Revue Française de Gestion Industrielle  
Vol. 34, N° 2  
ANALYSE DES RISQUES DU CYCLE DE VIE :  
APPLICATION À DEUX FILIÈRES  
ÉNERGÉTIQUES EN FRANCE  
Patrick ROUSSEAUX*, Michel LICHOU** & Osama ALKOSHAK***  
—————————  
Résumé – Comme tout le monde devrait le savoir, le développement  
durable repose sur trois piliers : l’économie, l’environnement et le social.  
Généralement, l’aspect « santé & sécurité » est considéré dans le pilier social.  
Autre postulat international moins bien connu : les trois piliers du  
développement durable doivent être évalués sur l’ensemble du cycle de vie  
des activités humaines (Extraction des ressources Fabrication Utilisation  
Fin de vie). Les méthodes traditionnelles d'analyse des risques ne prennent  
pas en compte cette notion de cycle de vie. Une nouvelle méthode A.R.C.V.  
(Analyse des Risques de Cycle de Vie) a été proposée pour que cette notion  
essentielle soit intégrée dans l’analyse des risques. L’A.R.C.V. est ici présentée  
et illustrée par une application à deux filières énergétiques : l’éolien (Eo) et le  
photovoltaïque (PV).  
Mots clés : risques ; analyse ; management ; cycle de vie ; éolien ; photovoltaïque.  
1. Introduction  
Selon (ISO 1, 2006), le cycle de vie (C.V.) d’un produit est défini par « l’ensemble des  
activités associées à un produit ou à un service depuis l’extraction des matières premières  
jusqu’à l’élimination des déchets ».  
Pour lever toute ambigüité, il est important de bien distinguer cette première définition  
de cycle de vie avec une autre utilisée dans des analyses de risque comme par exemple dans  
(Greiner, 1972) ou (Clusel, 2012) et qui correspond aux différentes étapes (ou âges ou degrés  
de maturité) d’une activité (et en particulier d’une entreprise).  
*" Professeur"des"Universités,"Université"de"Poitiers,"I.R.I.A.F."(Institut"des"Risques"Industriels"et"Assurantiels),""11"rue"  
Archimède,"79000"Niort,"patrick.rousseaux@univIpoitiers.fr"  
**"" Chargé"de"mission"«"Transition"énergétique"»,"S.I.E.D.S."(Syndicat"Intercommunal"dSÉnergie"des"DeuxISèvres),"14"rue"NotreI  
Dame,"79028"NIORT"Cedex,"mlichou@sieds.fr"  
***""Étudiant"en"Master"«"Management"des"Risques"industriels"et"environnementaux"»,"Université"de"Poitiers,"I.R.I.A.F."(Institut"  
des"Risques"Industriels"et"Assurantiels),""11"rue"Archimède,"79000"Niort."  
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La notion de cycle de vie qui relève de la définition de (ISO 1, 2006), n’est pas prise en  
compte dans la méthodologie classique des analyses de risques. Pour intégrer cette notion  
fondamentale à la méthodologie d’analyse de risques, nous nous sommes appuyés sur la  
méthodologie de l’A.C.V. (Analyse du Cycle de Vie) qui permet d’évaluer des impacts  
environnementaux tout le long du C.V. d’un système. Si le système est un produit, on  
considère généralement les grandes étapes suivantes : l’extraction des matières premières, la  
fabrication du produit, son utilisation et son élimination en fin de vie. Pour un procédé, on  
distingue généralement les quatre étapes suivantes : l’extraction des matières premières, la  
mise en œuvre du procédé, son fonctionnement et son démantèlement en fin de vie.  
Quelques adaptations de la méthodologie A.C.V. ont été nécessaires pour élaborer une  
nouvelle méthode appelée par ses auteurs (Aissani et al., 2011) « Analyse des Risques de  
Cycle de Vie (A.R.C.V.) ». Cette méthodologie d’A.R.C.V. est ainsi calquée sur celle de  
l’A.C.V.  
L’objectif de cet article est de présenter notre démarche, de décrire notre nouvelle  
méthode A.R.C.V. et d’illustrer nos propos par une inédite application industrielle sur deux  
filières d’énergie renouvelable en France.  
2. Construction de l’A.R.C.V. à partir de l’A.C.V.  
L’A.C.V. permet l’évaluation environnementale d’un système (un produit, un service  
ou un procédé) par la qualification et la quantification des flux entrants et sortants et des  
impacts environnementaux potentiels associés (par exemple, changement climatique, impact  
sur la santé, épuisement des ressources, …). Cet outil est normalisé par deux normes (ISO 1  
& 2, 2006). L’A.C.V. s’appuie sur un bilan qualitatif et quantitatif des aspects et des impacts  
environnementaux potentiels d’un système remplissant une fonction donnée. Les spécificités  
de l’A.C.V. sont de deux ordres : la pensée « cycle de vie » et la quantification des impacts  
environnementaux. La pensée « cycle de vie » permet de prendre en compte toutes les étapes  
du cycle de vie d’un système allant de l’extraction des matières premières, en passant par  
l’étape de fabrication, l’étape d’utilisation jusqu’à la fin de vie. Tout au long du cycle de vie,  
les flux entrants et sortants de l’environnement sont identifiés et quantifiés afin d’identifier  
et quantifier les impacts environnementaux associés (Rousseaux, 2005).  
Outre ces deux spécificités, l’A.C.V. est reconnue comme un outil holistique au regard  
non seulement de la prise en compte de toutes les étapes du cycle de vie mais également au  
regard de l’exhaustivité des impacts évalués. Cette exhaustivité engendre cependant des  
limites au regard d’une part de la disponibilité et de la qualité des données à recueillir et  
d’autre part de la mauvaise connaissance des mécanismes d’impacts entraînant une  
incertitude des résultats.  
