1. INTRODUCTION

Les Supply Chains sont de plus en plus numérisées et connectées en raison de l'accélération des progrès technologiques. Le concept de la Supply Chain 4.0 est en pleine expansion qui se réfère à l’intégration des nouvelles technologies à l’ensemble des acteurs de la Supply Chain avec l’objectif d’intégrer les flux de matières et de données pour obtenir une Supply Chain plus sûre, plus rapide et plus flexible. Dans ce contexte, cet ouvrage collectif, écrit par des enseignants-chercheurs et des consultants, est entièrement centré sur la Supply Chain 4.0.

Les coordinateurs de cet ouvrage : Emel Aktas, Michael Bourlakis, Ioannis Minis et Vasileios Zeimpekis ont invité différents auteurs à contribuer en fonction de leurs recherches récentes sur les applications de ces technologies. Ils avaient deux motivations principales : 1-les travaux présentent la mise en œuvre des technologies de l'industrie 4.0 dans la gestion de la Supply Chain ; et 2-le travail peut être appliqué dans la pratique afin que les lecteurs puissent tirer des conclusions clés pour la mise en œuvre de ces technologies dans leurs propres Supply Chain.

L’ouvrage aborde plusieurs aspects importants de la Supply Chain 4.0. Il présente quelques technologies utilisées dans le domaine de la Supply Chain 4.0, comme par exemple : la prédiction des retards de distribution physique, l'utilisation de la robotique collaborative dans l'entrepôt, et la mise en œuvre de la technologie de prélèvement visuel pour améliorer l'efficacité des opérations de l'entrepôt. Cet ouvrage se concentre également sur la façon dont les technologies de l'Industrie 4.0 peuvent être utilisées pour la logistique humanitaire, fournissant un cas de la grande inondation de 2019 en Iran.

2. Structure de l’ouvrage et contenu

Cet ouvrage est structuré en douze chapitres indépendants traitants une thématique et/ou une technologie différente.

2.1 Supply Chain 4.0: enabling market-driven strategies

Le chapitre 1 présente la Supply Chain 4.0 en relation avec les stratégies axées sur le marché. Le professeur Martin Christopher réfléchit aux changements importants survenus au cours des dernières décennies, de la conception de la Supply Chain à l'émergence de la Supply Chain 4.0, en s'appuyant sur les technologies de l'industrie 4.0. Soulignant l'évolution de la demande des clients, le chapitre attire l'attention sur de nouveaux concepts tels que « la taille de lot d’1 unité » et « le segments d'1 client ». Il invite également les professionnels de la Supply Chain à passer d'une approche axée sur les prévisions « forecast-driven » à une approche axée sur la demande « demand-driven » et explique comment la Supply Chain 4.0 facilitera une perspective axée sur la demande, augmentant à la fois la visibilité et la vitesse de la Supply Chain. En conclusion, le chapitre présente des perspectives sur la mise en œuvre des technologies de la Supply Chain 4.0, en soulignant l'utilisation transparente des flux de données et d'informations à travers le réseau.

2.2 Driving better customer experience in digital supply chains

Le chapitre 2 est axé sur la manière dont l'expérience client peut être améliorée par la numérisation des Supply Chains à l'aide des données disponibles à l'intérieur et à l'extérieur de l'organisation. Après avoir fourni diverses définitions de l'expérience client, Patrick Strauss développe les principaux attributs pour une meilleure expérience client en fournissant des données clés provenant de sources pertinentes. Plusieurs mesures de l'expérience client sont présentées et le lecteur est informé de leur objectif et du moment où elles doivent être utilisées. Ce chapitre présente cinq exemples d'utilisation des technologies numériques dans la Supply Chain pour stimuler l'expérience client. Il donne également l'exemple de ce qui peut être réalisé en tirant parti des technologies de l'Industrie 4.0 telles que l'intelligence artificielle, les chat-bots et la reconnaissance faciale pour la modélisation prédictive des offres personnalisées. Il conclut qu’il est fort probable que l'organisation adopte sa propre solution personnalisée plutôt que d'utiliser des applications d'intelligence artificielle standard et de pointe.

