entreprises qui optent pour le
Lean manufacturing se réorganisent en cellules autonomes de production et en chaînes de
valeur pour améliorer les performances opérationnelles mesurées par les coûts, la qualité, la
flexibilité et les délais de livraisons aux clients. Dans ce type d’environnement, les décisions
qui étaient anciennement confiées aux managers sont désormais prises par les équipes
présentes sur le terrain. Ainsi, à l’organisation fonctionnelle classique se substitue une
organisation en chaînes de valeur orientées prioritairement vers la satisfaction du client.
Deux perspectives d’approche ont été observées pour décrire le Lean manufacturing.
La première est d’ordre philosophique. Elle met en avant ses principes et ses buts généraux
(Womack et Jones, 1996). La deuxième privilégie un point de vue pratique. Dans cette
approche, le Lean manufacturing est appréhendé comme étant un ensemble de pratiques,
d’outils et de techniques mobilisés par les managers de terrain pour améliorer la
performance de l’entreprise (Shah et Ward, 2003 ; Li et al, 2006). C’est cette optique qui est
retenue dans ce papier. Ainsi, nous reprenons les 48 pratiques/outils identifiés par Shah et