Le principal point fort de l’A.C.V. est cette vision de cycle de vie. Cette démarche  
globale et systématique rend possible l’identification des déplacements de charges  
environnementales entre les différentes étapes du cycle de vie, en d’autres termes dans le  
temps et l’espace. Il s’agit de la notion de transfert de pollution. Ces transferts de pollution  
peuvent apparaître lors d’une tentative d’amélioration d’un système en agissant sur une  
étape du cycle de vie. L’amélioration d’une étape peut entraîner des conséquences néfastes  
sur une autre, ailleurs ou à un autre moment.  
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application à deux filières énergétiques en France  
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Compte tenu des points forts de l’A.C.V. et de sa normalisation par l’ISO, nous nous  
sommes inspirés de l’A.C.V. pour élaborer l’A.R.C.V.  
Au regard du tableau 1, la méthodologie A.C.V. est théoriquement adaptable à  
l’A.R.C.V. Chacune des quatre étapes de l'A.C.V. trouve son pendant dans l’A.R.C.V.  
Étapes de l’A.C.V.  
(ISO 1 & 2, 2006)  
Contenu des étapes de  
l’A.C.V.  
Étapes de l’A.R.C.V. et leurs  
contenus  
1- Définition des objectifs et  
du champ d’étude  
Objectif, hypothèses, fonction et frontières du système, unité  
fonctionnelle  
Identification des situations  
2- Inventaire  
Bilans matière-énergie  
dangereuses  
Quantification des impacts  
Évaluation du niveau de risque  
environnementaux  
3- Évaluation des impacts  
Identification des impacts du  
système par rapport aux flux  
inventoriés  
Identification des différentes  
typologies d’accident pour chaque  
situation dangereuse  
3-1 Classification  
Estimation des impacts  
environnementaux  
3-2 Caractérisation  
Estimation des risques  
Normalisation des résultats  
et/ou agrégation des impacts  
Évaluation des classes de risque et  
/ou agrégation des risques  
3-3 Évaluation  
Analyse des résultats obtenus et propositions des pistes  
d’améliorations  
4- Interprétation des résultats  
Tableau 1 : Adaptation de l’A.C.V. à l’A.R.C.V. (Aissani et al., 2011).  
Les différences entre ces deux méthodologies se situent aux deux étapes clés de  
l’A.C.V. : l'inventaire et l'évaluation des impacts/niveau de risque.  
L'inventaire permet de recueillir des données dont la nature est différente entre les  
deux outils. Pour l'A.C.V. les données à recueillir sont des flux de matières et d'énergie, ce  
sont donc des données qualitatives et quantitatives. Pour l'A.R.C.V. les données à recueillir  
sont uniquement qualitatives puisqu'il s'agit d'inventorier les situations dangereuses. L'étape  
d'évaluation des impacts/niveau de risque se compose de trois phases (la classification, la  
caractérisation et l'évaluation) et permet de réaliser une conversion des données d'inventaire  
en résultats d'impacts/niveau de risque. Pour l'A.C.V. cette conversion des données  
d'inventaire est réalisée par un calcul à l'aide d'indicateurs de catégories d'impacts. Pour  
l'A.R.C.V. cette conversion est réalisée de manière qualitative en cotant et en hiérarchisant les  
risques. Néanmoins, l’objectif de la phase de classification est identique aux deux outils car  
elle permet de faire le lien entre les données de l'inventaire et les impacts/accidents à  
évaluer.  
Tout comme les flux identifiés par l'A.C.V. qui peuvent contribuer à différentes  
catégories d'impacts, les situations dangereuses peuvent engendrer différentes typologies  
d'accidents. Cependant, l’exhaustivité dans l’inventaire de l’A.C.V. ne peut pas être  
raisonnablement préconisée pour celui de l’A.R.C.V. En effet, les différentes typologies de  
risques sont bien trop nombreuses comparées au nombre de catégories d’impacts  
environnementaux évalués par l’A.C.V. Par ailleurs, l’exhaustivité des typologies de risques  
ne semble pas pertinente dans une démarche d’analyse globale des risques. Dès lors, des  
limites et des hypothèses ont été posées dans l’A.R.C.V. afin de rendre l’étude faisable et  
pertinente au regard des objectifs et de l’applicabilité des résultats attendus.  
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Nous n’avons pas été les seuls à avoir eu l’idée de proposer une méthode intégrant la  
notion de cycle de vie dans l’analyse des risques. Une équipe chinoise a proposé, à la même  
époque, la même démarche avec les mêmes motivations et en utilisant le même terme  
L.C.R.A. pour « Life Cycle Risk Assessment » (Hsiu-ching, 2011). Nous présentons dans la  
suite la méthode française en l’appliquant à deux filières énergétiques, l’éolien (Eo) et le  
photovoltaïque (PV) et nous indiquerons ensuite la différence avec la méthode chinoise.  
Enfin, une comparaison entre l’A.R.C.V. et les méthodes traditionnelles d'analyse des risques  
sera réalisée.  
3. Déroulement de la méthode A.R.C.V. et application aux deux  
filières énergétiques photovoltaïque et éolienne  
3.1 Définition des objectifs et du champ de l'étude  
Cette première étape définit les objectifs de l’étude, les cycles de vie étudiés, les  
frontières du système et les hypothèses associées. Compte tenu de la complexité du C.V.,  
l’A.R.C.V. telle que présentée ici ne considère que les risques d’accident mortel. Il faut  
également définir l’unité fonctionnelle qui représente une mesure de la performance délivrée  
par les cycles de vie étudiés. Toute comparaison de cycles de vie doit être réalisée sur la  
même performance (ou service rendu). Comme pour l’A.C.V., il est important de vérifier que  
l’unité fonctionnelle est bien en adéquation avec l’objectif de l’étude.  
