© Revue Française de Gestion Industrielle - Vol 33, N° 2
Revue Française de Gestion Industrielle Vol.
33, N° 4
MESURER LA PERFORMANCE DE L’ENTREPRISE ETENDUE
POUR PILOTER LA CREATION DE VALEUR : UNE APPROCHE
PAR L’IMMATERIEL
Michel PHILIPPART*
—————————
Résumé. Certains fournisseurs sont devenus des ressources essentielles à
l'entreprise. Leur contribution aux objectifs stratégiques ne peut se mesurer
uniquement selon le triptyque coût-qualité-service. C’est particulièrement le cas
dans les interactions complexes, quand le fournisseur est apporteur d’expertise, en
mode projet. Cet article utilise l'expérience des actifs immatériels pour proposer
une approche de mesure de la performance de la relation avec les fournisseurs clés
plus adaptée que les approches classiques de pilotage de leur potentiel de création
de valeur.
Mots clés : mesure, performance, collaboration, avantages concurrentiels, fournisseurs, ressources,
création de valeur, entreprise étendue, immatériel
1.
Introduction
Les entreprises qui ont besoin de technologie et d’innovation prennent de plus en plus conscience
de la contribution de leurs fournisseurs clé pour renforcer leur offre par rapport à celle de leurs
concurrents. Dans leur communication publique, certaines entreprises parlent aujourd’hui de leurs
fournisseurs comme d'un levier stratégique de compétitivité en termes de coûts, de qualité,
d'innovation et de création de valeur partagée ou encore affichent leur intérêt pour la performance
des fournisseurs. Le terme « partenaire » devient un mot commun du vocabulaire de la relation
achat, même si, dans la pratique, peu d’acheteurs en comprennent toutes les implications dans leur
approche de la relation avec ces fournisseurs. Il leur manque un cadre pour mesurer l’efficacité de
la relation partenariale avec ces fournisseurs dans leur contribution à la réalisation des
objectifs stratégiques de l'entreprise et un outil pour communiquer en interne sur
l’obtention de résultats stratégiques. Nous allons donc explorer l’évolution de la mesure dans les
achats pour proposer cet outil.
* Professeur Affilié, Institut de Recherche et d’Innovation en Management des Achats, Grenoble Ecole
de
Management, 12 Rue Pierre Semard, 38000 Grenoble, michel.philippart@grenoble-em.com
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L’objectif de l’entreprise est de développer et renforcer ses avantages concurrentiels
durables pour obtenir une rente de situation, en général grâce à une offre clairement différenciée
de celle de ses concurrents. La valeur nette réside dans l’accomplissement des attentes du client,
la perspective externe, tout en créant des richesses pour les actionnaires, la perspective interne
(Martinez-Hernandez, 2003). Les projets qui permettent à l’entreprise de construire cette offre
différenciée passent de plus en plus par les fournisseurs, qui représentent souvent la portion la
plus importante des ressources de l’entreprise. Il est cependant difficile de piloter ces projets en
se basant sur les indicateurs économiques à court terme lorsque l’objectif est la création de
valeur à long terme. Comment alors mesurer l’efficacité de la relation avec les fournisseurs pour
augmenter son potentiel de création de valeur d’usage pour les clients de l’entreprise, renforcer
sa position concurrentielle et donc créer de la valeur pour les actionnaires?
Les managers formés aux modèles de Michael Porter (Michaël E Porter, 1980, p. 123) se
sont focalisés sur l'extraction de valeur des fournisseurs par la construction d'un rapport de
force favorable (Gulati et Sytch, 2007). Ceci a été encouragé par les enseignements des
techniques d'achat et de négociation qui commencent en général par la démonstration de l'effet
levier de la baisse du prix d'achat sur le néfice et sur le retour sur investissement. C'est donc
prioritairement la valeur d'échange avec le fournisseur qui est considérée me si le concept de
valeur d’usage commence à prendre place dans les objectifs de la fonction achat (Agile Buyer,
2013).
Dans cet article, nous focalisons notre exploration sur les relations complexes entre les
entreprises et leurs fournisseurs clé : ceux qui contribuent au renforcement de la position
concurrentielle de l’entreprise. Ce sont souvent des relations qui prennent la forme de projets
plutôt que de simples transactions, entreprises avec des partenaires privilégiés coopérant au sein
de l’Entreprise Etendue. L’Entreprise Etendue est définie comme un système composé d’un
donneur d’ordre et de fournisseurs qui collaborent fortement pour maximiser les néfices de
chaque partenaire (Childe, 1998) ou comme une relation collaborative entre acheteurs et
fournisseurs qui ont une vision partagée de la création de valeur pour les clients finaux. Le
pilotage de cette Entreprise Etendue vise à créer un avantage concurrentiel à long terme par une
intégration forte, des comportements collaboratifs (Davis et Spekman, 2004). Les fournisseurs au
sein de l’Entreprise Etendue ne doivent plus être rés par les principes du marché mais au sein
de relations d’alliances mises en place pour optimiser de nombreuses dimensions allant des
coûts de transaction (Geyskens
et al., 2006)
à la création de la valeur (Bititci
et al., 2004)
. Dans ces
partenariats, chacunnéficie de la collaboration par l’augmentation de la valeur pour ses
actionnaires tout en amenant de la valeur pour les clients finaux.
2.