2.3 Blockchain in the supply chain

L'intégrité, la transparence et la sécurité des informations sont des conditions nécessaires aux applications Supply Chain 4.0, en particulier en présence de plusieurs parties prenantes qui partagent et traitent des données sensibles. Le chapitre 3 explore les applications de la blockchain dans la Supply Chain. Après une définition claire de la blockchain, Martyn Walker se concentre sur les contrats intelligents « smart contacts » pendant le processus d'approvisionnement. Il compare les blockchains publiques et privées et met en évidence les domaines spécifiques dans lesquels les Supply Chains peuvent bénéficier de cette technologie, tels que le service client, la budgétisation, la gestion du risque, la gestion des relations et les ressources humaines. Une contribution essentielle de ce chapitre est une étude de cas sur la blockchain, dans laquelle les solutions de financement du commerce sont comparées aux obligations de paiement anticipé permises par la technologie de la blockchain. Cette solution permet d'obtenir une visibilité à travers plusieurs niveaux de fournisseurs au sein d’une Supply Chain.

2.4 Blockchain for humanitarian supply chain

Par la suite, le chapitre 4 examine l'adoption de la technologie de la blockchain dans les Supply Chains humanitaires dans le but de faciliter l’instauration rapide de la confiance entre les fournisseurs de secours et d'améliorer la coordination des activités de réaction face aux catastrophes. La principale différence entre les Supply Chains humanitaires et les Supply Chains commerciales est la nature de l'opération et la nature à court terme de la collaboration entre les partenaires qui ne travaillent pas ensemble au quotidien. À l'aide des données recueillies par le biais d'une enquête auprès de 172 répondants, Dubey et al démontrent que la technologie de la blockchain augmente la transparence opérationnelle de la Supply Chain et la confiance qui se construit entre les membres de la Supply Chain, ce qui améliore la coordination.

2.5 Supply Chain 4.0: the cyber-security challenge

Les défis de sécurité peuvent également découler de ces nouvelles technologies connectées. Le chapitre 5 présente une revue de littérature, axée sur la pratique, des cybermenaces qui pèsent sur les Supply Chains et qui découlent des technologies récemment adoptées dans l'Industrie 4.0 et de l'évolution des cultures organisationnelles. S'appuyant sur les incidents récents de cyberattaques, le chapitre 5 décrit d'abord l'évolution du paysage technologique en expliquant comment les attaques virtuelles peuvent affecter les systèmes physiques. Avec une liste succincte des acteurs qui posent des menaces de cybersécurité, James Kench donne un aperçu des approches possibles pour minimiser le risque de telles attaques. La conclusion principale est que les organisations ont besoin d'une approche à plusieurs niveaux pour neutraliser les menaces de cybersécurité, qui implique la conception du système, le comportement des utilisateurs et la réponse aux incidents, la protection des données, les sauvegardes de routine et les plans de continuité d'activité.

2.6 Defining system parameters for enhancing vision picking technology

Le chapitre 6 définit et teste les paramètres du système pour améliorer la technologie de prélèvement visuel dans les entrepôts. Gialos et Zeimpekis identifient 20 paramètres qui affectent la performance de la technologie de prélèvement visuel dans un entrepôt grâce à une revue systématique de la littérature. Ils choisissent ensuite quatre de ces paramètres en se basant sur le l’avis d'experts et en utilisant le processus d’analyse hiérarchique (AHP). À l'aide d'une approche expérimentale, ces auteurs effectuent des tests en laboratoire pour établir la performance d'une technologie de prélèvement visuel basée sur le temps d'achèvement et la précision, tout en évaluant la charge de travail perçue. Ils attirent également l'attention sur trois aspects qui font ou feront échouer un exercice d'adoption des technologies : la culture organisationnelle, la restructuration des processus et la résistance du personnel au changement. Sans tenir compte de ces aspects et les intégrer au processus de gestion du changement, un exercice d'adoption de la technologie peut ne pas atteindre les objectifs visés.

2.7 Collaborative robotics: transforming warehouse logistics

Le chapitre 7 porte sur l'application des technologies de l'Industrie 4.0 dans l'entreposage. Markus Voss présente la transformation des opérations d'un entrepôt par l'introduction de la robotique collaborative dans l'environnement de travail. La robotique est reconnue comme la technologie d'entrepôt la plus importante et elle devrait améliorer la productivité. Plus précisément, des augmentations de productivité allant de 10 % à 50 % sont signalées pour diverses technologies d'automatisation telles que les robots point à point de casiers automatisés et les robots point à point de palettes autonomes. Une technologie d'automatisation robotique spécifique, Locusbots, est présentée en détail pour informer le lecteur sur les étapes de mise en œuvre et les principes de fonctionnement des robots d'entrepôt.