Le commanditaire de l’application de l’A.R.C.V. aux filières Eo et PV est le Syndicat  
Intercommunal d'Énergie des Deux-Sèvres. Les objectifs sont de trois ordres :  
comparer deux filières de production d’électricité d’origine renouvelable sur  
d’autres critères que les seuls aspects économiques et l’acceptabilité sociale des  
projets ;  
élargir l’évaluation des impacts environnementaux et analyser les risques sur  
l’ensemble du cycle de vie pour les filières Eo et PV qui offrent le même service  
(production d’électricité) mais avec des caractéristiques très différentes (taille  
unitaire des installations, mode de raccordement au réseau, intermittence de la  
production, lieu de fabrication des composants, recyclage en fin de vie, etc.) ;  
identifier les points faibles des deux filières afin de les améliorer.  
Les cycles de vie des filières énergétiques étudiées sont présentés dans le tableau 2.  
L’étape fabrication d’Eo n’a pas été retenue faute de données fiables. On a fait  
l'hypothèse que tous les moyens de prévention et de protection sont mis en place et  
respectés.  
L'unité fonctionnelle choisie est la production de 25.000 MWh d'électricité par an,  
correspondant à la production annuelle moyenne d’un parc éolien de 12 MW, raccordé au  
réseau HTA (moyenne tension). Pour le photovoltaïque en toiture, ceci correspond environ à  
25.000 kWc de panneaux photovoltaïques soit près de 165.000 m², correspondant à plusieurs  
centaines voire milliers d’installations raccordées au réseau basse tension.  
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application à deux filières énergétiques en France  
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Étape de cycle de vie Filière éolienne  
Filière photovoltaïque  
Extraction et préparation de: aluminium,  
cuivre, silicium, verre  
Extraction et Préparation des produits  
chimiques : HF, NaOH, HNO3, POCl3, NH3,  
CH4, HCl, CH3OH  
Extraction et préparation de:  
aluminium, cuivre, acier, fibre  
de verres, polyester, huile,  
béton  
Extraction et  
préparation des  
matières premières  
Décapage des plaques texturation →  
dopage bords de plaque couche anti-  
reflet métallisation raccordement des  
cellules encapsulation encadrement et  
connexion.  
Fabrication de : mât, nacelle,  
pales, équipements  
électriques  
Fabrication des  
composants de  
système  
Fabrication des équipements électriques  
Préparation du site →  
Préparation de la toituremontage des  
modules installation électrique  
préparation des fondations →  
montage des composants →  
installation électrique  
Construction  
Raccordement au  
réseau  
Raccordement au réseau  
moyenne tension  
Raccordement au réseau basse tension  
Fonctionnement  
Démantèlement  
Production d’électricité  
Démantèlement des composants  
Élimination des  
déchets  
Recyclage, mise en décharge, incinération  
Camion, bateau, voie ferrée, voie maritime  
Transports  
Tableau 2 : Étapes du cycle de vie des filières éolienne et photovoltaïque (Alkoshak, 2011).  
3.2 Inventaire des situations dangereuses  
Cette étape consiste en la détermination des situations dangereuses pour chaque étape  
du cycle de vie. Les résultats de cet inventaire des situations dangereuses par étape et par  
activité humaine sont présentés dans les lignes a, b & c du tableau 3.  
a
b
c
Étape  
Extraction et préparation des matières premières  
Extraction et préparation de la bauxite  
Utilisation des matières explosives  
Explosion  
Sous étape  
Situation dangereuse  
Accident  
d
Etablir un plan d'intervention  
Port d'équipement de protection individuelle  
Protection  
Prévention  
Moyens de  
maitrise  
e
Formation du personnel  
Respecter les consignes de sécurité  
f
Réglementation  
ATEX (ATmosphères EXplosibles)  
g
h
P
E
1
1
Tableau 3 : Extrait du tableau d'inventaire des situations dangereuses et des accidents  
associés à la filière éolienne (Alkoshak, 2011).  
Pour identifier les situations dangereuses, deux méthodes complémentaires sont  
utilisées :  
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une recherche « a priori » : il s’agit d’identifier les situations susceptibles  
d’engendrer un accident. Afin de réduire les erreurs et les omissions, l’A.R.C.V.  
préconise d’utiliser la liste des sources de danger de la méthode MOSAR  
(Perilhon, 2003). Cette liste considérée comme exhaustive, retient 9 catégories  
de sources de danger avec 46 sous-catégories ;  
une recherche « a posteriori » : il s’agit d’identifier les situations ayant déjà  
engendré des accidents en utilisant la base de données du BARPI (disponible en  
sources bibliographiques.  
Dans notre application, les filières Eo et PV comptabilisent respectivement 253 et 306  
situations dangereuses.  
3.3 Évaluation du niveau de risque  
3.3.1 Classification  
Cette étape de classification permet de faire le lien entre les situations dangereuses et  
les accidents. Pour chaque situation dangereuse, les différents accidents possibles sont  
identifiés (ligne d du tableau 3). Pour chaque accident, les moyens de maîtrise en termes de  
prévention et de protection prévus par la loi sont inventoriés (ligne e du tableau 3) ainsi que  
les textes réglementaires associés (ligne f du tableau 3). Chaque situation dangereuse peut  
donner lieu à un ou plusieurs accidents.  
Dans notre application, les différentes typologies d’accidents que nous pouvons  
rencontrer, le plus souvent, sont : l’incendie, les traumatismes physiques, l’explosion,  
l’accident routier, l’inhalation et le choc électrique. Nous avons répertorié pour les filières Eo  
et PV respectivement 315 et 339 accidents potentiels. Pour la filière Eo, deux typologies se  
dégagent : le traumatisme physique (31%) et l’explosion (28%). Pour la filière PV, trois  
typologies se dégagent : l’explosion (29%), le traumatisme physique (23%), et l’inhalation  
(18%).  