Cadre conceptuel : le fournisseur comme ressource immatérielle
La mesure de la performance pour atteindre des objectifs à long terme est un défi auquel
se sont confrontés d'autres fonctions de l'entreprise comme les Ressources Humaines qui ont
dépasser la simple mesure instantanée de la masse salariale pour travailler avec un horizon
stratégique. Elles ont intégré de nouvelles grilles d'analyse dans leurs outils de mesure et
construit des programmes de développement pour s’assurer que les besoins futurs de
l’entreprise soient satisfaits en conservant le personnel c motivé. De manière plus générale,
mesurer la performance en dehors du périmètre classique de l’approche budgétaire et financière
est un probme auquel ont faire face les chercheurs dans le domaine du capital immatériel.
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67 Mesure la performance de l’entreprise etendue pour piloter
La creation de valeur: une approche par l’immatériel
Améliorer les instruments de mesure devait aider à formuler et évaluer les stratégies basées sur
les ressources intangibles (Andriessen, 2004 ; Marr
et al., 2003)
. D'ailleurs, la mise en place de
mesures de l'immatériel a été associée à une performance supérieure (Ittner, 2008). Ces systèmes
de mesure font appel à des mesures composites comme les tableaux de bord qui intègrent
résultats financiers et non financiers. Ces résultats de recherche sur l’immatériel interne à
l’entreprise peuvent-ils être étendus aux relations fournisseurs ? Est-il possible de construire un
outil de mesure et de pilotage de la relation fournisseur, non pas pour lectionner un
fournisseur parmi un panel issu du sourcing stratégique mais pour faire progresser des objectifs
communs au sein de l’Entreprise Etendue, c’est-à-dire créer de la valeur à long terme pour
client et fournisseur?
Cet article valide d'abord l'applicabilité du cadre de férence de l'immatériel pour les
fournisseurs clé de l'entreprise. Ensuite, il identifie les outils de mesure existants et évalue leur
pertinence pour développer une discussion sur une approche de mesure mieux adaptée au
pilotage des fournisseurs en tant que ressources immatérielles de l'entreprise. Finalement, par
une approche de recherche ingénierique, il développe une proposition de mesure pour mieux
répondre aux besoins d’animation d’un réseau de fournisseurs essentiels au sein d’une
Entreprise Etendue. Cette approche ingénierique est pertinente pour permettre au chercheur
d’être force de propositions concrètes dans des environnements marqués par l’incertitude et la
complexité (Chanal
et al., 1996)
.
2.1
Les Fournisseurs comme Capital Immatériel de l’entreprise
Le capital immatériel, est constitué de ressources intellectuelles, de savoir-faire, de
méthodes de travail, de cultures, qui sont exploitées pour créer de la valeur. Traditionnellement
il comprend les activités d'innovation, les ressources humaines, et les pratiques
organisationnelles. L’Organisation de Coopération et de veloppement Economiques identifie
comme tel les ressources et capacités humaines, les moyens structurels mais aussi le capital «
relationnel » comme les réseaux de fournisseurs (OCDE, 2008).
Ce capital immatériel contribue à la création de valeur sans apparaître dans les documents
comptables et financiers (Lev, 2001).
C'est une créance sur un bénéfice futur qui ne peut être reconnue au bilan de l’entreprise,
qui offre le potentiel d'une augmentation du retour sur investissement à mesure que ce capital
immatériel est exploité.
Elle ne peut facilement être échangée, et sa propriété est difficile à défendre
Les fournisseurs partenaires remplissent-ils ces critères? L’utilisation du cadre de
l’immatériel pour le pilotage du management fournisseurs peut sembler surprenante au
premier abord, mais les fournisseurs partagent avec le capital immatériel plusieurs éléments.
Des études
y avaient brièvement fait référence en observant que de nombreux secteurs, à
commencer par l’automobile, associent des fournisseurs en phase de conception pour bénéficier
d’un apport de ressources « intangibles » (Calvi, 2000). Ces fournisseurs partenaires présentent
en effet les traits qui caractérisent le capital immatériel, comme nous allons le montrer.
2.1.1
Une créance sur un bénéfice futur qui n’apparait pas au bilan
Les fournisseurs représentent souvent plus de 50% de la valeur ajoutée des entreprises. En
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68 Michel PHILIPPART
terme budgétaire, c’est la ressource la plus importante à la disposition de la direction, qu'il faut
déployer dans le cadre de la mise en place de la stratégie de l'entreprise. Des études ont fait
un lien entre l’apport du fournisseur et la valeur créée par l'entreprise au sein de relations
partenariales. Des exemples documentés comme ceux de Frito-Lay et de REpower (Philippart
et
al., 2005)
ou de Toyota et Honda (Henke Jr. et Chun, 2010), montrent que des relations
collaboratives entre fournisseurs et clients amènent des bénéfices exclusifs à l’entreprise et
contribuent au renforcement de sa position concurrentielle et donc qu’ils contribuent aux
bénéfices futurs de l'entreprise.