2.8 Improving cold-food quality control

Le chapitre 8 examine une autre application des technologies de l'Industrie 4.0 en entrepôt, en mettant l'accent sur la chaîne du froid pour les produits alimentaires. En présentant une étude de cas sur les processus logistiques sortants chez un grand fournisseur d'aliments froids au Brésil, Prim et al identifient les obstacles, les facteurs et les résultats d'une application d'analyse de l'Internet des objets et le Big Data pour réduire les coûts et améliorer l'efficacité énergétique. En utilisant l'approche méthodologique de la recherche-action, ils se placent dans le processus de transformation et assistent directement aux difficultés et aux résultats. Ils présentent l'Internet des objets et le Big Data comme des outils de suivi en temps réel des processus de la Supply Chain, de soutien à la prise de décision proactive, de réduction des coûts opérationnels et d'amélioration de la qualité des produits. Aussi, ils affirment qu'un partenariat collaboratif réduirait la courbe d'apprentissage et les obstacles à l'adoption, et augmenterait la probabilité d'une mise en œuvre réussie.

2.9 Predicting distribution transit times: a case study of outbound logistics

Le chapitre 9 présente une application pratique d'apprentissage automatique « Maching learning » pour prédire les temps de transit de la distribution en utilisant des données internes et externes. Ben Miled, Archbold et Cochenour présentent des caractéristiques pertinentes pour prédire les temps de transit d’un fournisseur basé à Indianapolis (États-Unis) en utilisant les données opérationnelles du fournisseur complétées par des données météorologiques externes et des flux Twitter. Ils concluent que la variabilité des données opérationnelles, les emplacements géographiques des paires origine-destination et la longueur de l'itinéraire ont un impact significatif sur la performance prédictive du modèle. L'approche proposée pour la prévision du temps de transit devrait informer les responsables des expéditions des écarts mineurs et majeurs par rapport au plan afin que les mesures appropriées puissent être prises pour atténuer les effets négatifs de ces écarts.

2.10 Adopting Industry 4.0 technologies in agri-food supply chains

Le chapitre 10 s'appuie sur les idées présentées dans les chapitres précédents en mettant l'accent sur l'adoption des technologies de l'Industrie 4.0 dans les Supply Chains agroalimentaires. En adoptant une approche méthodologique différente, Ali, Satie et Thai interrogent les principaux acteurs d'une Supply Chain australienne des agrumes. Ils notent que les principaux moteurs de l'adoption des technologies de l'Industrie 4.0 sont l'optimisation des coûts, le souci de la sécurité alimentaire, la facilitation de la conformité réglementaire et la capacité à mieux correspondre à l'offre et à la demande. Ils identifient également les principaux obstacles à surmonter, soit l'inertie organisationnelle, les contraintes financières ou le manque de partage des ressources au sein de la Supply Chain agroalimentaire. Comme au chapitre 6, ils soulignent également la résistance au changement technologique comme une préoccupation clé qui empêche l'adoption. Ils suggèrent que cette résistance peut provenir du manque de compétences et de connaissances sur les avantages de ces technologies.

2.11 Insights from the Iran floods of 2019

Le chapitre 11 est consacré aux technologies de l'industrie 4.0 qui permettent à l'économie du partage de trouver un nouvel objectif à atteindre à la suite d'une catastrophe soudaine. Considérant les crues subites de la mi-mars à avril 2019 en Iran comme une étude de cas, Seddighi et Moradlou examinent le rôle des plateformes numériques dans la mise en relation des victimes avec les donateurs d'une manière peer-to-peer pour fournir : transport, abri et distribution de secours. Ils concluent que les incitations à l'économie du partage et les technologies de l'Industrie 4.0 peuvent aider les organisations humanitaires et les premiers intervenants en termes d'évaluation des besoins, d'approvisionnement et de gestion des stocks. Ils proposent que ces incitations soutenues par les technologies de l'Industrie 4.0 puissent jouer de multiples rôles pour connecter et servir les personnes, améliorer l'efficacité et l'efficience de la logistique humanitaire.