3.3.2 Caractérisation  
La prise en compte de la globalité du cycle de vie introduit la prise en compte d’un  
nombre de données trop important. La quantification ou caractérisation des risques  
rencontrés en termes de probabilité d’occurrence et de gravité, apparaît alors ardue. Pour  
s’affranchir de ce problème, l’A.R.C.V. réalise une évaluation qualitative des risques en les  
hiérarchisant.  
Le terme de probabilité d’occurrence est évalué grâce à la détermination du nombre de  
défaillances et de leurs relations pouvant mener à l’événement létal. Le terme de gravité  
détermine la nature des dommages provoqués. Leur nature n’étant dans l’A.R.C.V. que la  
mort, il semble difficile de déterminer différents niveaux. L’A.R.C.V. évalue donc leur  
étendue dans l’espace.  
L’A.R.C.V. propose alors deux échelles de cotation :  
l’échelle de détermination de la probabilité d’occurrence (P) ;  
l’échelle de détermination d’étendue des dommages (E).  
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L’échelle de détermination de P se compose des trois niveaux suivants :  
Niveau 1 (le plus faible) : la concomitance d’au moins deux défaillances  
indépendantes est nécessaire pour déclencher l’événement mortel ;  
Niveau 2 : une défaillance spécifique (et seulement une seule) peut déclencher  
l’événement mortel ;  
Niveau 3 (le plus fort) : plusieurs défaillances indépendantes peuvent  
déclencher l’événement mortel.  
Exemples d’application :  
l’apparition d’un feu est classée en niveau 1 car il faut réunir trois conditions  
concomitantes : la présence du combustible, du comburant et de la source  
d’ignition ;  
un accident de voiture est classé en niveau 3 car de nombreuses conditions  
indépendantes peuvent mener à l’accident : présence d’un autre véhicule,  
défaillance mécanique, fatigue, ivresse, inattention …  
L’échelle de détermination de E se compose de deux niveaux :  
Niveau 1 : dommages localisés au lieu de l’accident ou au site industriel ne  
touchant que les travailleurs (ou les personnes présentes sur le site) ;  
Niveau 2 : dommages susceptibles de s’étendre à l’extérieur du site en  
atteignant le public.  
Exemples d’application :  
un accident provoqué par la manipulation d’un appareil ou d’une machine est  
classé en niveau 1 car les conséquences ne touchent, la plupart du temps, que  
l’opérateur ;  
une explosion est classée en niveau 2 car elle engendre un souffle et une  
propulsion de débris pouvant atteindre des personnes extérieures au site.  
La différence entre ces deux niveaux implique la prise en compte de la  
probabilité d’extension des dommages à l’extérieur du site. Cette probabilité ne  
peut pas être exprimée de manière explicite au regard du nombre insuffisant de  
données. Il s’agit seulement du potentiel implicite d’extension des dommages à  
l’extérieur du site. Les accidents de type incendie ou explosion sont des  
accidents susceptibles de s’étendre à l’extérieur du site et sont classés  
systématiquement en niveau 2. L’accident de la route est également classé en  
niveau 2 car il présente une forte probabilité d’extension des dommages à une  
personne du public présente sur la route (dans un autre véhicule impliqué ou  
sur la voie publique en tant que piéton). En outre, il est important de noter que  
le passage du niveau 1 au niveau 2 pourrait sous-entendre l’augmentation du  
nombre de morts et cette échelle serait donc une classification du niveau des  
dommages par la quantification du nombre de morts. Or ce n’est pas le but de  
cette échelle. D’une part, l’augmentation du nombre de morts dépend de  
nombreux paramètres tels que le nombre de personnes présentes sur le site ou à  
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proximité, au jour et à l’heure de l’accident, etc. D’autre part, dans une  
démarche d’acceptation sociale, il semble plus pertinent de s’intéresser au type  
de cible touchée (travailleur ou public). Par ailleurs, au regard de la  
disponibilité des données, il apparaît difficile de quantifier le nombre de morts  
par type de cible.  
Pour chaque accident, le niveau de P (probabilité d’occurrence) et le niveau de E  
(étendue des dommages) sont respectivement mentionnés dans les lignes g & h du tableau 3.  
Il est important de noter que les moyens de maîtrise en termes de prévention et de  
protection ne sont présents qu’à titre informatif. Ils n’ont pas été utilisés lors de la  
caractérisation.  
Afin d’exploiter les nombreux résultats de la cotation, l’A.R.C.V. établit un système de  
classement des différents scores obtenus en différenciant trois classes de risque selon le score  
(Niveau de P, niveau de E). Ainsi, comme présenté dans la figure suivante, la classe 1 ne  
comporte qu'un type de score, la classe 2 deux types et la classe 3 trois types :  
Figure 1 : Les différentes classes des risques de la méthode A.R.C.V. (Aissani et al., 2011).  
L’A.R.C.V. se contente d’un nombre maximum de trois classes afin de simplifier  
l’analyse. Un nombre plus important de classes n’est pas pertinent par rapport au degré de  
finesse de l’outil.  
Dans notre application, la filière Eo comptabilise 10,8% de classe 1 ; 44,4% de classe 2 et  
44,8% de classe 3 alors que la filière PV révèle 10% de classe 1 ; 51,5% de classe 2 et 38,5% de  
classe 3.  
Afin de comparer plus aisément les cycles de vie, l’A.R.C.V. prévoit d’élaborer des  
graphiques appelés « risqueprofils », comparables aux « écoprofils » réalisés en A.C.V. Ces  
graphiques permettent de visualiser le nombre d’accidents par classe pour chaque grande  
étape des cycles de vie. Les risqueprofils de notre application sont présentés dans la figure 2.  