Quel est le mécanisme de réalisation de ces bénéfices futurs ? La pression intense imposée
sur les entreprises par la globalisation de l’économie les pousse à se différencier par
l’innovation, à laquelle contribuent leurs fournisseurs clé. Ces bénéfices futurs sont également
construits en mode projet quand les partenaires travaillent ensemble pour créer de la valeur au-
delà de ce que chacun peut faire de manière isolée, en intégrant les compétences des deux
parties. La contribution des fournisseurs dans l’innovation a été brièvement analysée pour
l’innovation de rupture et les projets de développement de produits nouveaux : une meilleure
implication des achats pour intégrer les compétences des fournisseurs permet une meilleure
maîtrise du couple coût/ qualiet du délai de mise sur le marché (Calvi, 2000).
Une innovation ou une collaboration offerte par un fournisseur à tous ses clients de
manière similaire créera cependant moins de valeur pour chaque client que si elle est disponible
de manière exclusive pour un client privilégié. La qualité de la relation entre le client et son
fournisseur est donc créatrice de valeur : les fournisseurs sont alors une source de néfices
futurs sans que ce potentiel ne soit reconnu au bilan des entreprises. Ils remplissent donc le
premier critère de la définition du capital immatériel de Lev présenté ci-dessus.
2.1.2
Une ressource difficilement échangeable et contrôlable
Lev avait mis en évidence la difficulté de contrôler le capital immatériel, en particulier
celui qui a trait à la connaissance. La proprié d’une ressource physique est garantie par un
cadre légal, la propriété d’une marque est protégée par des mécanismes de copyright et la
propriété de l’innovation interne par des brevets ou par la culture du secret. Par contre, tous les
éléments constitutifs de la qualité d’une relation entre client et fournisseurs ne peuvent pas être
sécurisés par des approches contractuelles qui ne crivent que ce qui peut être mesuré en
termes de produit ou de service.
Les fournisseurs identifiés comme partenaires mettent à la disposition de leur client des
ressources spécifiques. C’est entre autre la complexité des interactions qui les rend spécifiques:
l’expérience de travail en commun (Gulati
et al., 2011)
ainsi que l’interdépendance (Gulati et
Sytch, 2007) sont ainsi fortement corrélées à la création de valeur. De fortes interactions sociales
entre client et fournisseurs sont corrélées positivement à l’innovation (Huang et Chang, 2008).
La relation collaborative avec de fortes interactions entre équipes ne peut être réalisée de
manière renne en dehors du contexte dans lequel elle a été développée. Le potentiel de valeur
du fournisseur n’est pas transféré automatiquement au néfice de son client et ne peut être
transféré dans une autre dyade client-fournisseur sans une nouvelle démarche d’acquisition de
cette expérience. Pour que les acheteurs puissent aliser ce transfert, ils doivent modérer la
pression qu’ils mettraient sur leurs fournisseurs en considérant uniquement les objectifs
financiers de l’entreprise acheteuse (Henke Jr. et Chun, 2010 ; Peters, 2000). Ce capital relationnel
est donc essentiel pour protéger les composants propriétaires au sein d’une dyade (Kale
et
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69 Mesure la performance de l’entreprise etendue pour piloter
La creation de valeur: une approche par l’immatériel
al., 2000)
.
On pourrait avancer que certains choix stratégiques permettent de contrôler et protéger
cette source de connaissance. Le contrôle du fournisseur par son acquisition peut être une option
mais le capital nécessaire peut ne pas être disponible ou devoir être alloà des objectifs plus
critiques. L'acquisition peut également manquer de logique industrielle lorsque la compétence
recherchée n’est qu’une faible partie de l’entreprise cible. Enfin, certaines études indiquent que
le taux de succès des opérations d’acquisition est inférieur à 50% (Marks et Mirvis, 2010).
L’acquisition du fournisseur est donc rarement une option aliste.
Les fournisseurs peuvent choisir de s'engager au sein de l’Entreprise Etendue d’un client
particulier après avoir comparé les options qu'ils ont avec d'autres clients. Puisqu'ils ont
également un choix de s'engager dans le partenariat, ils peuvent tout aussi bien se sengager.
Le contrôle du niveau d’engagement de la ressource fournisseur est difficile et ne peut être
garanti par simple contractualisation. Donc les fournisseurs qui contribuent à la création et au
renforcement des avantages concurrentiels de l’entreprise peuvent être considérés comme une
ressource immatérielle puisqu'ils sont sources de néfices futurs et que la relation ne peut être
protégée expressément par une approche contractuelle.
3.
Les approches de mesure actuelles sont-elles adaptées ?
La section précédente a montré que les fournisseurs clé de l’entreprise peuvent être
considérés comme une ressource immatérielle. Nous allons passer en revue les outils existants
de la mesure de la performance fournisseur pour identifier les éléments qui peuvent servir à
construire un outil adapté à la mesure de la performance d’une relation dont l’objectif est la
création de valeur. Nous identifierons ce qui leur manque pour remplir l’objectif que nous nous
sommes assignés. Puisque nous avons identif que la relation fournisseur est un capital
immatériel de l’entreprise, nous structurerons notre analyse pour mesurer les deux traits du
capital immatériel : la créance sur le bénéfice futur et le renforcement du contrôle sur le devenir
de la relation.