2.12 In search of a human dimension of Supply Chain 4.0

La transition des Supply Chains traditionnelles aux Supply Chains numériques exige que les organisations intègrent l'élément humain dans le processus de gestion du changement. Le dernier chapitre de cet ouvrage traite de la façon dont l'apprentissage peut faciliter cette transition avec une étude de cas d'une entreprise danoise de construction. Les phases que l'entreprise a traversées dans cette transition sont présentées à la lumière de l'apprentissage basé sur la pratique. Dans le chapitre 12, De Haas et al. suggèrent des implications spécifiques pour la prise de décision dans un contexte incertain, qui provient du manque de coordination et d'information. Ils démontrent que l'apprentissage est essentiel pour améliorer l'efficacité de la Supply Chain et recommandent aux responsables de la Supply Chain de se tourner vers d’autres domaines tels que les ventes, la finance et l'informatique en dehors de leurs périmètres fonctionnels. De cette façon, des informations sont obtenues sur les exigences et la demande des clients ainsi que sur les risques associés aux investissements stratégiques, et sur les développements technologiques tels que l'intelligence artificielle, la robotique et la blockchain pour une transition réussie vers la gestion de la Supply Chain numérique.

3. Contributions principales et aspects critiques

L’exploration du rôle et de la contribution de nouvelles technologies de l’Industrie 4.0 pour les acteurs de la Supply Chain est l'objectif principal de cet ouvrage. Cet objectif est presque atteint en abordant plusieurs aspects importants de la Supply Chain 4.0. Bien que très intéressé par le sujet, j'ai eu un peu de mal à terminer les 281 pages car les douze chapitres de cet ouvrage manquent d’un fil directeur et la valeur ajoutée est relativement variable d’un chapitre à un autre. Cependant, cet ouvrage apporte un bon éclairage sur la façon dont certaines technologies de l'Industrie 4.0 peuvent améliorer les Supply Chains.

Après avoir présenté les stratégies et les initiatives fondamentales de la Supply Chain 4.0, cet ouvrage se concentre également sur la mise en œuvre et l'application actuelles de certaines technologies spécifiques de l'industrie 4.0 dans la gestion de la Supply Chain.

Ouvrage intéressant qui pose évidemment les questions-clés de toute entreprise ou Supply Chain de notre époque. Les différents thèmes abordés dans les douze chapitres sont intéressants mais j'ai regretté : le manque d’un chapitre introductif qui pose les bases et propose une définition claire de ce qui est la Supply Chain 4.0 et un certain manque de structure dans l'ouvrage qui conduit à certaines redondances de sens. Le contenu et le style d'écriture, surtout dans les premiers chapitres, est cependant parfois difficile à suive avec une vision plus proche du marketing que de la Supply Chain.

Il faut préciser également que cet ouvrage est disponible uniquement en anglais mais dans différents formats (électronique ou papier) mais avec un prix relativement élevé entre 41 euros (pour la version Kindle) et 167 euros (pour la version reliée).

Je m’en voudrais, en terminant, de ne pas mentionner l’importance de cet ouvrage, compte tenu du peu de références disponibles sur cette thématique.

4. BIOGRAPHIE

Ridha Derrouiche est Enseignant-Chercheur à EM-Strasbourg et membre du Laboratoire HUMANIS. Il détient un docteur en Génie Industriel de l'Université de Lyon. Il a mené des missions d'un an à l'Université de Chiang Mai en Thaïlande où il était le directeur du centre Franco-Thai (Franco-Thai ICT Center), le coordinateur du projet euro-thai ETHICS-FED (Euro THai Implementation of Cooperative Study-For Economic Development) et membre du Projet e-LINK (east-west Link for Innovation, Networking and Knowledge exchange). Sa thématique de recherche s'inscrit dans le domaine de la Collaborative Supply Chain. Il s'intéresse particulièrement à la création et le partage de valeur entre partenaires de la Supply Chain.

Ridha Derrouiche, HuManis laboratory of EM Strasbourg Business School, 61 avenue de la Forêt Noire, F-67000, Strasbourg, France, ridha.derrouiche@em-strasbourg.eu ,

https://orcid.org/0000-0003-2877-1264