En comparant les graphiques, on constate que :  
Seules les phases préparation des matières premières et transport comptent des  
accidents de classe 1 pour les deux filières ;  
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Figure 2 : Risqueprofils : nombre d’accidents possibles par classe de risque des étapes du  
cycle de vie de l’Éolien et du Photovoltaïque (Alkoshak, 2011).  
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Pour la filière PV, la phase la plus dangereuse semble être l'extraction des  
matières premières suivie par la phase de transport. On remarque la même  
chose pour la filière Eo ;  
Pour la phase préparation des matières premières, la filière PV semble être plus  
dangereuse que la filière Eo en comptabilisant le plus grand nombre d'accidents  
possibles pour toutes les classes et également pour le nombre total d'accidents  
possibles ;  
Au contraire, la phase de transport de la filière Eo montre le plus grand nombre  
d'accidents pour toutes les classes et également pour le nombre total  
d'accidents. Ceci est compréhensible puisque l’Eo nécessite des convois  
exceptionnels ;  
Pour la phase de construction, les deux filières montrent le même nombre  
d'accidents. Cependant la filière Eo comporte 5 accidents en classe 3 alors que la  
filière PV comporte 4 accidents en classe 3 et 1 accident en classe 2. On est  
pourtant sur un nombre limité de grands chantiers pour l’Eo alors que cela  
correspond à une multitude de petits chantiers pour le PV ;  
Pour la phase de fonctionnement, la filière Eo montre le plus grand nombre  
d'accidents en classe 2 et le même nombre en classe 3. Cependant elle a  
globalement le plus grand nombre d'accidents ;  
Pour la phase de démantèlement, les deux filières comportent presque le même  
nombre d'accidents en classe 3, 3 pour la filière Eo et 4 pour la filière PV ;  
Pour la phase d'élimination, les deux filières sont similaires par rapport au  
nombre total d'accidents et par rapport au classement.  
Pour la phase de raccordement au réseau, les deux filières ont le même nombre  
d'accidents en général. Cependant, la filière Eo comporte 1 accident en classe 2  
et 1 accident en classe 3 tandis que la filière PV comporte 2 accidents en classe 3  
;
Globalement, la filière PV comporte le plus grand nombre d'accidents. En  
considérant toutes les phases étudiées, on remarque presque le même nombre  
d'accident en classe 1 et classe 3 mais une différence considérable en classe 2.  
3.3.3 Évaluation  
Comme pour l’A.C.V., cette sous-étape méthodologique est éventuellement réalisée  
pour faciliter la comparaison des cycles de vie à partir d’une méthode d’analyse multicritère.  
L’A.R.C.V. propose d’agréger les résultats par une moyenne arithmétique pondérée pour  
obtenir in fine un score unique par cycle de vie étudié. Un coefficient de pondération est  
attribué à chaque classe de risque : un coefficient 1 pour les accidents de classe 1, un  
coefficient 2 pour les accidents de classe 2 et un coefficient 3 pour les accidents de classe 3. Le  
score global est donné par la formule suivante :  
Score global = ((n1 x 1) + (n2 x 2) + (n3 x 3)) / (n1 + n2 + n3)  
où ni représente le nombre d'accidents possibles par classe i.  
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Pour chacune des filières et pour chaque phase du cycle de vie, on obtient des scores en  
termes de niveau de risque, ces scores sont compris entre les valeurs 1 et 3, où 1 représente le  
niveau de risque le plus faible alors que 3 représente le niveau de risque le plus fort. Comme  
cette pondération est forcément subjective, il est nécessaire, à l’instar de A.C.V., de réaliser  
une étude de sensibilité sur cette pondération.  
Description  
Score PV  
Score Eo  
Ecart %  
Préparation des matières premières  
Fabrication  
2,2  
2,4  
2,8  
3
2,3  
/
4
/
7
Construction  
3
Raccordement au réseau  
Fonctionnement  
2,5  
2,6  
2,8  
2,2  
2,4  
17  
5
2,8  
3
Démantèlement  
7
Élimination des déchets  
Transports  
2,2  
2,6  
0
7
Tableau 4 : Scores globaux des deux filières pour chaque phase du cycle de vie  
(Alkoshak, 2011).  
3.4 Interprétation des résultats  
Cette dernière étape de l’A.R.C.V. permet de vérifier la pertinence des résultats par  
rapport aux finalités et objectifs de l’étude. Différents aspects doivent être passés en revue :  
les typologies d’accidents répertoriés et leur répartition, les scores des deux filières et la  
significativité des résultats.  
3.4.1 Examen des différentes typologies d'accidents  
L'examen du tableau 5 permet dans un premier temps, de mettre en évidence un  
nombre différent d'accidents potentiels entre la filière Eo et la filière PV.  
PV  
Nombre  
76  
Eo  
%
23  
10  
9
Nombre  
%
31  
11  
10  
28  
10  
2
Traumatisme  
Accident routier  
Incendie  
97  
34  
32  
90  
31  
7
34  
30  
Explosion  
Inhalation  
Choc électrique  
Autre  
100  
60  
29  
18  
4
14  
25  
7
24  
315  
8
Total  
339  
100  
100  
Tableau 5 : Comparaison des filières Éolienne et Photovoltaïque par typologie d'accidents  
(Alkoshak, 2011).  