3.1
La mesure du potentiel d’un bénéfice futur
La mesure de la performance en gestion des fournisseurs commence par la réduction des
coûts, documentée dès les premiers articles sur le sujet (Monczka et Trecha, 1988). L’approche la
plus simple consiste à utiliser une maille serrée, l’évolution historique des prix des biens ou
services achetés. Cependant, même si elle est encore utilisée fréquemment, cette approche a
rapidement mont ses limites dès qu’un horizon stratégique, plus long, devait être pris en
compte et que les conséquences de la décision d’achatpassaient une utilisation instantanée de
produits identiques. Le coût total d’usage ou TCO est venu enrichir l’évaluation basée sur
l'évolution historique des prix d'achat (Ellram, 1993). Le TCO intègre et évalue tous les postes
budgétaires présents et futurs impactés par la décision, par exemple les coûts d’acquisition et
d’installation, non récurrents, et les coûts d’opération durant tout le cycle de vie de ce qui est
acheté, en prenant en compte tout autant la main d’œuvre que les consommables et les coûts de
fin de vie. Le TCO est donc un outil qui vise à comparer différentes options sur leur durée de
vie. Comme l'évolution du prix sur base historique, il reste principalement une approche
comptable basée sur les coûts plutôt que sur la création de valeur.
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70 Michel PHILIPPART
En quoi les approches par les coûts sont-elles insuffisantes ? La réduction des coûts est
souvent associée à la « capture de valeur » dans le langage achat. Cependant, elle n’est un
gisement de création de valeur que pour les acteurs qui peuvent mettre en place avec succès une
stratégie de différenciation qui leur permet de maintenir leur prix de vente : la valeur est
transférée du vendeur à l’acheteur. Dans l’environnement hyper compétitif qui est prévalent
dans la plupart des industries (D’Aveni
et al., 1995)
, tous les acteurs d’un me secteur
réduisent leurs coûts en appliquant des approches opérationnelles similaires, que ce soit la
productivité interne ou la pression sur les fournisseurs. Dans ce cas, la baisse de coûts se traduit
en général par une baisse du prix de vente. En effet, comme l'entreprise ne se dif férencie pas et
n'offre pas de bénéfices spécifiques, elle ne peut maintenir la rente économique liée à la baisse
des coûts des intrants. Les acheteurs de leurs clients leur appliquent les mêmes approches de
réduction des coûts et cupèrent à leur bénéfice les gains de productivité ou d'achat jusqu'au
client final. Une des caractéristiques de l’hyper-compétition est de tendre vers la concurrence
parfaite qui ne laisse aux acteurs aucun profit au-dedu coût des moyens de production et du
capital. Pour lutter dans cet environnement hyper-compétitif, le développement continu de
nouveaux avantages concurrentiels devient la seule option pour créer de la valeur
(D’Aveni, 2010). C’est une che que peu d’entreprises peuvent faire en se basant uniquement
sur leurs ressources internes.
En outre, la valeur externe issue d'une relation collaborative n'est souvent réalisée que
plusieurs mois ou plusieurs années après le début de la collaboration avec un fournisseur,
quand les produits ou services sont mis sur le marc avec succès. Comme c'est un bénéfice
futur qui est attendu, l'approche comptable à court terme ne peut donc suffire pour apprécier
tout le néfice des partenariats car le pilotage de la ressource fournisseur ne peut attendre le
résultat financier futur des actions engagées au présent. Plus fondamentalement, les résultats
financiers transactionnels ne sont pas une mesure de la contribution à la position concurrentielle
apportée par le fournisseur.
Dans le cadre du pilotage de la relation fournisseurs, ce besoin de mesurer la valeur
externe a é abordé par l’analyse des précurseurs de la création de valeur et la mesure des
leviers de création de cette valeur. Ainsi, le « Linear Performance Pricing » a été utilisé dans
l'industrie automobile non seulement pour faciliter la sélection des fournisseurs les plus
capables d’apporter une solution mais aussi dans des projets d'optimisation des spécifications
(Newman et Krehbiel, 2007). Cet outil améliore le travail collaboratif en de clarifier les leviers de
compétitivité de l’entreprise cliente et en focalisant l’optimisation de la valeur perçue par le
client final. Il restait cependant cantonné à une optimisation technique. Il ouvre la voie à
l’utilisation de proxys de valeur pour évaluer la performance dans la relation fournisseur.
3.2
La mesure de la qualité de la relation
Puisque l’apport du fournisseur au développement d’avantages concurrentiels durables
n’est pas contrôlable par un cadre contractuel, il faut renforcer la relation et la sécuriser. Pour
cela, il faut donc mesurer les éléments structurants de la relation collaborative, essentiels pour
défendre l'accès privilégié aux compétences des fournisseurs. Comme dans tous les efforts
visant à la création d’avantages, il n’est pas suffisant que la relation avec le fournisseur soit
bonne. Il faut qu’elle soit meilleure que celle existant entre les membres de réseaux d’entreprise
concurrents. La qualité de la relation entre les parties n’est pas limitée à la confiance mais est
aussi établie par les mécanismes de socialisation qui sont positivement corrélés à la performance
de l’entreprise (Cousins
et al., 2008)
.
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71 Mesure la performance de l’entreprise etendue pour piloter
La creation de valeur: une approche par l’immatériel
Comment alors mesurer ce capital relationnel ? Les premiers efforts d'évaluation de la
relation datent des années 90, avec le « Relationship Assessment Program » ou RAP (Lamming
et al., 1996)
. Ce modèle développait le concept de la relation comme une entité indépendante qui
unit les deux organisations pour créer des flux mutuellement néficiaires. Il permettait aux
deux parties d’évaluer la relation conjointement pour améliorer la performance de la dyade et
son potentiel de développement de valeur et de réduction des inefficacités. Les dimensions
fournisseur et client étaient parallèles et incluaient des facteurs externes comme l’environnement
concurrentiel, et internes comme les compétences disponibles chez chacun des partenaires. Les
participants exprimaient leur perception des éléments importants qui influencent ou facilitent la
relation. Aujourd’hui, une évolution du RAP, le SCRIA est utilisée dans l'industrie aérospatiale
en Grande Bretagne. Il a ainsi évolvers des applications pilotées par des organismes privés
(Johnsen
et al., 2008)
et donc n’est plus un standard validé par des recherches convergentes et
applicables par tous.
Le « OEM Supplier Working Relation Index » de la sociéPlanning Perspectives (Henke
Jr. 2004), ou WRI, mesure la qualité de la relation entre fournisseurs et donneurs d’ordre par un
questionnaire a sur cinq dimensions : la qualité de la relation client-fournisseur, la
communication du client, le soutien de la part du client, les entraves posées par le client, et les
opportunités de profit pour le fournisseur. C’est probablement la mesure de la relation
fournisseur client la plus connue car ses résultats pour l’industrie automobile nord-américaine
sont rendus publics chaque année depuis 2001. Une bonne performance de cet index a été relié à
la réduction des coûts, à l’amélioration de la qualité et de l’innovation, et l’optimisation des
inventaires (Henke Jr. et Chun, 2010 ; Milas, 2005). Comme le SCRIA, cet index est privé. C’est
un outil unidirectionnel, qui mesure la perception du fournisseur, sans cessairement la
confronter avec la perception de l’acheteur, alors que cette confrontation serait généra trice
d’opportunités d’amélioration du travail collaboratif, comme semblait l’indiquer le RAP.
Une autre approche de mesure de la relation est l'évaluation des éléments fréquemment
mentionnés comme constitutifs de l'immatériel comme l'apport d'innovation ou de compétences
par le fournisseur. L’analyse des éléments précurseurs de création de valeur par les compétences
du fournisseur était discutée en termes d’efficience, de capacité d’innovation et de capacité du
réseau en mettant en évidence la différence entre l’efficacité, qui est un indicateur à court terme
et la production de valeur par l’innovation à moyen et long terme (Möller et Törrönen, 2003).
Ceci mettait en évidence l’importance de la palette de compétences du fournisseur dans la
création de valeur. Cette recherche a mis en évidence le besoin de mesurer le potentiel de
création de valeur sur plusieurs horizons, à court, moyen et long terme. Elle ne prenait
cependant en compte que l’évaluation du fournisseur plutôt que de la dyade. De plus, l’étude
était présentée comme conceptuelle pour mieux classifier la relation au sein de la dyade, ne
faisant que toucher superficiellement l’impact de la qualité de cette relation.
L’engagement amont des fournisseurs dans les projets de recherche est un autre indicateur
de la qualité de la relation fournisseur-client (Johnsen, 2009). L'innovation, l'apport intellectuel
des fournisseurs ne se limite pas à la performance technique mais également à leur apport en
termes de contribution au processus d'innovation, au développement conjoint de nouvelles
solutions (Le Dain
et al., 2011)
. L’index « Early Supplier Involvement » ou ESI (Bidault
et al.,
1998)
était construit à partir des réponses à trois questions sur le choix d'engagement des
fournisseurs très en amont du processus de développement ou d’innovation. Cependant ce
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72 Michel PHILIPPART
travail portait seulement sur 24 cas et n'établissait pas de corrélation entre l'index ESI et la
performance des entreprises ainsi engagées.
3.3
Les approches composites
Le besoin de mieux mesurer le capital immatériel a débouché sur le développement des
mesures composites de type « Balanced Scorecards (BSC) » ou « Intangible Asset Monitor »
(Sveiby, 1997) qui cherchent à évaluer le capital immatériel en utilisant des proxys. CAPS
Research a proposé en 2005 de créer un Balanced Scorecard pour la fonction achat, en se basant
sur les travaux de Kaplan et en l’adaptant (Carter
et al., 2005)
. Cependant, cette BSC adaptée aux
achats ne prend pas en compte la qualité de la relation bilatérale avec le fournisseur. De plus,
même si les auteurs mentionnent "Programmes d'innovation" comme thème de mesure, les
exemples présentés n'ont pas le niveau de formalisme de l'index ESI. Enfin, cette BSC Achat ne
mesure pas le potentiel de création de valeur à long terme par la construction d’avantages
concurrentiels.
La ressource que représente le fournisseur partenaire doit être appliquée correctement à
des leviers de création de valeur pour créer cette valeur. Le "Collaboration Index" (Simatupang
et Sridharan, 2005) avait appliqué une approche composite d'alignement des coûts, des risques
et des bénéfices, ainsi que de deux éléments relationnels: le partage d'information et la
synchronisation des cisions. Dans un environnement simple (des détaillants et leurs
fournisseurs), ces éléments étaient corrélés à un proxy de la création de valeur établi par la
mesure de la performance logistique et du taux de satisfaction client. Cependant les auteurs
visaient à corréler leur index à la performance opérationnelle et non à la performance
stratégique, c’est-dire le développement d’avantages concurrentiels. Le proxy de création de
valeur était simple : la capacité des détaillants à mieux satisfaire leurs clients en ayant un
meilleur taux de service. Cette étude ne mesurait pas non plus le niveau d’implication des
fournisseurs mais simplement l’utilité de mieux partager avec ceux-ci les informations collectées
sur les tendances d’achat des clients des détaillants, en utilisant de simples indicateurs comme
le partage des informations collectées aux caisses. Cette approche ouvre la voie vers
l’intégration de la convergence des intentions dans un outil de mesure de la relation client
fournisseur.