Ces deux filières comptabilisent respectivement 315 et 339 accidents potentiels. Au  
premier abord, une conclusion pourrait s'imposer : la filière présentant le plus grand nombre  
d'accidents est la filière la plus dangereuse. Cependant, au regard de la disponibilité des  
données, l'inventaire des situations dangereuses et de leurs accidents associés ne peut pas  
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être considéré comme exhaustif, donc il semble pertinent d'examiner les résultats en  
s'affranchissant du nombre d'accidents. Pour cela, on a calculé la répartition de ces  
différentes typologies au sein de chaque filière. On a ensuite examiné les différentes  
typologies d'accidents les plus représentées au sein de chacune des filières. Pour la filière PV  
trois typologies se dégagent : l'explosion (29%), le traumatisme physique (23%) et l'inhalation  
(18%). Pour la filière Eo deux typologies se dégagent : le traumatisme physique (31%) et  
l'explosion (29%). L'accident « inhalation » est plus présent dans la filière PV (18%) que la  
filière éolienne (10%). Ceci peut s'expliquer par le grand nombre de matières premières  
chimiques utilisées dans la filière PV. Beaucoup de ces produits chimiques sont toxiques et  
leur production comporte des risques d'inhalation. L'accident « traumatisme physique » est  
plus présent dans la filière Eo (31%) que la filière PV (23%). Cela s'explique par le grand  
nombre de métaux nécessaires pour la fabrication d'une éolienne, qui nécessite une série de  
procédés accidentogènes (extraction, broyage, affinage, fonte, coulée, refroidissement, etc).  
3.4.2 Scores et classement des phases du cycle de vie et des deux filières  
Au regard des résultats du tableau 4, il est possible d'établir un classement par ordre  
décroissant des niveaux de risques des différentes phases du cycle de vie pour chacune des  
filières :  
Filière PV : raccordement au réseau  
/
démantèlement, construction,  
fonctionnement, transport, fabrication, élimination, préparation des matières  
premières.  
Filière Eo : construction, démantèlement, fonctionnement, raccordement au  
réseau, transport, préparation des matières premières, élimination.  
Dans un premier temps on a présumé que la phase de préparation des matières  
premières est la phase la plus dangereuse au sein de la filière PV. Mais à la lumière de ces  
données, il s’avère que la phase de raccordement au réseau est la plus dangereuse. Ceci peut  
s'expliquer par le nombre d'accidents global de la phase où on trouve 2 accidents de classe 3,  
c’est-à-dire que 100% d'accidents de cette phase sont de classe 3. Par contre, on trouve dans  
la phase de préparation de matières premières 227 accidents. Parmi ces accidents, on en  
compte 83 de classe 3, 124 de classe 2 et 20 de classe 1. En conséquence, 36,6% d'accidents de  
cette phase sont de classe 3, 54,6% de classe 2 et 8,8% de classe 1.  
Certains scores étant relativement proches, on a calculé les écarts relatifs des valeurs  
pour une même phase entre les deux filières selon la formule suivante :  
((valeur la plus forte – valeur la plus faible) / valeur la plus forte) x 100  
Le calcul de ces écarts permet de vérifier si les valeurs sont significativement  
différentes. Au regard du tableau 4, on remarque que le score le plus important pour la  
filière Eo est celui obtenu pour la phase de construction. Pour la filière PV les scores  
supérieurs sont obtenus pour les phases de démantèlement et de raccordement au réseau. La  
phase de raccordement au réseau de la filière PV est considérablement plus dangereuse que  
celle de la filière Eo. Ceci peut aussi s’expliquer par le nombre d’installations concernées : 1  
seul parc éolien correspond à plusieurs centaines de toitures photovoltaïques pour un  
productible comparable.  
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application à deux filières énergétiques en France  
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La figure 3 indique que la filière PV semble légèrement plus dangereuse pour les trois  
phases : transport, fonctionnement, démantèlement.  
Figure 3 : Visualisation graphique des scores obtenus par phase du cycle de vie des filières  
Éolien et Photovoltaïque (Alkoshak, 2011).  
L’écart est encore plus net pour la phase raccordement au réseau. Par contre, la filière  
Eo semble légèrement plus dangereuse pour les phases préparation des matières premières  
et construction. Pour la phase d'élimination, les deux filières sont semblables.  
3.4.3 Significativité des résultats  
L'étude des résultats globaux des deux filières (tableau 4 et figure 3) a mis en évidence  
de faibles écarts entre les deux filières. Afin de vérifier la significativité des écarts, il est  
nécessaire de connaitre l'ordre de grandeur des incertitudes. Du fait de l'hétérogénéité des  
données et de leur faible disponibilité, l'ordre de grandeur des incertitudes n'a pu être  
déterminé. En effet, nos résultats sont directement liés à l'inventaire des situations  
dangereuses et à la détermination des niveaux de risque. Pour les deux filières, l’analyse a  
posteriori pour tous les accidents potentiels de la filière n’a pas été faite car ces 2 filières sont  
relativement récentes. L'inventaire des situations dangereuses n'est pas exhaustivement  
identifié et établi. Par ailleurs, la réalisation de la cotation peut également constituer un biais  
dans la méthode. La probabilité d'occurrence d'un accident est déterminée grâce au  
recensement des défaillances susceptibles de le provoquer. Ce recensement n'est pas  
exhaustif et il est donc probable que, comme toutes les défaillances n'ont pas été identifiées,  
le niveau attribué soit inexact. Ainsi, la différence de niveaux attribués peut engendrer des  
résultats potentiellement différents et donc des écarts différents. Par ailleurs, l'évaluation du  
terme étendue des dommages est également soumise à quelques limites. On a  
systématiquement majoré à un niveau 2 tous les accidents dont les conséquences  
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s’étendaient potentiellement hors du site et risquaient d’atteindre le public. Ces accidents  
sont l'explosion, l'incendie et l'accident routier. La probabilité de l'extension des  
conséquences de ces accidents n'est pas connue précisément.  
Dès lors, il est possible que, selon les circonstances de l'accident, les conséquences  
soient limitées au site et les accidents concernés ne peuvent donc pas être classés en niveau 2.  
Ce constat met donc en évidence une majoration du terme étendue des dommages. Dès lors,  
il apparaît difficile de déterminer un seuil de significativité des écarts calculés.  