Une autre approche composite est l’AHP (Analytic Hierarchy Process). Il a édéveloppé
pour amener plus de rigueur dans la sélection du fournisseur sur la base de facteurs multiples,
quand le prix n’est pas le seul facteur déterminant (Bhutta et Huq, 2002). La sélection de
fournisseurs impliqués dans des projets collaboratifs est améliorée par une approche de ce type,
mais l’AHP n’est pas adapté à la gestion de la collaboration au-delà du choix du fournisseur.
Les recherches pour améliorer l’AHP ont plus porté sur les méthodes de traitement des données
composites que sur l’élargissement du champ d’application d’une approche composite en
dehors du processus de sélection du fournisseur. Ainsi le DEA (Data Envelopment Analysis) est
clairement positionné comme un outil de lection des fournisseurs (Ramanathan, 2007) et non
comme un outil de mesure de l’efficacité de la relation collaborative pour contribuer à la
création d’avantages concurrentiels durables.
Ces approches composites ont ouvert des pistes de recherche pour développer un outil de
mesure de la valeur dans le cadre de la gestion d’une relation dans la durée sans pour autant
satisfaire suffisamment à la définition de la création de valeur, ni à la mesure de la contribution
préférentielle de certains fournisseurs à l’agenda stratégique de leur client. Elles ne prennent
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73 Mesure la performance de l’entreprise etendue pour piloter
La creation de valeur: une approche par l’immatériel
pas en compte le point de vue de ces fournisseurs, et donc leur motivation à transférer de
manière privilégiée leur compétence vers leur client au sein de l’Entreprise Etendue.
4.
Construire une approche multidimensionnelle
Les outils de mesure de la performance achat doivent aider au management stratégique de
l'entreprise, à la mesure des progrès (Pohl et Förstl, 2011), à la contribution des fournisseurs à la
création de valeur et au développement d'avantages concurrentiels durables. Puisque les
fournisseurs clé sont une ressource immatérielle de l’entreprise, il faut mettre en place un outil
de mesure qui intègre le potentiel de création de valeur de ces relations et la protection de ce
potentiel. Les propositions mentionnées ci-dessus abordent des composantes de cet outil mais
aucun ne cherche à piloter la relation fournisseur par toutes ses dimensions dans le but de créer
des avantages concurrentiels durables. Une approche composite plus structurée doit être
développée pour mieux prendre en compte la complexité du pilotage d’une Entreprise Etendue.
De nouveau, nous utiliserons comme guide les deux critères dérivés des observations de Lev
pour caractériser le capital immatériel : les fournisseurs sont-ils une source de bénéfices futurs ;
la rennité de la relation est-elle évaluée ? Ces critères seront utilisés pour construire un
tableau de bord de la performance de l’Entreprise Etendue.
4.1
Les sources de bénéfices futurs
Dans notre tableau de bord, nous proposons de mesurer les bénéfices futurs par deux
familles de composants : les flux de trésorerie et les outils classiques de mesure des projets. Ce
sont des mesures techniques et budgétaires, relativement faciles à collecter et dont le résultat est
peu sujet à débat pour identifier la réalisation du bénéfice futur qui est l’objectif ultime de la
relation durable entre un client et ses fournisseurs clé.
4.1.1
La Valeur par les flux de trésorerie
L'approche la plus communément proposée pour estimer la valeur d'une entreprise est
celle des flux de trésorerie actualisés. me si cette méthode présente des imperfections, elle
permet de mettre en évidence les éléments constitutifs de la valeur future pour les actionnaires.
La somme des revenus moins les coûts et les penses d’investissement représente les flux de
trésorerie. Les flux futurs sont actualisés, pondérés en fonction du risque, représenté par le coût
moyen pondéré du capital. Pour créer de la valeur la relation fournisseurs comme toute autre
activité de l'entreprise doit contribuer à faire augmenter les flux de trésorerie présents et futurs
(revenus - coûts - investissements). Le projet peut aussi contribuer à laduction du risque sur le
projet ou le produit final, ce qui duit la cote des flux futurs. Il faut le faire de manière agile
et proactive pour que les flux futurs croissent le plus rapidement possible.
La première composante de notre tableau de bord propose de mesurer l’innovation par le
potentiel de création de valeur de l’ensemble des projets visant à améliorer un des quatre leviers
identifiés ci-dessus : l’augmentation des revenus par la construction ou le renforcement de la
compétitivité de l’offre, la diminution des coûts par une meilleure efficacité de la chaîne de
valeur, la diminution des besoins en capitaux par une meilleure allocation des ressources de
production ou de recherche, la diminution du risque et l’amélioration de l’agilité. En mettant en
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74 Michel PHILIPPART
évidence ces composants, le pilotage des projets adoptera un horizon plus long que sur les
simples mesures des coûts et du respect du timing des projets.
4.1.2
La CapaciOpérationnelle
Le pilotage traditionnel, orienté sur l’efficacité opérationnelle est évidemment maintenu.
C’est la partie la plus visible dusultat de la relation. La crédibilid’un tableau de bord orienté
création de valeur demande que ces éléments soient pris en compte. La deuxième composante
de notre tableau de bord sera donc composée des éléments de pilotage opérationnels classiques
de performance technique, de qualité, délais, coût et de flexibilité (Neely
et al., 1995)
. Dans cette
optique, les mesures de coût et de délais restent les plus fréquentes (Driva
et al., 2000)
. Il faudra
veiller à bien pondérer leur importance dans l’évaluation du résultat opérationnel.
4.2 La pérennité des relations
Evaluer la pérenni de la relation et s’assurer que le fournisseur priorise ses efforts est
plus complexe. Il faut d’abord s’assurer que les objectifs sont compatibles, mais aussi que la
relation est développée continuellement pour en extraire son potentiel maximum.
4.2.1
La Congruence des intérêts
Comment mesurer la congruence d’intérêts et la volonté de mettre en place des ressources
exclusives avec un objectif commun ? L’efficacité de la protection du capital de connaissance
créé ou apporté par le fournisseur peut s’inspirer des approches utilisées pour protéger la
connaissance développée de manière interne par le personnel : l’alignement des bénéfices, la
contractualisation, et le report dans le temps de la réalisation des néfices (Liebeskind, 1996).
On retrouve ces éléments dans un modèle qui lie le capital social et la création d’avantages
organisationnels (Nahapiet et Ghoshal, 1998). La création de capital intellectuel est liée à
l’anticipation de la valeur à créer et à la motivation, elles-mêmes fonctions de dimensions
structurelles (le réseau, l’organisation), cognitives (le langage et les codes partagés), et
relationnelles (la confiance, les normes, les obligations communes). Dans leur étude de 1997
Knack et Keefer font le lien entre la confiance et la coopération et montrent leur corrélation à
l’efficacité économique ; ils mettent également en évidence un niveau d’antagonisme faible ainsi
que des règles de fonctionnement formalisées qui sont associées au développement d e la
coopération et de la confiance (Knack et Keefer, 1997).
Dans les dyades fournisseur-client, cette confiance est essentielle au travail collaboratif
créateur de valeur partagée car elle permet aux partenaires d’anticiper les bénéfices à venir et
réduit la tentation de comportements opportunistes. Sans confiance, pas d’acceptation de report
dans le temps et donc pas de mise en commun avec un client de manière privilégiée des
capacités du fournisseur. L’alignement des néfices doit être considéré comme probable par le
fournisseur sur la base de l’information qu’il reçoit.
Pour la composante relationnelle de notre tableau de bord, nous devons donc mesurer la
confiance et la congruence, ou la faible polarisation entre les partenaires sur les bénéfices
attendus, les attentes des clients finaux, et l’articulation du partage de ce bénéfice pour les
différentes parties prenantes. Le volume et le timing de l’échange d’information peut être un
proxy pour la confiance entre les parties.
© Revue Française de Gestion Industrielle - Vol 33, N° 2
75 Mesure la performance de l’entreprise etendue pour piloter
La creation de valeur: une approche par l’immatériel
Comme pour les mesures en gestion des ressources humaines, des enquêtes de satisfaction
sont l’approche la plus efficace : elles viseront à mesurer la connaissance des objectifs communs,
la perception de l’échange efficace d’information, et la confiance. L’évaluation doit se faire sur
base historique avec un objectif d’amélioration des facteurs décrits, mais aussi sur base
concurrentielles, avec la mise en évidence du statut de fournisseur ou client privilégié par
rapport aux concurrents.
4.2.2
La Culture de la Collaboration
Dans la plupart des projets en entreprise, on peut considérer que les participants ont été
choisis en fonction de leurs compétences techniques traditionnelles. Cependant, ces
compétences techniques ne sont pas l’élément critique. Dans un projet pluridisciplinaire, il faut
que tous les membres soient formés au leadership (Appelbaum et Gonzalo, 2007). Ceci est
encore plus pertinent si à la complexité pluridisciplinaire, on doit ajouter la complexité
organisationnelle, ce qui est le cas lorsque la relation se construit au-delà des frontières de
l’organisation. Dans ces projets, la coopération en amont du projet est positivement corrélée avec
la performance du projet (Olson
et al., 2001)
. Il en est de même dans les projets dans l’Entreprise
Etendue (Hoegl et Wagner, 2005). Dans les relations collaboratives entre acheteurs et
fournisseurs, les compétences relationnelles sont sources d’avantages stratégiques pour les
entreprises qui s’y engagent (Paulraj
et al., 2008)
. A l’inverse, la distance culturelle a un effet
négatif sur la collaboration (Simonin, 1999).
Les compétences humaines dans la relation interentreprises sont le ciment et le moteur
des indicateurs précédents. Pour notre quatrième et dernière composante, nous proposons
d’évaluer les capacités comportementales nécessaires en conduite de projet : l’écoute, la
créativité, la capacité à convaincre et motiver tous les participants, et la capacité à rer
l’adversité. Cette mesure de la culture collaborative peut se faire sur des indicateurs observés
comme la fréquence de communications ou la mise à disposition en temps voulu des
informations nécessaires au projet. Ce tempérament collaboratif peut être également évalué par
des simulations ou des questionnaires testant les attitudes en face d’événements précis. Cette
dernière approche aurait l’avantage de velopper des comparaisons entre départements ou
entre dyades sur base d’un référentiel identique.