Le défi de développement de cette méthode serait de passer du qualitatif au quantitatif  
sans trop alourdir l’analyse. Il s’agirait aussi de prendre en compte d’autres niveaux  
d’accidents comme des blessures graves n’entraînant pas la mort ou des atteintes  
environnementales majeures.  
En conclusion, les résultats de notre application sont les suivants : pour la filière PV, les  
étapes les plus problématiques sont le raccordement au réseau et le démantèlement et pour  
la filière Eo l’étape de construction. Globalement, les écarts relatifs entres les deux filières  
sont faibles et ne peuvent pas être considérés comme significatifs. Il apparaît donc difficile de  
trancher en termes de dangerosité entre les deux filières.  
Enfin, pour revenir à l’autre proposition méthodologique faite par l’équipe chinoise, la  
grande et seule différence entre l’A.R.C.V. française et chinoise porte sur le type de risque  
considéré. Comme nous venons de le voir, la démarche française propose de considérer le  
risque d’accident mortel quelle que soit la cause alors que la démarche chinoise propose de  
retenir que le risque toxique. La première démarche est plus exhaustive et la deuxième est  
plus précise car quantitative.  
4. L'A.R.C.V. et les autres méthodes d'analyse des risques  
Pour mieux positionner la méthode A.R.C.V. par rapport aux autres méthodes  
d'analyse des risques, nous avons réalisé une analyse multicritère simplifiée en prenant en  
compte les critères suivants :  
A posteriori / A priori : ce critère indique si la méthode est réalisée à partir  
d’un évènement survenu ou non ;  
Inductive / Déductive : une méthode inductive est une méthode qui part des  
causes pour arriver aux effets ; à l’inverse, une méthode déductive part des  
effets pour arriver aux causes ;  
Vision globale / Vision partielle : la méthode prend en compte l’ensemble du  
cycle de vie d’un procédé ou d’un produit ou seulement une partie du cycle de  
vie ;  
Comparaison de différents systèmes : ce critère définit si la méthode étudiée a  
une vocation intrinsèque à pouvoir comparer différents systèmes ;  
Exhaustivité : ce critère permet d’indiquer si la méthode prend en compte  
l’ensemble des risques, des causes et des défaillances.  
Le tableau 6 permet de savoir si les méthodes étudiées répondent à ces critères.  
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Analyse des risques du cycle de vie :  
application à deux filières énergétiques en France  
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De plus, les méthodes d’analyses de risques existantes ont des modes d’évaluation  
différente du risque.  
Certaines utilisent des modèles afin de modéliser la source de danger, d’autres  
étudient les accidents s’étant déjà produits, d’autres établissent des arbres des causes afin de  
déterminer des scénarios d’accidents et enfin les dernières n’utilisent que les propriétés  
physico-chimiques afin d’établir un niveau de risque.  
Notre méthode utilise, quand les données sont disponibles, le retour d’expérience  
d’accidents afin d’identifier les situations dangereuses susceptibles de les engendrer. Quand  
les données n’existent pas ou ne sont pas disponibles, nous utilisons les propriétés physico-  
chimiques des facteurs à risque. En utilisant ces deux démarches, notre méthode tend à être  
exhaustive et est complémentaire des autres méthodes existantes.  
Arbre de  
défaillances  
Arbre de  
conséquence  
AMDEC1  
HAZOP2  
MOSAR3  
ARCV  
A posteriori  
A priori  
-
+
+
-
-
+
+
-
-
+
-
+
-
-
+
+
-
+
+
+
-
Inductive  
+
-
Déductive  
Vision globale  
+
-
+
-
-
-
-
+
-
Vision  
partielle  
+
-
+
-
+
-
+
-
Comparaison  
de systèmes  
-
+
-
Exhaustivité  
+
+
+
+
+
Tableau 6 : Comparaison multicritère des méthodes d'analyse des risques («-» : négatif ;  
«+» : affirmatif).  
Par ailleurs, les méthodes existantes n’étudient généralement qu’une seule cible, les  
hommes et plus particulièrement les usagers et pas toujours les travailleurs. Dans un  
contexte d’acceptation sociale, le fait d’axer l’analyse de risques sur cette cible spécifique  
semble cohérent et judicieux. Nous avons décidé de considérer également les travailleurs car  
la prise en compte de l’ensemble du cycle de vie des filières énergétiques les met au centre de  
la plupart des accidents.  
Les accidents, dans la plupart des études existantes, peuvent être qualifiés comme  
« majeurs » ou en d’autres termes entraînant des conséquences graves telles que l’incendie,  
l’explosion ou l’inhalation avec des dommages dont les conséquences sont irréversibles (la  
mort). En général, la réglementation et la normalisation mettent l’accent sur les risques  
« majeurs » en termes d’explosion et/ou d’incendie.  
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P. ROUSSEAUX, M. LICHOU & O. ALKOSHAK  
L’intérêt principal de l’A.R.C.V. est de considérer le C.V. dans une analyse de risques  
et permet ainsi d’identifier et de quantifier les « transferts de risques ». Par exemple, une  
étape du C.V. peut s’avérer « sûre » au niveau de ses frontières mais poser des problèmes de  
sécurité dans les étapes en amont et en aval. On constate que, par rapport aux autres  
méthodes, l'A.R.C.V. a une vision globale et est capable de comparer les différents systèmes.  
Contrairement à des méthodes comme M.O.S.A.R. (Méthode Organisée Systémique  
d’Analyse des Risques) ou HAZ.OP. (HAZard and OPerability study) par exemple qui  
analysent dans le détail un système donné, existant ou à créer, l’A.R.C.V. peut être utilisée  
pour guider des choix généraux de conception : du point de vue des risques évalués sur  
l’ensemble du cycle de vie, quelle est la meilleure solution ? Elle peut être utilisée alors que la  
conception de la solution n’en est qu’à ses débuts car elle ne nécessite pas de connaître le  
détail des installations.  