5.
Mise en Place
5.1
Une approche Miroir
Puisque les intérêts doivent être congruents, et que l’objectif est de mesurer l’efficacité du
projet au sein de l’Entreprise Etendue, chaque partie doit mesurer les mes éléments afin
d’aligner les perceptions sur la valeur créée et sur la confiance partagée. Comme dans les projets
pluridisciplinaires ou l’évaluation de la performance doit se faire sur la contribution commune
(Appelbaum et Gonzalo, 2007), il faut développer une mesure qui regarde tous les acteurs avec
le même outil. Pour le aliser nous proposons une approche miroir similaire aux premiers
travaux sur le RAP : les mes questions doivent être posées aux fournisseurs clé et à
l’entreprise qui anime ainsi son réseau comme un ensemble cohérent d’intérêts congruents. Les
index collaboratifs documentés, qui se positionnent uniquement dans l’optique d’un des deux
éléments de la dyade, ne permettent pas suffisamment de se positionner dans la mesure de la
© Revue Française de Gestion Industrielle Vol. 33, N° 4
76 Michel PHILIPPART
qualité du partenariat, de l’alliance. La construction d’une approche « miroir » par laquelle
chaque élément de la dyade est apprécavec le même jeu de critères est un élément structurant
de notre cadre de mesure, puisqu’il devient lui-même un témoin de la confiance et de la
transparence entre les deux parties.
5.2
Le bénéfice d’un intermédiaire neutre
Les deux composants relationnels font appel à des questionnaires pour évaluer
perceptions et comportements. Elles sont donc plus difficiles à mettre en place. Il n’y a pas
encore de standard qui permette de calibrer la perception, car c’est un champ relativement
nouveau dans l’évaluation des relations interentreprises.
La réalisation de ces deux mesures, pour lesquelles l'opinion du fournisseur est confrontée
à la vision de l'entreprise cliente demande un climat de confiance et de confidentialité des
réponses. C'est particulièrement important si l'entreprise est à un tournant dans sa stratégie de
pilotage de la relation fournisseur et doit surmonter un passif historique de relations
conflictuelles. L'entreprise doit se poser la question de savoir comment s’assurer que les
fournisseurs auront à ur d'émettre librement leur opinion, qu’elle soit positive ou négative,
soit pour l'entreprise soit pour les individus responsables directement de cette relation. Il faut
alors préférer un intermédiaire neutre pour administrer les questions plus sensibles relatives à la
qualité de la relation. Cet élément est également un contributeur au renforcement de la
confiance entre les deux parties.
6.
Conclusions
Cet article propose une approche de mesure dont l’objectif principal est d’aller au-de
de la vision tactique et opérationnelle observée en entreprise pour focaliser sur la création de
valeur et d’avantages concurrentiels le pilotage de la relation avec les fournisseurs clé au sein
de l’Entreprise Etendue. La mesure de la performance n’a plus comme objectif de sélectionner
et de départager des fournisseurs mais de gérer des relations fournisseur en tant que
ressources stratégiques.
Quatre composantes distinctes doivent être évaluées pour mesurer les deux
caractéristiques d’un actif immatériel
UNE CREANCE SUR UN BENEFICE FUTUR
UNE RESSOURCE DIFFICILE A PROTEGER
1. La création de valeur pour les deux parties par
l’augmentation des flux de trésorerie, la
diminution des risques et l’agili
2. L’obtention de résultats opérationnels concrets
3. La congruence des intentions à court et long
terme
4. La culture collaborative des acteurs du
développement de la relation
Les composantes méritent d’être évaluées du point de vue des deux parties pour refléter
effectivement le potentiel de création de valeur de l’Entreprise Etendue et non uniquement la
perspective du donneur d’ordre.
Pour valider l’approche proposée, de prochaines études doivent analyser des cas
d’application en entreprise. En opérationnalisant l’approche, en créant des questionnaires
spécifiques, ces études enrichiront la boite à outil des professionnels tout en fournissant de
nouvelles données quant à la contribution stratégique des fournisseurs à l’entreprise. Il sera
particulièrement intéressant d’explorer l’opérationnalisation des approches miroir de mesure
© Revue Française de Gestion Industrielle - Vol 33, N° 2
77 Mesure la performance de l’entreprise etendue pour piloter
La creation de valeur: une approche par l’immatériel
des dimensions création de valeur, confiance et culture collaborative.
Il serait également intéressant d’explorer les éléments culturels qui contribuent au
développement de la créativité et de l’innovation en groupes de fournisseurs et de c lients. La
recherche sur les projets pluridisciplinaires pourrait être étendue aux projets inter-
organisationnels.
La performance stratégique des entreprises étendues est un domaine important de la
recherche car elle permet de sortir de la trappe du moindre coût comme élément
prépondérant du pilotage de la relation fournisseur car ces approches créent un
environnement d’hyper- compétitivi qui réduit ou annule la valeur ajoutée d’une marque
par rapport à ses concurrents et supprime le potentiel de création de rentes par les avantages
concurrentiels durables.
7.
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