Par exemple dans notre domaine d’application qui est l’énergie, on pourrait utiliser  
l’A.R.C.V. dans le débat sur la transition énergétique, pour comparer les filières de  
production d’électricité en analysant le plus objectivement possible les impacts  
environnementaux et les risques du « berceau à la tombe », non seulement sur le lieu  
d’exploitation mais aussi sur les divers lieux concernés par les étapes de fabrication des  
équipements et leur démantèlement. Vaut-il mieux brûler du charbon, avec un impact  
certain sur l’environnement et un risque pour l’homme peu grave mais fréquent (dans les  
mines surtout) ou utiliser du nucléaire à l’impact moindre mais au risque d’accident majeur  
d’une gravité plus élevée mais d’une probabilité heureusement plus faible ? Vers quelles  
filières d’énergies renouvelables doit-on orienter les financements publics ? Telles sont des  
questions pour lesquelles l’A.R.C.V. cherche à apporter des réponses scientifiques et  
objectives au-delà des premières approches souvent subjectives.  
En revanche, la méthode A.R.C.V. est chronophage et peu précise et ne peut être  
exhaustive compte tenu du nombre important de données à collecter. Ceci limite  
malheureusement son champ d’application. En effet, compte tenu de la mondialisation des  
échanges économiques, un C.V. pourrait avoir une étape d’extraction des matières premières  
en Afrique, une étape de fabrication en Asie et une étape de consommation en Europe, d’où  
une collecte très difficile des données. Afin résoudre ce problème de disponibilité des  
données dans le domaine de l’AC.V., il a fallu quelques dizaines d’années pour élaborer des  
banques de données privées et publiques, qui sont aujourd’hui relativement accessibles.  
5. Conclusion  
L’intérêt politique de considérer le C.V. dans une analyse de risques est d’identifier et  
de quantifier les transferts de risques. Les grandes instances internationales (O.N.U., U.E.)  
ont adopté cette approche C.V. car elle permet de vérifier le principe de développement  
durable et ceci pour chaque famille de critères à considérer : économique, social et  
environnemental.  
L’intérêt scientifique de l’A.R.C.V. est de savoir où il faut agir dans une recherche  
d’amélioration.  
L’intérêt managérial de l’A.R.C.V. est de permettre une comparaison des risques de  
différents systèmes rendant le même service. Elle peut être très utile dans le contexte  
d’acceptation sociale de technologies considérées comme dangereuses. Cet aspect est  
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Analyse des risques du cycle de vie :  
application à deux filières énergétiques en France  
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d’autant plus important qu’une installation considérée comme « sûre » pendant sa phase  
d’exploitation sur un territoire donné peut être très dangereuse lors de la construction des  
composants dans un autre pays.  
Compte tenu que l’A.R.C.V. évalue les risques d’accident mortel de tout C.V., il parait  
difficile d’avoir une bonne précision sur les résultats. L’A.R.C.V. doit être considérée comme  
un outil d’évaluation grossière des risques.  
Enfin, l’A.R.C.V. est à ce jour un outil perfectible. La méthodologie proposée soulève  
quelques questions en termes d’exhaustivité de l’inventaire des accidents possibles. Telle que  
la méthode est définie à ce jour, seul le risque d’accident mortel est pris en compte. Il serait  
judicieux de l’étendre à d’autres risques majeurs comme les blessures graves entrainant une  
incapacité ou à certaines maladies professionnelles fatales ou invalidantes. On peut aussi  
envisager de prendre en compte les atteintes majeures et irréversibles à l’environnement.  
Cependant, il ne sera sans doute pas possible d’aller plus bas dans l’échelle des risques : le  
nombre de données à traiter serait alors beaucoup trop important.  
La considération de l’ensemble du C.V. dans une analyse de risques introduit,  
indubitablement, la question de l’exhaustivité et de la représentativité des données utilisées.  
Dans notre exemple, l’étude portait sur les systèmes photovoltaïques placés sur toiture mais  
il est probable que certaines données proviennent d’autres types d’installations  
photovoltaïques.  
Enfin, il faudrait passer d’une évaluation qualitative à une évaluation quantitative des  
risques sans trop alourdir l’analyse.  
6. Bibliographie  
Aissani L., Jabouille F., Bourgois J. & Rousseaux P., (2011), “A new methodology for risk evaluation  
taking into account the whole life cycle (LCRA): Validation with case study”, Process Safety  
and Environmental Protection, Vol. 90, N°4, pp. 295-303.  
Alkoshak O., (2011), Contribution à l’analyse des risques du cycle de vie des filières d’énergie  
électrique des Deux-Sèvres. Mémoire de stage de Master 2 (M.R.I.E.) : Université de Poitiers  
(I.R.I.A.F.).  
Clusel S., (2012), Définition d’une démarche de réduction des vulnérabilités des TPE/PME fondée sur  
le concept de cycle de vie, Thèses de doctorat : ParisTech, Mines de Paris.  
Greiner L., (1972), “Evolution and Revolution as Organizations Grow, Harvard Business Review”,  
Vol. 50, Issue 4, pp. 37-46.  
Hsiu-ching S., Hwong-wen M., (2011), “Life cycle risk assessment of bottom ash reuse”, J. of  
Hazardous Materials, 190, pp. 308-316.  
ISO1 (2006), Management environnemental - Analyse du cycle de vie - Principes et cadre, ISO 14040.  
ISO2 (2006), Management environnemental - Analyse du cycle de vie - Exigences et lignes Directrices,  
ISO 14044.  
Perilhon P., (2003), « MOSAR : Présentation de la méthode », Techniques de l’Ingénieur, SE 4060.  
Rousseaux P., (2005), « Analyse du cycle de vie (A.C.V.) », Techniques de l’Ingénieur,  
G5500  
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